Dans le cadre du concours « Prix Innovation Autonomie » lancé par la Carsat Auvergne, rencontrer avec le fondateur de HappyVisio. Cette startup allie visioconférence et prévention santé pour les seniors. A travers ce projet, elle interroge la place des seniors dans la société et les solutions pour lutter contre l’isolement social d’une partie de la population.
En partenariat avec la Carsat Auvergne. Participez au Prix Innovation autonomie de la Carsat Auvergne
Pour commencer, pourriez-vous nous expliquer votre parcours ? Comment passe-t-on d’une carrière dans la fonction publique à la création de HappyVisio ?
Bien sûr. Je suis originaire de la région parisienne. J’ai fait des études de droit et de relations internationales, puis travaillé pendant une dizaine d’années à l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides). En 2010, j’ai été envoyé en Guadeloupe pour ouvrir une antenne de l’OFPRA dans les territoires d’outre-mer. Cette expérience m’a beaucoup marqué.
En 2007, j’avais déjà tenté l’entrepreneuriat en créant une entreprise dans les spiritueux. Cela n’a rien à voir avec ce que je fais aujourd’hui, mais cette expérience m’a donné le goût d’entreprendre. En 2011, j’ai quitté la fonction publique pour intégrer un groupe de santé en Guadeloupe. J’ai d’abord été responsable des ressources humaines dans deux cliniques et un EHPAD, puis directeur d’un établissement de santé à Cherbourg, où j’ai travaillé jusqu’en 2016.
Quand je suis revenu en métropole, j’avais cette idée en tête : créer un projet autour de la visioconférence pour répondre à l’isolement des seniors. J’en avais parlé à des amis, et en 2016, nous avons lancé Happy Visio.
Pourquoi la visioconférence et pourquoi les seniors ? Qu’est-ce qui a inspiré HappyVisio ?
La visioconférence a toujours été un outil que j’utilisais beaucoup, notamment lorsque je vivais à l’étranger ou en Guadeloupe. À l’époque, Skype commençait à se démocratiser. Je voyais l’impact que cela avait sur mes relations personnelles : cela permettait de garder le contact, malgré la distance.
En parallèle, mon expérience en EHPAD m’a sensibilisé à l’isolement des seniors. Beaucoup d’entre eux entrent en maison de retraite parce qu’ils n’ont plus de réseau social ou d’accès à des professionnels. Je me suis dit : pourquoi ne pas utiliser la visioconférence pour répondre à ces besoins ?
Ensuite, j’ai réalisé que cet outil pouvait aussi faciliter l’accès à des professionnels de santé ou de bien-être, comme des kinés, des diététiciens ou des psychologues. Nous avons donc construit Happy Visio autour de trois axes :
- Réduire l’isolement.
- Faciliter la mise en relation avec des professionnels.
- Utiliser une technologie accessible pour avoir un impact réel auprès du plus grand nombre.
Vous parlez aussi de prévention chez les seniors. Comment cette thématique s’intègre-t-elle dans HappyVisio ?
La prévention est au cœur de notre mission. Dès le départ, nous avons identifié deux grands axes.
D’un côté, il faut diffuser les messages de prévention le plus largement possible. On ne sait jamais qui sera touché par un message ou comment il sera perçu. Par exemple, une conférence sur le sommeil peut intéresser certains, mais pas d’autres.
De l’autre côté, il est crucial de personnaliser les contenus. Chaque personne a des besoins spécifiques. Un fumeur sera davantage concerné par une conférence sur le tabac qu’un non-fumeur.
C’est là que le numérique s’avère précieux. Grâce à notre plateforme, nous pouvons adapter les contenus en fonction des utilisateurs et des partenaires. Chaque public voit des informations pertinentes selon son profil.
Pouvez-vous expliquer comment cela fonctionne concrètement ?
Sur notre plateforme, tout est personnalisé. Un senior, un aidant ou un salarié connecté à HappyVisio ne verra pas les mêmes contenus.
Nous travaillons en B2B2C. Cela signifie que nos clients sont des institutions comme les Carsat, les départements, ou les mutuelles. Ces partenaires financent un programme pour leurs bénéficiaires. Par exemple, une Carsat peut commander des webinaires, des ateliers spécifiques ou même des consultations individuelles.
