Lorsqu’on décide de s’associer, l’enjeu va bien au-delà du partage des tâches. C’est une alliance de compétences, mais aussi de personnalités, qui doit se construire et se renforcer chaque jour. Entre échanges, compromis, et soutien mutuel face aux défis, comment ces binômes parviennent-ils à entreprendre en harmonie et à faire grandir leur projet commun ? Rencontre avec Yann et Frédéric, cofondateurs de Cikaba, qui nous livrent les clés de leur réussite à deux.
Pour commencer, pourrais-tu nous raconter comment est née l’idée de créer Cikaba? Quelles étaient vos motivations initiales, à toi et à Frédéric, qui vous ont poussé dans cette direction ?
Yann : Nous avions chacun nos propres activités professionnelles, mais c’est grâce au hasard et au concours de circonstances que nos chemins se sont croisés dans le milieu associatif. En fait, on s’est rencontrés grâce à Auvergne Nouveau Monde, une initiative de promotion territoriale. Pendant un an et demi, nous avons collaboré sur divers projets et événements. Cela nous a donné l’occasion de contribuer au territoire de manière concrète, en apportant des idées et en participant à des projets de développement local. Cela nous a permis de renforcer notre connexion, et finalement, c’est à travers ces expériences communes que l’idée de créer une entreprise s’est imposée.
Vous avez d’abord lancé Preda, puis Cikaba ? Quelles ont été les raisons de cette évolution ?
Yann : Avant de fonder Cikaba, nous avions créé Preda en 2016. À l’époque, on cherchait à répondre à des problématiques spécifiques d’apprentissage en entreprise. C’était notre première expérience entrepreneuriale commune, et cela nous a permis d’expérimenter la dynamique du travail à deux.
Preda, à l’origine, était une agence de conseil. En travaillant avec nos clients, on a rapidement constaté qu’il y avait une forte demande pour des solutions plus techniques, notamment dans la prévention des accidents en entreprise. Nous avons alors décidé de nous orienter vers un modèle plus axé sur le développement de solutions concrètes, en particulier dans le domaine du SaaS (Software as a Service). C’est ainsi que Cikaba a vu le jour en 2018, avec un positionnement beaucoup plus technique et innovant que ce que nous faisions avec Preda. Cikaba est une entreprise spécialisée dans la sécurité au travail. Elle propose une solution permettant aux entreprises de former et sensibiliser leurs employés aux bonnes pratiques de prévention des risques professionnels.
Dès le début, aviez-vous défini vos rôles respectifs dans l’entreprise ou est-ce que cela s’est fait progressivement ?
Yann : Au début, on était vraiment dans une phase où on faisait un peu de tout. Il n’y avait pas de répartition stricte des tâches ; on gérait tout ensemble. Mais avec le temps, les rôles se sont précisés naturellement. Frédéric a pris en charge la communication et le marketing, tandis que je me suis davantage concentré sur le produit, les ventes et la technologie. Cette séparation des tâches nous a permis de gagner en efficacité et de nous focaliser sur nos domaines de compétences respectifs, tout en continuant à nous challenger mutuellement sur les grandes décisions.
Pour en revenir à l’innovation, comment faites-vous pour entretenir une dynamique d’innovation au sein de Cikaba et pour rester en phase avec les attentes du marché ?
Yann : Nous restons en contact permanent avec le marché, que ce soit par le biais de nos clients ou de nos prospects. Chaque interaction est une opportunité de remise en question. Nos clients, en particulier, sont une source d’informations précieuse : leurs retours nous permettent de voir comment faire évoluer notre produit. C’est une dynamique d’adaptation continue, et cela passe aussi par une grande écoute de nos équipes. Les membres de l’équipe peuvent apporter des idées ou des suggestions, et nous les prenons en compte. Nous n’avons pas un formalisme rigide ; tout le monde est libre de contribuer à l’innovation.
Et comment gérez-vous les désaccords stratégiques ou les visions divergentes, notamment quand il s’agit de grandes décisions pour l’avenir de Cikaba ?
Yann : En cas de désaccord, nous discutons de manière rationnelle et transparente. Celui qui a les arguments les plus solides finit par convaincre l’autre. Parfois, il faut savoir faire des compromis. Et puis, on sait que chaque décision a un impact sur l’entreprise, donc on prend le temps de peser le pour et le contre avant de se lancer.
