Stéphanie Bouillaud, est déléguée au développement régional de La Poste AURA en charge de l’engagement sociétal du Groupe La Poste. Elle est notamment engagée sur la charte de coopération avec les acteurs de l’économie sociale et solidaire, les sujets de transition écologique, démographique et numérique. Elle intervient sur tous les sujets qui demandent un peu d’ingénierie territoriale.
La Poste se définit comme acteur de la transition écologique. D’où vient ce positionnement ?
C’est dans l’ADN de La Poste que d’être volontaire sur les sujets de transition écologique. Nous avons une activité de transport et nous sommes donc particulièrement sensibles aux enjeux de mobilité durable. Le Groupe La Poste avec ses 250 filiales et ses 250 000 salariés en France a une empreinte socio-économique qui est très importante.
Quelles actions avez-vous mises en place ?
Nous travaillons beaucoup sur les sujets d’économie circulaire. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous sommes sur Clermont-Ferrand en étroite collaboration avec Capillum, sur la reverse logistique. Aujourd’hui, je passe une heure par semaine avec Capillum pour faire évoluer la reverse logistique et les accompagner dans la mise en place de leur filière de valorisation du cheveu.
On est en expérimentation sur Issoire jusqu’au 31 décembre. Nous allons ensuite en tirer les leçons. Nous allons regarder si ce modèle-là est exploitable et exportable sur la France entière. Peut-être que dans 6 mois un an tous les facteurs de France collecteront pour Capillum. Ou alors, on se dira “et bien non, on n’a pas réussi”.
Vous êtes aussi actif sur la logistique du dernier kilomètre…
Oui. Nos facteurs sont les acteurs du dernier kilomètre. Nous avons aussi ne filiale qui travaille spécifiquement sur la logistique urbaine des métropoles. Sur Clermont-Ferrand, c’est Marie-Laure Potec, DG de la filiale Urby, qui travaille sur la livraison dans les centres urbains. Aujourd’hui, à Clermont-Ferrand, il y a de nombreux camions qui quotidiennement entrent dans le coeur de ville avec parfois juste un colis à l’intérieur du camion. Urby propose de massifier à l’entrée des villes, et de remplir un seul véhicule pour assurer la distribution en mode propre.
Décarboner les activités
En 2011 La Poste a déployé la première flotte de véhicules électrique au monde (hors Chine). Pour parvenir à cet ambitieux projet, elle dû constituer une association et chercher d’autres grands groupes et d’autres collectivités, notamment la mairie de Paris.
« Nous avons été précurseurs, notamment en constituant un groupement de commandes avec des collectivités locales et d’autres grandes entreprises auprès des constructeurs automobiles Français. L’idée était d’assurer un minimum de commandes d’utilitaires électriques pour que les industriels aient envie de les produire. C’était il y a 10 ans ! »
Avec le groupe La Poste, ce qui ne peut être décarboné, est compensé. À travers un partenariat avec l’ONF, La Poste plante régulièrement des forêts entières sur toute la France. Il existe d’ailleurs une forêt “La Poste” dans les Combrailles.
La Poste s’intéresse également à la silver economy. Pour quelles raisons ?
Quand on parle mobilité des personnes âgées dépendantes, on met souvent en lumière les soucis qu’elles rencontrent parce qu’elles ne sont plus ou peu mobiles. On entend peu dans les grandes conférences la possibilité de développer des services qui viennent à elles.
C’est notre réflexion : repenser le rôle du facteur qui a toujours été celui “qui rend service”.
Il faut d’un côté proposer de plus en plus de services dans ce sens, tout en prenant en considération la judiciarisation de la société. Ce qui était possible hier ne l’est plus aujourd’hui. Par exemple, le portage de courses ou de médicaments doit être très encadré juridiquement. S’il y a un problème, les conséquences peuvent être graves.
On innove rarement seul. Qui sont vos partenaires privilégiés ?
Sur AURA, nous travaillons avec les collectivités locales et tout le milieu associatif. On s’associe aussi parfois avec des startups pour arriver à finaliser des expérimentations.
C’est ce que l’on est en train de faire avec Capillum sur la collecte de cheveux chez les coiffeurs sur le bassin d’Issoire. Nous travaillons par expérimentations avant de démultiplier un service au national.
Vous êtes aussi en relation avec les incubateurs, parait-il …
Oui les incubateurs numériques, mais aussi ceux de l’innovation sociale, comme Alter’Incub, Ronalpia et Cocoshaker. J’aime bien détecter des startup d’innovation sociale pour voir si une synergie peut-être créée ça peut marcher avec le Groupe La Poste.
Autre exemple ESS : Comptoir de campagne. Une start-up d’origine lyonnaise. Quatre de leurs comptoirs sont « relais La Poste ». On injecte une rémunération mensuelle dans chaque épicerie. Ceci permet à Comptoir de campagne de construire un modèle économique intégrant diverses sources de revenus. On sait que les modèles économiques des tiers lieux restent à inventer et ceci participe à la réflexion.
Au total, nous avons en 2020 sur la région, 10 relais poste en partenariat avec des acteurs de l’ESS.
On est vraiment dans la co-construction. L’objectif est de parvenir à construire un produit ou un service innovant tout en assurant un modèle économique viable, qui soit gagnant-gagnant.
Qu’en est-il de l’innovation au sein de l’entreprise ?
Nous avons également un concours d’intrapreneuriat qui se termine ave la fin de notre plan stratégique actuel “20 projets pour 2020″. Si les projets sont sélectionnés, les porteurs, postiers, peuvent se consacrer à leur projet pendant un an, seul ou en constituant un groupe avec des postiers et des personnes de l’externe.
Est-ce une nouvelle approche du groupe La Poste ? Le soutien à l’innovation ?
Dans son histoire, La Poste a toujours été motrice dans l’évolution de la société : l’ouverture des premiers bureaux de Poste en 1622, la création du livret d’épargne 1881, les chèques postaux en 1918.
La Poste a une tradition d’innovation et d’accompagnement des transitions de la société.
Aujourd’hui, les enjeux de la société sont notamment le vieillissement de la population et la transition écologique. Il faut donc développer des nouveaux produits et services en lien avec les besoins non pourvus. Les expérimentations nous permettent de réaliser des tests pour proposer de nouveaux services et faire évoluer le modèle économique de La Poste tout en restant dans son rôle historique : celui de créer du lien de proximité et de lien social.
Et pour 2021…
Le nouveau plan stratégique du groupe La Poste est en cours d’élaboration et sera présenté en 2021. Nous avons consulté nos parties prenantes, les élus et les associations. Nous avons également lancé une consultation citoyenne. J’invite le Connecteur et les lecteurs à aller sur le site pour donner leur avis sur les futures orientations du Groupe La Poste.