*Toutes les photos de l’article sont de @Marielsa Niels
“Le thermalisme à la papa est derrière nous !”
C’était le titre d’une conférence organisée par Innovatherm (le cluster des entreprises thermales) et Thermauvergne lors de la dernière édition de la Clermont Innovation Week.
Si prendre les eaux a été du plus grand chic, a façonné l’architecture de magnifiques villes thermales et animé la vie sociale de la Belle Époque, à l’aube des années 70, ère de l’abondance, le thermalisme a doucement plongé vers la ringardise.
Mais, on le sait, les roues tournent … et celle du thermalisme est à nouveau en pleine rotation.
L’époque du capital santé
Une espérance de vie qui s’allonge mais fait apparaître des pathologies chroniques qui altèrent la qualité de vie et surtout -nouvel indicateur- l’espérance de vie en bonne santé, des crises de confiance à répétition avec l’industrie pharmaceutique, une nouvelle façon, plus holistique, d’envisager la santé, comme un capital à préserver … Tous ces facteurs ont favorisé l’émergence d’un nouveau rapport au thermalisme, perçu comme une médecine plus douce, moins invasive, prenant en compte la globalité du patient et plus seulement un symptôme et une zone du corps. Les entreprises thermales et tous les acteurs de cette filière de poids en Auvergne ont aussi réagi, de longue date, pour s’engager dans la voie de l’innovation.
De stations thermales à stations de Pleine Santé
Une station thermale, c’est d’abord une ville, une architecture souvent somptueuse, des services (d’hôtellerie notamment) et un établissement de soin thermal. A l’âge d’or du thermalisme, c’était le lieu de villégiature par excellence. Désormais, teintée de nouvelles aspirations sociétales et pensé par la profession rassemblée dans le GIE Auvergne Thermale Qualité, le nouveau concept de Stations de Pleine Santé repositionne cet état d’esprit d’un lieu global au service d’une approche de santé, globale également.
Il s’agit en fait de capitaliser sur les acquis de ces stations, ensemble cohérent, avec leurs équipements, leurs services, leurs hébergements et leur environnement propice pour développer, en cohérence avec tous les acteurs de la station, de nouveaux produits de prévention santé, validés scientifiquement : des soins thermaux bien sûr mais également des activités physiques, des conseils en nutrition, des activités de relaxation voire un programme d’éducation thérapeutique.
Voir notre article sur la station pilote, retenue par la Région pour le plan thermal 2016-2020, Chatel-Guyon et le resort thermal Aïga qui ouvrira ses portes pour la prochaine saison thermale.
Une large place à la recherche
Aux côtés d’une forme d’innovation territoriale et organisationnelle consistant à coordonner les efforts de tous les socio-professionnels et de la collectivité autour d’un objectif commun, le thermalisme s’est aussi attelé à faire la démonstration scientifique de ses bénéfices santé : le fameux Service Médical Rendu, sésame des critères de remboursement de la sécurité sociale. Au delà de l’aspect financier, c’est toute la crédibilité d’une pratique qui est en jeu. Ce travail de fond s’est engagé au niveau national, il y a près de 15 ans. Il a permis de valider et de quantifier des arguments sur l’efficacité des soins thermaux. (voir le livre Blanc de l’AFRETH)
Mais au côté des indications thérapeutiques traditionnelles, le thermalisme explore aussi les nouveaux enjeux de santé publique et notamment ceux liés à la prévention.
La prévention se ‘classe’ en trois catégories :
- Primaire, elle concerne les personnes en bonne santé qui veulent le rester. C’est sans doute sur ce public là que l’enjeu de l’évolution des pratiques est le plus important : prendre un temps, agréable, pour faire le point sur son hygiène de vie et corriger ce qui pourrait l’être, est le meilleur gage d’une santé préservée.
- Secondaire : elle concerne des individus qui ont déjà des signaux d’alerte ou des facteurs de risque … la médecine générale n’est pas forcément armée pour s’occuper d’eux au delà des recommandations traditionnelles (arrêter de fumer, faire du sport, …). Dans ce cas, le séjour thermal est plus naturel
- Tertiaire enfin : elle concerne les patients ayant déjà eu un accident de santé (infarctus, cancer, …) et c’est l’un des enjeux du nouveau thermalisme que de développer des soins et séjours mieux adaptés.
C’est ce qui va conduire notamment à la création du Cluster d’excellence Innovatherm. Un cluster est une organisation professionnelle fédérée autour d’une filière, des entreprises privées, des laboratoires de recherche et des institutions, engagés dans une démarche partenariale sur des projets de développement. Le Cluster d’Excellence Innovatherm est ouvert à toutes les structures souhaitant porter ou participer à un projet en lien avec le thermalisme, l’eau thermale ou le développement économique des stations thermales au sens large. L’idée centrale étant d’améliorer la compétitivité des entreprises thermales et de les positionner comme des pôles d’excellence de la prévention santé via l’accompagnement de projets collaboratifs innovants.
La démarche Innovatherm
La validation scientifique, technique ou méthodologique est au cœur de la démarche du Cluster, appuyée sur l’intelligence collective et le partage de bonnes pratiques pour favoriser l’innovation.
- Inventer de nouveaux formats de cure, basés sur la médecine des 4 P (Prédictive, Préventive, Personnalisée et Participative) intégrant des activités complémentaires telles que de l’activité physique, de l’éducation nutritionnelle et de l’éducation thérapeutique du patient au sens large.
