3 questions à : Nicolas Duracka

3 questions à : Nicolas Duracka

Par Damien Caillard

Nicolas Duracka est docteur en sciences de l’information et de la communication. Aujourd’hui coordinateur du CISCA, il est spécialiste des questions de transformations sociales qu’il travaille au travers d’une approche transdisciplinaire favorisant la modélisation des systèmes complexes.


Tu opposes deux approches de l’innovation, fondamentalement différentes …

Il y a clairement une forme d’innovation qui va sceller le sort de la civilisation, et une autre forme qui peut lui permettre de continuer à exister sous une autre forme. Ces deux formes d’innovation n’ont pas de point commun : l’une est sur un logiciel de développement. L’idée est qu’on continue sur la même trajectoire, mais l’inno technique – notion de création, de nouveauté – est un logiciel qui est destructeur car il est ancré dans une idéologie libérale qui nous amène dans le mur.

L’autre innovation est dite par aspiration. Ce n’est plus la logique de nouveauté, mais celle de rupture contextualisée : dans des territoires en particulier. On n’est plus dans une logique libérale, mondialisée, mais centrée sur des territoires de vie, qui ne doivent plus penser en termes de nouveauté mais en “comment peut on ré enchanter le monde, aspirer à une utopie qui réaliserait un idéal social partagé sur un territoire”. Le logiciel est alors celui de la coopération, de la résilience, de la solidarité. Aspiration dans le sens “on aspire à un idéal”.

Quel sera alors l’enjeu pour les territoires ?

Le développement sera pluriel : il ne sera plus concentré uniquement sur l’économie, ce qui contamine aujourd’hui toutes nos pratiques, mais diversifié sur les logiques sociales, éthiques, écologiques … le développement deviendra quelque chose qui embrassera toute la complexité du monde.

Les territoires seront dimensionnés dans nos relations avec l’autre, par la géographie, les modes de vie … la relation sera tellement exigeante en termes de lien qu’il faudra qu’on travaille avec des gens avec lesquels on pourra se relier de cette façon. Cependant, on peut garder une utopie commune à l’échelle de l’espèce humaine, mais elle s’exprimera dans des modèles spécifiques.

[Personnellement,] je suis attaché au modèle proudhonniste, notamment le fédéralisme : des petites unités en fédération peuvent partager une utopie. On peut être ainsi en relation entre territoires.

Le rôle et la temporalité de CISCA dans cette dynamique ?

CISCA est en train de tester, d’expérimenter la rupture et une autre forme de développement, à l’échelle de trois thématiques : mobilité, numérique, alimentation. [Sur le périmètre] du grand Clermont … mais le fait que la géométrie soit variable montre que c’est le lien qui compte. La spécificité de notre territoire fait que les acteurs “font communauté”.

On est en train de tester une modalité d’accompagnement du développement basé sur une aspiration. On a plusieurs années devant nous pour le réaliser … mais on n’aura pas plusieurs tours ! On ne peut pas se tromper. A l’échelle du prochain mandat municipal, il nous faudra un modèle pertinent et stable sur cette approche. On espère alors que d’ici une dizaine d’années, les effets se feront sentir. Mais on a très peu de marge.


Pour en savoir plus, lisez l’entretien du Connecteur avec Nicolas


Propos recueillis à Epicentre le 3 novembre 2019. Photo Damien Caillard pour le Connecteur.

À propos de Véronique Jal

Ma ligne guide depuis 15 ans, c'est le management de projets collectifs à fort "sens ajouté" : les fromages AOP, les hébergements touristiques, la démarche d'attractivité d'une région... et aujourd'hui l'innovation territoriale via un média associatif Toulousaine d'origine, j'ai découvert et choisi l'Auvergne que mon parcours pro m'a amenée à connaître sous plein de facettes. J'adore cette activité qui nous permet d'être en situation permanente de découverte.