Par Damien Caillard
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Une ceinture abdominale pour faciliter le sommeil de la future maman ; une gamme de barrières de sécurité hautes en couleur, et en kit ; une appli mobile permettant de connecter les appareils de puériculture de plusieurs marques : trois produits innovants – parmi de nombreux autres – de la PME clermontoise Babymoov. Reconnue comme un des leaders de l’innovation dans son secteur, elle a su mettre en place un véritable processus d’innovation ouverte, transversale et dynamique, appelé Live Open Innovation.
A l’origine de cette méthode, une volonté de « ringardiser l’existant » pour Laurent Windenberger, co-fondateur de l’entreprise. « Chez Babymoov, on s’est donné comme mission d’innover« , précise-t-il, car « différencier nos produits par rapport à la concurrence (…) ça ne suffit plus« . Mais, se lancer dans une telle stratégie d’innovation représente un virage de taille pour une PME, qui n’a pas autant le droit à l’erreur qu’un grand groupe. La solution ? « Créer une vraie démarche d’entreprise » centrée sur l’usage client. Et, pour bien s’en inspirer, ne pas hésiter à impliquer les utilisateurs à toutes les étapes de l’innovation. Car, pour Laurent Windenberger, « le sentiment d’être écouté crée de la valeur et de la proximité pour l’entreprise ».
« Chez Babymoov, on s’est donné comme mission d’innover. » – Laurent Windenberger
Résultat : une démarche de co-création éprouvée, vivante et propre à Babymoov, le Live Open Innovation. Elle met l’utilisateur au cœur du process innovation en facilitant son implication, fédère une véritable communauté de marque et dynamise la culture d’entreprise en faisant participer tous les salariés.
Rapprocher technologie et marketing
Tous les produits Babymoov ne sont pas issus d’innovations de rupture. Certains ne sont que de simples relooking, d’autres de nouveaux produits dans une gamme existante. Mais l’entreprise se fait fort de toujours explorer de nouvelles pistes pour apporter une valeur ajoutée au marché, au magasin, au consommateur. Ces innovations ne sont pas toutes « techno« , elles peuvent concerner le packaging ou le design. Mais elles passent forcément par le filtre des mamans, utilisatrices principales des produits Babymoov et Badabulle (les deux marques de l’entreprise clermontoise).
Comment se concrétise cette méthode d’innovation ? Tout d’abord, elle est complètement décloisonnée. Il n’y a pas de R&D chez Babymoov, mais au contraire un « InnoLab« , espace regroupant le marketing produit, le design, la qualité et le développement. « Notre force, c’est d’être les uns à côté des autres » précise Elodie Mosnier, chef de produit. « Tout est ouvert et visible (…) il y a des produits partout, mais c’est le fait de voir qui me donne des idées. ». Et les échanges créatifs sont constants entre les services. L’InnoLab découle de la volonté de ne pas séparer technologie et marketing, assumée par les fondateurs (tous trois issus de l’ESC Clermont).
Surtout, le Live Open Innovation fait appel à différents temps forts qui rythment le cycle créatif de Babymoov et font tous intervenir les utilisateurs, dans un but précis :
L’immersion, pour faire émerger le besoin utilisateur
« Notre souhait, c’est de trouver des solutions d’usage » insiste Flore Petit, directrice de l’innovation. Mais « les parents, d’eux-mêmes, ne savent pas définir ces problématiques, ce dont ils ont besoin. » C’est là que l’immersion prend tout son intérêt : il s’agit de se rendre auprès de l’utilisateur, dans le lieu où se passe le « moment marketing » : la cuisine pour l’alimentation, la salle de bain pour la toilette, la voiture pour le transport … « Pour nous, c’est se mettre à la place du consommateur » précise Elodie Mosnier, « pour ne pas avoir de préjugés sur le marché » et pour voir au-delà de l’approche « macro/business » fournie par les études de marché classiques (et néanmoins nécessaires).
« Notre souhait, c’est de trouver des solutions d’usage. » – Flore Petit
Selon Babymoov, les parents acceptent de bonne grâce la venue d’experts marketing et design chez eux. Les séances d’immersion se composent de temps d’observation (avec une discrète prise de photos et de notes) et de temps d’échange, capitaux. Les résultats sont généralement plein de surprises et d’enseignements : « Il n’y a jamais deux immersions identiques, même si le sujet est commun » conclut Elodie Mosnier. L’enseignement principal est généralement de l’ordre du non-dit, comme une maman qui ne cesse de vérifier la température du bain sans s’en rendre compte, ou un accessoire du chauffe-biberon qui n’est jamais utilisé. Après débrief et analyse, l’équipe en déduit un customer pain pour lequel des solutions vont être recherchées.