- Aider les entreprises du territoire à conquérir de nouveaux marchés (cosmétique, probiotique, valorisation énergétique…)
- Accompagner la performance de l’entreprise
Diversification : nouveaux formats et nouvelles indications
Anne Cécile Fournier, Ingénieur Projets d’Innovatherm, quels sont les exemples les plus parlants de cette dynamique de recherche collective et collaborative ?
Le format traditionnel de cure de 3 semaines, seul éligible au remboursement de la Sécurité Sociale, a fait l’objet d’adaptation pour proposer des durées plus compatibles avec une vie active, plus orientées bien-être ou spécifiquement dédiées à des pathologies ou des besoins spécifiques.
Nous avons 3 exemples, assez différents, de sujets qui ont nécessité des travaux de recherche, dont les résultats sont déjà exploités ou le seront prochainement.
L’étude Thermstress
Il s’agit d’un projet collaboratif partenarial entre les thermes de Néris-les-Bains, le CHU de Clermont-Ferrand et l’association Eipass. Le Cluster accompagnait le montage du projet et la réponse à l’appel à projet régional qui a permis son financement (région/feder).
Ce travail de recherche, en passe d‘être finalisé, cherche à valider scientifiquement les bénéfices d’un format spécifique de cure thermale courte (6 jours) sur la prévention du stress au travail et du burn-out, via notamment l’étude des biomarqueurs du Stress.
Autre exemple, les soins de réhabilitation post-cancer du sein.
L’étude PACTHE (Programme d’Accompagnement thermal et de réhabilitation post-thérapeutique après un cancer du sein) a été menée dans 3 stations en Auvergne; Elle a validé l’hypothèse selon laquelle un séjour en station thermale selon un cahier des charges strict améliorerait à court et moyen terme la qualité de vie familiale, professionnelle et sociale des femmes. Ce séjour inclut soins thermaux, rééquilibrage diététique, activité physique et réhabilitation de l’estime de soi dans un délai court après un traitement lourd du cancer du sein. Il diminuerait, à long terme, leur risque de récidive.
Les résultats de cette étude démontrent que la prise en charge en pension complète durant une période de deux semaines dans un établissement thermal améliore considérablement et de façon durable la qualité de vie des femmes en rémission d’un cancer du sein.
Une mise en marché accompagnée par le Cluster
De l ’étude PACThe (menée en station thermale sous l’égide du Professeur Yves-Jean BIGNON, oncogénéticien au Centre Jean-Perrin de Clermont-Ferrand) le Cluster Innovatherm a accompagné les thermes dans la mise en marché d’un programme d’éducation thérapeutique nommé PACS. Parallèlement aux soins de la cure thermale conventionnée prescrits par le médecin thermal, le programme PACS comprend des activités en lien avec la nutrition (consultations diététiques, possibilité de suivi après la cure,…) des séances d’activité physique adaptée entrant dans le cadre d’une réadaptation progressive à l’effort, des soins de bien-être et des conférences.
On trouve des séjours post cancer du sein aux thermes de Vichy, la Bourboule, Neris les bains et du Mont-Dore.
Collaborations locales, projet innovants et numérique
Innovatherm a collaboré en 2019 avec la société Agaetis et les éditeurs de logiciels métiers utilisés dans le thermalisme pour mener à bien une réflexion autour de la planification et réservation des cures thermales.
Avec 630° Est également, pour une étude sur la signalétique dans les établissements … Voir notre vidéo
Nouvelle Communauté : Les Accros du Peignoir
L’association La Route des Villes d’Eaux du Massif Central lance “Les Accros du Peignoir”
Les stations changent, l’univers du soin aussi, les aspirations individuelles et sociétales également et pourtant les perceptions ont la vie dure !
Pour contribuer à faire évoluer cette image de stations vieillottes, ennuyeuses et peuplées de vieilles personnes, la Route des Villes d’Eaux lance un mouvement pour revendiquer des valeurs et une certaine idée de l’art de vivre.
C’est le début de la campagne “Les Accros du Peignoir” qui revendiquent ‘prendre le temps de vivre, de ralentir, de s’apaiser, de se relaxer, de se divertir, de se régaler, de se balader, de contempler, de s’évader, et vous invite à partager leur savoir-vivre.’ Un mouvement de fond pour prendre en main sa santé.
Une websérie humoristique, des événements décalés, des Voyages Artistiques autour de la photo, des tissus, des vidéastes, des plasticiens en résidence dans les stations, le nouvel art déco au cœur de la station … et une mobilisation d’un maximum d’accros. Le mouvement prend de l’ampleur : les 18 villes thermales du réseau des Villes d’Eaux du Massif Central s’approprient le concept, mais même la ville de Spa en Belgique a été contaminée ! Ils ont organisé un conseil municipal en peignoir et des événements grand public.
Des moyens financiers pour accompagner cette transformation.
La Région Auvergne Rhône Alpes a construit un plan thermal avec les professionnels pour financer le repositionnement de 15 stations précurseurs. Ce plan thermal représente un budget de plus de 20 millions d’euros dédié à accompagner les projets de développement de stations thermales nouvelle génération en Auvergne-Rhône-Alpes pour la période 2016-2020. La modernisation des équipements doit permettre d’optimiser la fréquentation des stations thermales et d’accélérer le mouvement de créations d’emplois dans ce secteur, des emplois durables et de proximité, qualifiés et au cœur de nos territoires. Plus précisément, il comprend :
•17 millions d’euros consacrés exclusivement aux projets d’investissements des 15 stations thermales sélectionnées
•3 millions d’euros réservés aux actions collectives de soutien à l’innovation, à la formation et à la promotion du thermalisme, à destination des 24 stations thermales que compte la Région.