Depuis plus de 10 ans GRDF a fait évoluer son projet d’entreprise qui se résume à travers la phrase “Vert l’avenir”. L’ambition du groupe est d’atteindre 100 % de gaz renouvelables injectés dans les canalisations d’ici 2050. Ce scénario est-il crédible et souhaitable ?
La R&D autour de la transition énergétique est particulièrement dynamique, notamment en Auvergne. Ces dernières années, de nombreuses innovations technologiques ont permis d’ouvrir un champ des possibilités plus large pour la production de gaz renouvelables en France.
Nous vous proposons un tour d’horizon des dernières avancées de la filière, de ses limites et des défis qu’elle devra relever dans les prochaines années !
Ce dossier spécial est sponsorisé par GRDF.
La France mise sur un mix énergétique équilibré
La consommation énergétique en France varie du simple au quadruple entre l’été et l’hiver. Pour répondre au besoin de la population, la France s’appuie sur le réseau de gaz et le réseau électrique. Ils ont une capacité à la pointe qui peut fournir respectivement 180 GW et 100 GW.
La stratégie française pour réussir sa transition énergétique mise d’abord sur plus de sobriété. Cela passe par une baisse de besoins annuels de 400 TW à 300 TW d’ici 2050. Pour y arriver, la filière travaille sur des systèmes plus performants et optimisés pour limiter les besoins dans l’habitat, l’industrie et la mobilité.
Décarboner le gaz en Auvergne
Aujourd’hui, la France consomme, et donc importe, principalement du gaz fossile. L’ambition nationale est de basculer sur la production de gaz renouvelables produits en France. Ce changement de paradigme permettra d’une part de réduire l’impact environnemental du gaz, et d’autre part, de limiter la production de CO2 qui participe au réchauffement climatique.
Une étude en partenariat avec l’ADEME a conclu à la possibilité d’atteindre un mix de gaz 100% renouvelables en 2050 à certaines conditions. Ce scénario mise sur trois familles de gaz renouvelables issues de la méthanisation, de la pyrogazéification et du Power-to-gas.
La méthanisation : du gaz vert avec les déchets
La technologie basée sur la méthanisation est aujourd’hui mature. Elle permet de transformer des déchets organiques en biogaz.
La méthanisation s’appuie sur la collecte de biodéchets comme les déchets alimentaires ou agricoles (fumier ou lisier). Elle peut également transformer les boues issues des stations d’épuration ou des eaux usées contenant de la matière organique.
Par exemple, localement, la station d’épuration des Trois-Rivières de Clermont-Ferrand s’inscrit dans cette logique. Elle va valoriser les matières en biogaz.
Par ailleurs, une unité de méthanisation est déjà présente sur le site de l’incinérateur du Valtom sur la métropole Clermont-Auvergne. Elle valorise les déchets verts pour produire du gaz, qui sert ensuite à alimenter la chaudière de l’incinérateur.
Il existe aujourd’hui 383 sites de méthanisation répartis sur tout le territoire. Par ailleurs, plus de 1000 nouveaux projets sont également en développement.
80 % des sites de méthanisation sont d’origine agricole. Ce sont généralement des groupements d’agriculteurs qui valorisent leurs effluents d’élevage, les résidus de culture ou des biodéchets du territoire.
Aujourd’hui, la production annuelle représente 850 000 foyers en France. En ajoutant le millier de projets en attente, le gisement potentiel serait de 26 Tera WH. Cela représente un tiers de ce que l’on importe de Russie et environ 9 % de la consommation totale de gaz.
L’enjeu de la collecte de biodéchets pour produire du gaz vert
La gestion de la ressource est un sujet majeur pour favoriser l’acceptation des projets de méthanisation.
Aujourd’hui, les déchets agricoles sont bien captés, pour autant, il faut être vigilant pour éviter les dérives.
« Il existe un débat sur la production agricole dédié à la méthanisation. Il est essentiel d’assurer que la méthanisation n’entre pas en concurrence avec l’alimentation », précise Pierre Fontany du laboratoire Bio-Valo.
« La filière s’organise pour mettre en place des rotations de cultures. Les CIMSE, les Cultures Intermédiaires Multi-services Environnementaux sont une opportunité pour la filière et pour les agriculteurs. Une étude de l’INRAE sur l’impact de ces cultures sur les sols indique qu’elles permettraient d’absorber du carbone et de limiter l’érosion des sols. En effet, seule la partie supérieure est prélevée tandis que les racines restent dans le sol. »
La collecte des autres types de biodéchets est également essentielle. Une part importante des biodéchets n’est pas captée. Pour répondre à cet enjeu, il faut, encore et toujours sensibiliser les citoyens. Par ailleurs, il n’existe pas aujourd’hui de solutions logistiques satisfaisantes pour collecter des petits volumes de biodéchets qui fermentent rapidement.