Ensuite, les utilisateurs finaux accèdent à ces contenus via un compte personnalisé. Ils peuvent participer à des activités en direct, comme des cours de gym ou des conférences santé, mais aussi accéder à des contenus en replay ou à des ateliers thématiques comme la gestion du stress ou la nutrition.
Par exemple, dans le cadre d’un partenariat régional, nous proposons parfois jusqu’à 850 activités en direct sur l’année : yoga, conférences culturelles, prévention santé, etc. Ce sont des offres riches et variées, adaptées aux besoins identifiés par nos clients.
Vous avez mentionné votre passage par Viva Lab. Qu’a apporté cet accompagnement à HappyVisio ?
Viva Lab a été un levier important pour nous. Nous avons bénéficié d’un accompagnement sur plusieurs aspects : structuration de notre modèle économique, communication, marketing, et organisation interne.
C’était aussi une étape de crédibilité. Être labellisé Viva Lab, c’est être reconnu comme un acteur sérieux par des partenaires comme les Carsat ou les départements. Cela nous a ouvert des portes et nous a permis de mieux structurer notre croissance.
Vous travaillez aujourd’hui avec la Carsat Auvergne. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste ce partenariat?
Le partenariat avec la Carsat Auvergne est un bon exemple de ce que nous pouvons faire avec nos clients institutionnels. La Carsat finance l’accès à un programme complet pour les seniors des quatre départements.
Les seniors de la région ont accès à des conférences en direct ou en replay, des séances d’activités physiques adaptées, des conférences culturelles, des séances animées par des professionnels de santé et des activités d’initiation au numérique. L’objectif est double : prévenir les risques liés à l’isolement et accompagner les bénéficiaires dans leur bien-être au quotidien.
Quels sont les défis auxquels vous faites face aujourd’hui ?
Le principal défi est la diversification. La Silver Économie est un secteur complexe, où trouver un modèle économique durable n’est pas toujours simple.
Nous travaillons actuellement sur l’élargissement de notre public. Par exemple, nous développons des programmes pour les salariés, axés sur la qualité de vie au travail. Cela reste dans notre domaine de compétence – la prévention – mais cela nous permet d’atteindre de nouveaux clients.
Nous explorons également de nouvelles technologies, comme l’intelligence artificielle. Nous avons conclu un partenariat avec une école spécialisée pour comprendre comment l’IA peut personnaliser encore plus nos parcours et répondre aux besoins de nos utilisateurs.
L’IA nous permettrait, par exemple, d’analyser les besoins spécifiques des participants, de mesurer l’efficacité de nos programmes, ou encore de proposer des recommandations adaptées.
Vous avez une bonne expérience dans le domaine. Quels conseils donneriez-vous à des startups qui souhaitent innover dans la Silver Économie ?
Mon premier conseil serait d’analyser l’existant. Dans la Silver Économie, beaucoup d’initiatives ont vu le jour ces dix dernières années. Certaines ont réussi, d’autres non. Il est essentiel de comprendre pourquoi avant de se lancer, pour éviter de reproduire les mêmes erreurs.
Ensuite, il faut s’entourer de bons partenaires. Des structures comme Silver Valley ou Viva Lab offrent des accompagnements précieux. Elles apportent un regard externe, souvent indispensable pour affiner son modèle.
Enfin, il faut toujours garder à l’esprit l’importance de mesurer l’impact. Les partenaires, comme les Carsat, attendent des résultats concrets. Prouver l’efficacité de ses actions est devenu indispensable pour convaincre et pérenniser son activité.
Pour conclure, un dernier message à faire passer ?
Oui. Innover dans la Silver Économie, c’est avant tout répondre à des enjeux humains. Ce secteur touche des publics fragiles, mais aussi de plus en plus connectés et exigeants.
Nous devons nous adapter, intégrer les nouvelles technologies et mesurer l’impact de nos actions. Mais au-delà de tout cela, il faut garder en tête que l’objectif est de créer du lien, d’améliorer la qualité de vie, et de prévenir les risques pour une meilleure autonomie.