Antoine Ferron et la Coop des Dômes, le nous avant tout

Antoine Ferron et la Coop des Dômes, le nous avant tout

Entreprendre est une chose. Entreprendre collectivement en est une autre. La Coop de Dômes a ouvert ses portes il y a un an dans le quartier des Vergnes avec l’ambition partagée de proposer des produits de qualité à des prix abordables. Un modèle basé sur une organisation horizontale où chacun peut faire entendre sa voix. Rencontre avec Antoine Ferron le premier (et unique) salarié de la coopérative.

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Lorsque j’ai évoqué un portrait d’entrepreneurs dans les quartiers, tu as bien pointé le fait que c’était un projet  avant tout collectif. Pourquoi cet aspect est-il si important pour toi ?

Le collectif, c’est le fondement même du projet. C’est là dessus que tout est basé et c’est pour ça qu’il est indispensable de bien le préciser.
La Coop des Dômes est un magasin coopératif comme il en existe aujourd’hui dans toutes les grandes et moyennes villes et ce phénomène essaime aussi dans des villes plus petites.
Ce projet ne peut exister que par l’implication de ses membres, de ses clients. Ce sont eux qui font fonctionner le magasin, eux qui choisissent les produits en fonction d’une éthique partagée : des produits locaux, de saison, les plus sains possible, issus de l’agriculture biologique ou du commerce équitable… tout cela revendu à un prix juste pour le producteur et le consommateur. Nous sommes un intermédiaire avec une marge très réduite car nous n’avons pas d’objectif de rentabilité mais d’équilibre.

Quand est-ce que tu es « tombé » dans le projet ?

J’ai commencé à m’intéresser à ce type d’organisations il y a trois ans et demi. Notamment à travers la coopérative de Brooklyn qui existe depuis des décennies et qui compte 17 000 membres. J’ai étudié leur mode de fonctionnement et je me suis dit « dommage que ça n’existe pas sur Clermont ».
Parallèlement à cette engouement grandissant, j’ai décidé d’adhérer à la Doume, la monnaie locale dans le Puy de Dôme. Quelques temps plus tard j’ai reçu un mail mentionnant un petit groupe de personnes motivé pour créer un commerce participatif. J’ai assisté à la première réunion d’information et ça a tout de suite fait tilt. Je me suis mis à 100% en tant que bénévole sur le projet.

Ce que je voulais vraiment, c’était participer à cette aventure. Et résultat, je suis depuis peu le premier salarié de la Coop des Dômes.


J’étais salarié à IRSTEA et j’ai tout plaqué par la suite pour me consacrer à ce projet. Je me disais « je vais le faire de manière bénévole et qui sait à terme peut-être pourrais-je être salarié ». C’était vraiment pour moi la cerise sur le gâteau mais pas la motivation principale. Ce que je voulais vraiment, c’était participer à cette aventure. Et résultat, je suis depuis peu le premier salarié de la Coop des Dômes.

Dans un projet collectif, il y a toujours un noyau dur et ensuite des électrons libres. De combien de membres est composé ce noyau et qu’est-ce qui les anime ?

On va dire que le noyau se forme et se reforme régulièrement mais on compte d’une manière générale entre dix et vingt personnes qui constituent le groupe de coordination de l’association. Nous avons un fonctionnement très horizontal, pas de bureau et pas de Président. Il n’y a pas une tête, mais dix qui sont les représentants légaux de l’association. Ils sont là depuis le début, avec des profils variés, jeune ou moins jeunes, actifs ou pas….

Pourquoi avoir choisi ce quartier, les Vergnes ?

Une des caractéristiques de ce quartier c’est cette dimension de mixité sociale. On ne voulait pas être un énième magasin de centre ville mais plutôt permettre à d’autre d’avoir accès à des produits de qualité à des prix raisonnables. Le quartier des Vergnes nous semblait intéressant, proche de Gerzat, pas trop loin du centre-ville grâce au tram et aussi parce qu’il est identifié comme quartier Politique de la Ville.
Ouvert depuis un an nous avons été très bien accueilli mais nous devons encore travailler pour mieux faire connaître le lieu afin que les habitants du quartier se l’approprient.

Comment fonctionne ce lieu ?

On peut venir faire une visite découverte, mais si on veut faire ses courses régulièrement, il faut être adhérent. En étant adhérent on accepte de s’impliquer bénévolement 2h30 par mois pour faire fonctionner le magasin. Chacun s’inscrit sur un planning. On se répartit en fonction des besoins.

Crédit photo : La Coop des Dômes

Quel est le message que vous souhaitez faire passer avec un projet comme celui-là ?

C’est un projet un peu melting pot. Nous revendiquons le fait d’être indépendant, de sortir de cette logique de réseaux de la grande distribution.  Nous sommes conscients que bien manger à un coût.
Nous voulons permettre au plus grand nombre d’avoir accès à des produits locaux, de qualité, et abordables. L’aspect prix est très important. Et bien entendu, la dimension collective.

Ce qui me rend le plus fier aujourd’hui c’est d’être parvenu à construire quelque chose  avec des inconnus.

Dans ce projet ce qui te rend le plus fier ?

Ce qui me rend le plus fier aujourd’hui c’est d’être parvenu à construire quelque chose  avec des inconnus. On ne se connaissait pas, et en l’espace de quelques mois nous avons réussi à monter ce projet et c’est génial.
On a tenu nos délais, tout s’est fait relativement vite. Il y a une ambiance particulière du fait de cette démarche collective. Compte-tenu de notre nombre aujourd’hui, on parvient aisément à intégrer les nouveaux membres. Nous avons des évènements informels comme par exemple « casser la croûte » le samedi midi au magasin. C’est très sympa et ça permet de créer une bonne alchimie entre les gens.