Le marathon, pour accélérer les idées
Etape très événementielle, le « marathon innovation » est organisé 6 à 8 fois par an. A partir du besoin client déterminé par l’immersion, le but est de phosphorer sur plusieurs solutions et d’en prototyper une … en moins d’une journée ! « On arrive, par la force du groupe, la mixité des profils et l’urgence du temps, à générer des idées et des concepts qui auraient pris des semaines avec la méthode classique des groupes de travail. » explique Christelle Defarge, directrice communication. Cet accélérateur d’idées n’est pourtant pas tout le temps employé, cela dépend du degré d’innovation attendu : « On fait en fonction du projet et de l’envergure qu’on veut y consacrer« , confirme Laurent Windenberger.
La clé du succès de ces marathons réside d’abord dans le public, à la fois impliqué, motivé et diversifié. Outre les experts issus de Babymoov (et familiarisés avec le projet) qui encadreront les activités, le gros des participants vient de l’extérieur du groupe : clients (beaucoup de mamans ou de femmes enceintes, selon la thématique), fournisseurs, partenaires locaux … qui apportent un regard neuf et une expérience hors-métier. Comme le résume Christelle Defarge : « Amener du savoir-faire issu d’autres secteurs pour innover au sein du nôtre … et vice-versa. »
L’autre clé consiste en une méthodologie à la fois ouverte, flexible et contraignante, pour libérer la créativité tout en l’orientant vers l’objectif souhaité. Tutoiement, absence de lien hiérarchique … Stéphane Gouttesoulard, CEO de Happeez (filiale de Babymoov) a animé un marathon innovation en décembre 2016 ; pour lui, « le but du jeu est de ne surtout pas réfréner quelqu’un qui pourrait avoir une idée magique mais qui n’oserait pas en parler parce qu’il y a du monde autour. » D’où l’importance d’un ice-breaker et de la constitution d’équipes. L’après-midi est généralement consacré à une focalisation sur une ou deux idées issues du foisonnement matinal, aboutissant à une restitution sous forme de pitch et de prototype rapide.
La réunion maman, pour valider les solutions
C’est l’outil marketing le plus utilisé, car il intervient pour les innovations de rupture comme pour les simples changements de coloris ou de matériaux : la « réunion maman » est destinée à soumettre une solution concrète – souvent prototypée – à des utilisatrices, et à en recueillir les réactions. Plus facile à organiser, elle peut remplacer l’immersion et/ou le marathon selon le niveau stratégique du projet et le degré d’innovation recherché, et être complétée par des questionnaires en ligne. En mode « exploration« , elle peut même générer de nouvelles problématiques d’usage qui donneront lieu à de futures innovations.
Dans cette séquence, la forme est une discussion libre et cadrée de trois heures maximum, pour un groupe de 5 à 8 participantes. L’ennemi est alors le biais socio-dynamique. « S’il y a un leader dans le groupe, qui a un avis plus fort, cela va influencer les autres » précise Elodie Mosnier. Le rôle de l’animatrice est déterminant : elle (ou il) alterne les temps où les mamans donnent leur avis, et ceux où elles écoutent ; elle sollicite les avis des participantes les plus timides et veille à équilibrer la dynamique. Pour cela, un bon ice-breaker consiste à faire venir chaque maman avec un objet – en lien avec la thématique, comme un sac à langer. Et à le décrire devant les autres : outre les avis pratiques récoltés, chaque participante parle au moins une fois dès le début, et se sent plus à l’aise pour la suite.
La spin-off … pour s’écarter du core business
L’OVNI du Live Open Innovation a pour nom Happeez : c’est une expérimentation d’une innovation au degré de rupture très avancé par rapport au core business de la marque. Flore Petit le résume ainsi : « En faisant des marathons [sur la thématique des objets connectés dans la puériculture], on a découvert qu’il ne fallait pas seulement proposer des produits connectés, mais (…) un service pour offrir la meilleure expérience [utilisateur], en collaborant avec différentes sociétés qui ont déjà des produits géniaux. ». Résultat : une plateforme virtuelle, sous forme d’application mobile, permettant de connecter des appareils mais surtout de regrouper les moments de la vie de bébé dans un système de timeline, de proposer des conseils, et de répondre aux besoins pratiques.
