Le Connecteur a accompagné la Fabrique des Transitions pour capitaliser sur les enseignements du parcours Avenir Montagnes Ingénierie. Il a ainsi participé aux différents temps du programme, interviewé des représentants des territoires et rédigé les newsletters à diffuser à l’ensemble du réseau. Une opportunité unique de s’immerger dans ce parcours très apprenant. Et de les partager.
Dans un contexte de transition écologique et sociétale, le Parcours Avenir Montagne se veut un laboratoire de solutions. Ce programme, pensé pour accompagner des territoires souvent fragiles face aux défis climatiques, mise sur une approche humaine et collaborative pour les guider vers une résilience accrue.
Partager un socle commun
La première phase est celle du tronc commun de connaissance et de compréhension. C’est une phase un peu plombante, selon certains participants. En effet, il est question de bien appréhender la dimension systémique des impacts du changement climatique. On y parle limite planétaire, cycle de l’eau, remise en question des représentations sociales et culturelles, fin des modèles économiques. On parle aussi gestion des émotions et nouveaux récits. Les bases sont posées: élus et chefs de projets des territoires lauréats appréhendent les transformations sociétales qui s’engagent partout. Et la nécessité de les aborder de manière collective, créative et en prenant soin des émotions.
Pour Sandro de Gasparo (Atemis), il faut aborder la question du modèle de transition économique, avec une nouvelle grille d’analyse. Elle doit placer la question économique à l’intérieur du cadre donné par la transition écologique. Il partage quatre leviers pour penser un modèle de développement territorial plus soutenable. D’abord, l’écoute des besoins du territoire pour déterminer le périmètre de la valeur à créer par sa finalité au service du bien vivre ensemble et des conditions d’habitabilité de la Terre. Ensuite, la prise en compte de toutes les ressources du territoire, matérielles et immatérielles comme socle de sa future dynamique. Puis, l’adoption d’une relation aux besoins financiers abordée de manière décentrée, alternative, relocalisée. Et enfin, de manière transversale, l’organisation, de manière volontaire et structurée, d’une gouvernance coopérative, d’espaces de débats, de co construction et d’accompagnement.
Une approche sensible et humaine
Contrairement aux diagnostics classiques basés sur des chiffres, le Parcours Avenir Montagne adopte une « analyse sensible ». Comme l’a exprimé Jean-François Caron, cette méthode permet de recueillir les ressentis des acteurs de terrain, qu’ils soient élus, agents de collectivités ou autres. Cette approche, qui privilégie des entretiens en face-à-face menés par un « diagnostiqueur » extérieur. Elle crée un espace de parole authentique et permet de capter ce qui ne se dit pas toujours à haute voix. Cette méthode suscite un élan collectif, mobilisant les acteurs autour d’une transition systémique ancrée dans le vécu de chaque territoire. Si un territoire a une histoire, il a aussi une dimension sensible qui est à prendre en compte.
L’approche CARE
Pierre-Antoine Landel est ingénieur en agriculture, spécialisé en économie du développement territorial. Il intervenait sur l’une des premières séances, suggérait de questionner le sensible, de prendre en compte les émotions, y compris la colère et le conflit. Ils peuvent contribuer utilement à transformer le territoire. Il suggère une approche par ce qu’il nomme « CARE », acronyme de « coopération, autonomie, réflexivité et engagement ». Cette posture permet de faire glisser la notion de pouvoir vers l’idée – indispensable – de pouvoir de permettre la délibération. Chacun peut alors prendre part au processus de décision. Car l’important est de parvenir à décider et agir ensemble.
Les « 4 Fantastiques » et l’Agora : des espaces de coopération inédits
Pour favoriser la coopération, le parcours s’organise en groupes de pairs appelés « les 4 Fantastiques ». Ils rassemblent les différentes catégories d’acteurs : élus, agents de collectivités, agents de l’État et socioprofessionnels. Chaque groupe, lors de sessions dédiées, examine ses dynamiques et contraintes spécifiques. Cette prise de recul permet de mieux comprendre les attentes des autres. L’Agora, moment de mise en commun des réflexions, aide à briser les idées reçues et à développer une vision partagée.
Exemple de cette dynamique : les agents de collectivités, souvent en position de médiateurs entre les acteurs locaux, expriment leur besoin d’un cadre stable pour favoriser les coopérations. Dans le même temps, les socioprofessionnels, en lien direct avec les citoyens, demandent des espaces de participation décisionnelle et une vision inscrite dans le temps long.
Des bonnes pratiques au cœur de la transition
Le parcours met également l’accent sur des outils concrets. En tête, la notion de « circuit domestique » : ici, les activités touristiques, repensées sous l’angle de la durabilité, sont intégrées au lieu de remplacer d’autres activités locales. Ce modèle valorise les spécificités du territoire, de l’artisanat à l’histoire culturelle, tout en freinant la massification. La gouvernance, quant à elle, repose sur une collaboration intensive et transversale. Elle permet à tous les acteurs de s’approprier le projet. Cela représente un changement majeur qui devient un levier pour la transition.
Structurer l’action : vers un projet pilote
La méthodologie du parcours montagnes Ingénierie de Fabrique des transitions prévoit également des étapes structurées pour concrétiser le diagnostic : trois documents jalonnent cette préparation. La note d’intention, première pierre de l’action, formalise les objectifs de chaque territoire. La note de cadrage affine les objectifs et pose des critères d’évaluation. Enfin, la note de faisabilité identifie les ressources, les délais et les rôles des acteurs. Ce cadre méthodologique fournit une base pratique aux territoires pour déployer le projet pilote en intégrant les apprentissages du parcours.
Des perspectives concrètes pour d’autres territoires
Le Parcours Avenir Montagne de la Fabrique des transitions, par sa méthodologie inclusive et structurée, ouvre la voie à une transition territoriale cohérente et partagée. À travers des diagnostics sensibles et des coopérations renforcées, il établit une dynamique inspirante pour d’autres territoires confrontés aux mêmes défis. Ce parcours montre que face à l’urgence climatique, la clé réside dans la capacité à dialoguer, à innover collectivement et à inscrire les actions dans un temps long, tout en gardant l’humain au cœur du changement.