Le digestat, le fertilisant agricole de demain ?
Lorsque l’on introduit de la matière dans le digesteur du méthaniseur, en plus du biogaz, on récupère une fraction résiduelle que l’on appelle digestat. Elle contient encore un peu de matière organique et de la matière minérale qui peut être utilisée comme fertilisant sur les exploitations pour remplacer les engrais azotés issus principalement du gaz fossile.
La fragmentation permet également d’extraire certaines fractions de ce digestat à destination de l’agriculture de précision.
Mieux capter le CO2
Aujourd’hui encore, la combustion des biodéchets dégage du CO2. Dans le cas de la méthanisation, on parle de CO2 biogénique. Les plantes absorbent du CO2, et la combustion libère de CO2. On ne crée pas de molécules supplémentaires. À l’inverse, le gaz issu des énergies fossiles émet 227 tonnes de CO2 par GWH contre 23,4 tonnes dans le cas d’un biogaz.
Pour autant, la filière souhaite trouver de nouvelles solutions pour capter et séquestrer le CO2. Un CO2 épuré pourrait intéresser les industriels notamment ceux du secteur agroalimentaire.
D’ailleurs, un projet local en partenariat avec une brasserie travaille sur ces aspects-là.
« On va liquéfier le CO2 qui va ensuite alimenter une brasserie pour amener le CO2 dans les bouteilles de boissons » explique David Slaney de GRDF
La pyrogazéification et la valorisation des déchets solides
Cette technique permet de valoriser des déchets solides comme la biomasse, les plaquettes forestières, bois B de mauvaise qualité, résidus de cultures et de tailles, ainsi que les Combustibles Solides de Récupération.
Ce sont principalement des granulés issus de matières plastiques non-recyclables ou de pneus usagés. Ils sont encore peu utilisés en France alors qu’ils le sont fortement au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, en Allemagne et dans les pays nordiques.
Pyrogazéification : un projet industriel au stade du démonstrateur
La pyrogazéification s’effectue en trois étapes. Une première phase de pyrolyse qui chauffe la matière entre 300 et 600 degrés. Elle va générer trois fractions : un gaz de synthèse composé d’hydrogène et de monoxyde de carbone, une huile de pyrolyse et un solide carboné appelé “coke”.
Dans la seconde phase de gazéification, on ajoute de l’oxygène. On va ainsi chauffer les trois fractions, entre 800 et 1200 degrés, ce qui va produire du gaz de synthèse appelé syn-gaz, composé de CO2 et d’hydrogène. Enfin, on procède à la méthanation. On va convertir l’hydrogène en méthane en le faisant réagir avec le CO2.
L’importance de la matière première pour la pyrogazéification
Le projet industriel est au stade du démonstrateur. On a pu constater que la qualité du gaz à la sortie dépendait en grande partie de la qualité des intrants. Il reste donc à trouver une solution pour s’adapter à la variation des intrants. Il sera nécessaire de vérifier que la qualité des gaz est suffisante pour être injectée dans le réseau.
Le Power-to-gas, un complément pour les énergies renouvelables
Une partie des énergies renouvelables comme le photovoltaïque et l’éolien sont des énergies intermittentes. Elles peuvent produire beaucoup d’énergie à un instant T, mais ce n’est pas nécessairement au moment des pics de consommation. Il faudra, à terme, trouver des solutions pour la stocker. Le Power-to-gas pourrait faire partie du bouquet de solutions.
Aujourd’hui, on sait transformer l’électricité renouvelable en hydrogène grâce à l’électrolyse de l’eau, mais on ne sait pas encore stocker cette molécule. Le Power-to-gas propose d’ajouter une brique supplémentaire. En associant le CO2 issu d’un site biométhane par exemple aux molécules d’hydrogène produites, on met en place la méthanation qui permet de créer du méthane de synthèse, potentiellement injectable dans le réseau.
Pour l’instant, cette technologie est encore en phase de R&D et l’on commence à voir les premiers démonstrateurs industriels. Ils s’appuient sur deux types de méthanation. Une première, dite, biologique. Dans ce cas-là, ce sont des micro-organismes qui sont capables de réaliser cette réaction complexe entre l’hydrogène et le CO2.
L’autre voie, c’est la méthanation catalytique. Des catalyseurs chimiques sous haute pression et température peuvent réaliser cette réaction appelée procédé de Sabatier. Les premiers démonstrateurs ont vu le jour en Allemagne en 2013.