Happeez n’est pas à proprement parler une étape du Live Open Innovation. Il s’agit de la première spin-off de Babymoov, à savoir une start-up endogène et filialisée, bénéficiant d’une équipe dédiée et de méthodes agiles tout en restant en lien (capitalistique et opérationnel) avec la maison-mère … et bénéficiant d’un soutien fort des fondateurs. Avantage de la formule : le fait de ne pas s’appeler Babymoov aide à monter des partenariats avec des concurrents de Babymoov. Inconvénient : une PME de 100 personnes a parfois du mal à allouer les bonnes ressources à un projet de type start-up. Mais l’expérience s’est avérée concluante, et d’autres spin-off pourraient ainsi voir le jour.
Trois axes de développement pour le Live Open Innovation
C’est donc un premier palier largement validé pour le Live Open Innovation. Réunions mamans, marathons et immersion s’enchaînent et permettent d’alimenter la création produit de Babymoov. Mais Laurent Windenberger voit trois axes d’expansion pour cette démarche:
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Un développement dans tous les départements de l’entreprise – la fonction RH a bénéficié d’un marathon innovation en avril, et Flore Petit espère ardemment la même chose sur le commercial.
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Un déploiement hors Clermont, et même à l’étranger, par la digitalisation du process. Si des marathons ont eu lieu à Hong-Kong et des réunions mamans à Lyon, cela restait ponctuel. Il s’agirait ici de donner une ampleur nouvelle à la communauté de marque.
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Une ouverture sur l’écosystème clermontois à d’autres entreprises qui pourraient en bénéficier. Babymoov a déjà noué des partenariats avec Michelin, l’incubateur Squarelab à l’ESC ou encore Waoup à Lyon. La prochaine étape serait un grand marathon innovation, co-organisé par plusieurs entreprises dont Babymoov, réunissant par exemple 10 groupes de 10 personnes au Hpark …
La méthode Babymoov passe donc en open source. Pour Christelle Defarge : « L’idée (…) est que tout le monde y trouve son compte, que les gens aient appris des choses et expérimenté des méthodologies qu’ils vont appliquer dans leur propre domaine. » Sentiment confirmé par Laurent Windenberger qui conclut : « Si des sociétés ont envie de vivre ce Live Open Innovation, on est prêt à créer des sessions où elles pourront en bénéficier. Comme ça, tout le monde en profite.«
Pour en savoir plus:
L’album photo souvenir du Connecteur pour le marathon innovation
Happeez du 2 décembre 2016 (avec notre partenaire Families):
Crédits photo : Damien Caillard pour le Connecteur ; Babymoov
Résumé/sommaire de l’article (cliquez sur les #liens pour accéder aux sections)
#intro / Babymoov est une PME clermontoise spécialisée dans la puériculture. Elle est particulièrement innovante grâce à sa méthode « Live Open Innovation » qu’elle applique depuis plusieurs années. Celle-ci consiste à être centré sur l’utilisateur en le sollicitant à travers plusieurs temps forts de co-création, encadrés par les salariés du groupe (marketing produit et design en tête):
- #immersions / des immersions chez l’utilisateur permettant de repérer à l’usage les customer pain, qui ne sont que rarement exprimés et formalisés;
- #marathons / des marathons innovation qui accélèrent en une journée l’émergence de solutions. Par une méthode facilitant au maximum l’échange d’idées, et en invitant des personnes d’origines variées autour du projet, il est possible d’aboutir à un prototype et ainsi de gagner plusieurs semaines (l’immersion et le marathon sont employés selon le degré d’importance stratégique du projet)
- #reunions / des réunions mamans pour valider les solutions, en groupe de 5 à 8 sur 2 à 3 heures. La clé de leur succès est d’équilibrer la dynamique de groupe (rôle de l’animateur) et de faire s’exprimer chaque participante.
#spin-off / Babymoov a également tenté l’expérience de la spin-off, start-up issue de la PME, pour une plateforme dédiée aux objets connectés : Happeez.
#conclusion / Enfin, la méthode Live Open Innovation, en voie d’internationalisation et de digitalisation, est ouverte aux autres entreprises de l’écosystème clermontois qui souhaiteraient en bénéficier.