Dirais-tu que travailler en binôme est un atout dans votre aventure entrepreneuriale ?
Yann : Oui, je pense que c’est un avantage. Entreprendre à deux permet de se challenger et de se soutenir mutuellement. Quand on a des idées, des doutes ou des intuitions, il est précieux d’avoir un cofondateur pour en discuter, pour valider ou ajuster ses pensées. L’entrepreneuriat est semé d’embûches, et avoir quelqu’un à ses côtés pour faire face à ces défis rend l’aventure plus gérable et, je dirais, plus humaine.
Est-ce que vos personnalités se complètent, ou avez-vous des caractères similaires ?
Yann : Il y a une complémentarité entre nous, mais c’est avant tout une histoire de compatibilité. C’est un peu comme dans un couple. Il faut savoir composer avec les qualités et les défauts de chacun, et apprendre à passer outre les petites tensions. Nous avons développé une solide relation de confiance, et cela nous aide à avancer en restant alignés sur l’objectif global de l’entreprise.
Votre modèle économique est basé sur une solution innovante, et souvent, l’innovation s’accompagne d’une certaine incertitude. Comment avez-vous géré cela, en particulier au début de Cikaba ?
Yann : Contrairement aux start-ups qui misent tout sur une innovation encore non validée, nous avons orienté Cikaba dès le départ en fonction d’un besoin clairement identifié. Nous avions déjà des premiers clients et des ventes, même si cela ne couvrait pas encore toutes nos dépenses. Cela nous a permis d’avancer avec prudence, en évitant de brûler des ressources inutilement. On avait un business model déjà en place, et on savait que le marché avait un besoin pour notre produit. C’est ce qui a rendu le risque plus calculé, disons.
Au fil du temps, l’équipe s’est agrandie. Comment avez-vous vécu la transition de faire « tout vous-même » à devoir déléguer ?
Yann : Cette transition s’est faite assez naturellement. Fred et moi ne sommes pas du genre à vouloir tout contrôler dans les moindres détails. On fait confiance à notre équipe, ce qui est essentiel pour assurer une croissance saine. Déléguer est un apprentissage en soi, mais c’est nécessaire pour permettre à chacun de s’épanouir et de se sentir investi dans le projet.
Quels ont été, selon toi, les plus grands défis et les plus belles réussites pour Cikaba depuis sa création ?
Yann : La plus grande réussite, c’est de pouvoir dire qu’on est encore là, huit ans après. Les plus grands défis ? La gestion des ressources humaines, sans aucun doute. C’est un domaine complexe, qui le restera toujours. Gérer une équipe, maintenir la motivation, et faire en sorte que chacun évolue avec l’entreprise n’est pas une tâche facile. Et le Covid a ajouté une couche de complexité supplémentaire, notamment avec le télétravail et l’adaptation aux nouvelles pratiques.
Avec l’évolution de l’entreprise, vous êtes-vous déjà posé la question de la transmission de Cikaba, ou d’un éventuel départ de l’un d’entre vous ?
Yann : Pour le moment, ce n’est pas un sujet d’actualité. Il reste encore tant de choses à accomplir. Nous avons des ambitions à l’international, et chaque jour apporte de nouvelles opportunités. Nous sommes loin d’être au stade où nous nous poserions la question d’un départ ou d’une transmission. On est toujours aussi enthousiastes.
Pour finir, quel conseil donnerais-tu à des entrepreneurs qui envisagent de s’associer comme vous avec Cikaba ?
Yann : Entreprendre à deux, c’est un peu comme se marier. Il faut bien connaître la personne avec qui on se lance. La compatibilité est essentielle, car si la relation ne fonctionne pas, l’entreprise en souffrira. Il faut être prêt à affronter ensemble les hauts et les bas, et à ne pas baisser les bras face aux difficultés. C’est un engagement qui exige de la patience, de l’écoute et beaucoup de résilience.
Et quels seraient les pièges à éviter ?
Yann : Croire que l’on connaît bien l’autre sans avoir réellement travaillé ensemble est un piège courant. Avant de s’associer, il est crucial de tester cette dynamique de travail. Se lancer sans cette étape, c’est prendre le risque de découvrir des incompatibilités qui pourraient compromettre le projet.