Le plus compliqué quand on réfléchit et agit collectivement ?

Notre organisation est horizontale donc il n’y a pas de liens de subordination. Tout le monde doit pouvoir donner son avis, et c’est ça qui est le plus compliqué. Nous revendiquons que chacun puisse prendre la parole et que l’on doit respecter chaque avis ou point de vue. Nous essayons au mieux de prendre en compte les suggestions de chacun pour ensuite prendre des décisions qui conviennent à toutes et à tous.

Et donc comment vous y prenez-vous pour faire émerger un consensus sur la décision ?

On a mis en place des techniques d’animations participatives. Nous avons eu des formations grâce à Alter’Incub qui accompagne les projets ESS d’innovation sociale.

Vous parlez d’accompagnement qui vous a aidé à faire émerger ce projet ? 

Il y a un mouvement national autour des coopératives. Entre nous on appelle ça « intercop ». Chaque année, est organisé un temps de rencontres entre toutes les coopératives de France. Nous nous sommes rendus à celle de Montpellier il y a deux ans. C’était génial, on a tissé des liens. Et maintenant,  lorsque l’on fait face à une difficulté ou question on peut contacter une autre structure déjà créée.  Dès le départ, ils nous ont aidé à faire les bons choix.
Nous avons aussi bénéficié de financements de la Métropole, de  la ville, de la Région. On a vraiment trouvé un soutien de la part des collectivités, je dirais même un engouement, on n’a pas eu de mal à convaincre.
France active aussi nous a beaucoup aidé, grâce à un emprunt garanti auprès du Crédit Coopératif.

Je pense qu’il est important de souligner le fait que toute nouvelle idée n’est pas bonne à prendre.

L’Innovation sociale pour vous c’est quoi ?

C’est de répondre de manière collective et  innovante à des enjeux de société qui concerne tout le monde.

Et l’entrepreneur de demain il ressemble à quoi ?

On est dans une ère où l’on ne peut plus se permettre d’entreprendre dans le seul but de produire pour ensuite détruire. Le modèle de croissance, de production ou plutôt de surproduction n’est plus viable.
Je pense qu’il est important de souligner le fait que toute nouvelle idée n’est pas bonne à prendre. Elle doit être utile et aller dans le sens de cette nouvelle dynamique qui émerge : la décroissance ou du moins la prise en compte des impératifs environnementaux et sociétaux.
Par exemple dans l’univers des startups, on a maintenant le lave-vaisselle connecté. On connecte mais dans quel but ? Il faut réfléchir plus globalement, réfléchir d’abord à l’intérêt général.

Coop des Dômes :  les projets pour les mois à venir ?

Crédit photo : La Coop des Dômes

A court terme, il y a les différents forums des associations. Nous allons aller recruter de nouveaux membres pour arriver à un équilibre financier afin ne plus dépendre des banques et être autonomes.
A moyen terme, nous souhaitons continuer à développer le projet, encore améliorer notre fonctionnement et faire vivre le magasin.
Cet endroit, c’est avant tout un tiers-lieux. Nous avons du gérer la mise en place du magasin, l’achat des équipements froids, la création du mobilier pour ne pas rendre lieu austère comme les supermarchés.

Maintenant nous pouvons entrer dans la phase 2. Nous avions en tête dès le départ l’idée d’en faire un lieu de vie, et nous avons donc pensé « modulable ». Après 19h00, cet espace peut devenir un lieu de rencontres, de débats, de projections.
Nous voulons devenir un point de référence sur certaines thématiques pour que les habitants puissent venir à notre rencontre pour nous questionner. Par exemple, nous souhaitons développer une relation encore plus fortes avec les producteurs locaux afin d’en parler encore mieux aux adhérents et clients.

Ou quand au départ on nous dit « c’est bien ce que vous faites » et qu’à la fin on entend « c’est bien ce que nous faisons ». Passez du vous au nous. Dans ces moments là, on se dit que l’on a réussi notre pari.

Une anecdote qui résume bien ce qu’est le projet « Coop des Dômes » ?

Quand quelqu’un pousse la porte de la Coop de Dômes pour la première fois et qu’on le sent vraiment emballé par le projet. Ça fait chaud au cœur. On se rend compte que l’on partage les mêmes ambitions et les mêmes valeurs.
Ou quand au départ on nous dit « c’est bien ce que vous faites » et qu’à la fin on entend « c’est bien ce que nous faisons ». Passez du vous au nous. Dans ces moments là, on se dit que l’on a réussi notre pari.

Un chiffre qui parle ?

20% c’est notre marge brute. Elle est très réduite et ça, c’est possible grâce à la rotation de nos bénévoles pour tenir le magasin.

Et maintenant c’est l’instant carte blanche. Quelque chose à ajouter ?

Hmmm juste une phrase qui résume bien la Coop des Dômes : « rendre accessible au plus grand nombre une alimentation de qualité ».

Merci Antoine.

 

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À propos de Pauline Rivière

Pauline Rivière est journaliste et rédactrice en chef du média en ligne le Connecteur. Elle est en charge du choix des dossiers spéciaux mensuels. Elle développe également des outils de datavisualisation à destination de l'écosystème de l'innovation et s'intéresse à l'innovation éditoriale. Avec sa société SmartVideo Academy, elle anime différentes formations à la réalisation de vidéos (au smartphone notamment) et à l’écriture audiovisuelle. Elle intervient également dans l'Enseignement Supérieur dans le cadre de projets pédagogiques digitaux, mêlant techniques de communication et sujets d'innovation.