Chaque année, Clermont Auvergne Métropole invite le monde économique pour une grande conférence thématique. Après 2 ans d’interruption, les acteurs locaux se retrouvaient le 17 novembre dernier, à La Comédie- Scène Nationale. Le thème : Économie & culture, des mondes en convergence autour de la candidature de Clermont Ferrand Massif Central 2028. Retour sur ce qu’il fallait retenir.
Un territoire élargi au Massif Central.
Les règles en matière de construction des projets de candidatures laisse le champ libre au choix du terrain de jeu. Selon Olivier Bianchi, pour les étudiants, les soins, les échanges commerciaux, … Clermont-Ferrand polarise bien au delà des frontières métropolitaines et même auvergnates. L’idée de proposer un projet fédérateur à l’échelle de ce que les géographes appellent les territoires des marges fait pleinement sens. A ce jour, 50 collectivités ont adhéré à la dynamique de candidature. Soient 17 départements, 4 régions, 20 villes, autant d’EPCI… Un succès au delà des espérances du Maire.
Ce territoire de la taille du Portugal ou de l’Autriche mérite pleinement la mise en lumière qu’apporte un label aussi puissant que celui de Capitale Européenne de la Culture. Patrice Chazotte présentait en avant-première la philosophie du projet et quelques axes structurant le dossier. Il évoque par exemple le déploiement de compagnies en colportage qui vont cheminer dans les villes et villages et ainsi créer ces liens artistiques comme un axe de l’identité territoriale.
Un calendrier qui se resserre
Cette ambition, Olivier Bianchi en parle depuis 2012. Elle s’est engagée formellement en 2015, avec les Assises de la Culture, qui ont conduit à l’élaboration du Projet Culturel de la Ville pour 2016-2026. La candidature s’est structurée progressivement. Avec Effervescences d’abord puis, avec l’arrivée de Patrice Chazotte, la création de l’association « Clermont-Ferrand Massif Central 2028 » présidée par l’autrice Cécile Coulon. Il y a eu des événements magnifiques, des rencontres professionnelles, des ateliers de travail …. « beaucoup beaucoup de terrain » dit Patrice Chazotte. Et aujourd’hui est un point d’inflexion majeur. Le dossier est prêt. Il sera officiellement remis le 2 janvier et consultable en ligne sur le site Clermont-Ferrand Massif Central 2028 à la même date.
Le 10 mars, ce sera le premier oral devant un jury de 12 personnes. Il sélectionnera, parmi les 9 candidates, les villes qui poursuivront leur travail. Pas de nombre prédéterminé pour cette séquence, le jury peut en choisir 2, 3, 4 …
Si cette étape est franchie, le dossier devra ensuite être détaillé. Le jury se déplacera deux fois. Et il se trouve que l’une de ses visites coïncidera avec la traversée du Massif Central par le Tour de France… » On ne laisse rien au hasard » plaisante Olivier Bianchi. Puis une seconde visite en novembre précèdera l’ultime grand oral, en décembre 2023. La décision finale interviendra donc au plus tard début janvier 2024. Un vrai marathon !
Défendre un modèle authentique et résilient
C’est inscrit comme tel sur le site: » Notre candidature entend proposer à l’Europe un modèle de développement plus authentique et résilient […] une alternative territoriale, celle d’un modèle de développement à taille humaine... »
C’est Patrice Chazotte, le « chef d’orchestre » de l’association porteuse du projet de candidature, qui en explique la philosophie. Clermont-Ferrand Massif Central 2028 ne sera pas seulement le rendez-vous des habitués de la pratique culturelle. Elle ira chercher les publics plus éloignés comme ceux des filières professionnelles par exemple, ou des territoires ruraux isolés. L’approche encouragera l’introduction de l’art dans l’entreprise, fera émerger de nouveaux lieux, dédiés à la culture scientifique ou au son. Elle investira fortement sur le numérique pour accompagner l’émergence de projets immersifs … Elle cherchera à donner vie à cette philosophie en défendant les convergences entre économie et culture et en travaillant ensemble aux transitions vers le monde de demain.
Prospective: un exercice structurant
Nathalie Miel dirige Le Damier, le cluster qui rassemble près de soixante dix acteurs des industries culturelles et créatives du territoire. L’enjeu d’un cluster est d’accompagner une filière dans sa structuration, sa valorisation et ses enjeux d’avenir.
Le Damier s’est saisi d’une forte demande de ses adhérents de s’engager dans une réflexion sur l’amélioration de l’impact de leurs activités. Pour elle, cette candidature constitue l’opportunité de se projeter en 2028 et de structurer collectivement une vision stratégique de développement. Une filière solide et en capacité d’innover constitue un maillon essentiel. Mais pour qu’elle soit solide et pérenne, il faut aussi que les entreprises aient intégré et projeté leur avenir en matière de transition écologique. C’est le travail que mène Le Damier avec ses adhérents.
Pour Patrice Chazotte, la labellisation du projet Clermont2028 constituera un véritable laboratoire culturel pour le territoire. En particulier, autour de ce cap de transition dont chacun sait qu’il est incontournable mais complexe à mettre en œuvre. Ce sera l’opportunité d’explorer, de tester et d’inventer ce modèle alternatif de développement.
Un shot de confiance pour la filière
Emmanuel Ranc a créé Yesitis en 2016. Sa technologie permet de connecter des objets utiles dans plusieurs secteurs d’activités comme l’industrie ou le secteur agricole. Dans le secteur de la musique aussi, avec Revive. Primé au CES de Las Vegas, la grande messe mondiale de l’innovation technologique- cette solution permet le prolongement de l’expérience d’un disque Vinyl en le connectant à d’autres contenus. Yesitis a adossé son activité de conception à une capacité de production avec une usine située à Brassac.
Pierre-Blaise Dionet est un clermontois d’origine dont le studio d’art Cityshake est basé à Hong Kong depuis 2016. Il produit des contenus immersifs et artistiques avec beaucoup de R&D pour une forte dimension d’innovation technologique. Son histoire avec Clermont est faite de moments charnières. Il y a souvent trouvé la ressource clé qui lui a permis de donner vie à ses projets.
L’émulation, première vertu
Pour Emmanuel Ranc, le premier bénéfice de cette candidature est celui de l’émulation et de la confiance. Il y a sur le territoire les compétences, les expertises, les talents, les pratiques de collaboration … nécessaires pour faire de grandes choses. Il faut l’assumer et le faire savoir. Pierre Blaise Dionet, lui, raconte comment il travaille à Clermont. Expérimentés ici, ses projets artistiques innovants prennent ensuite une dimension internationale avec des équipes clermontoises (3D procédurale, production visuelle, danse, musique …) Il y a une somme de compétences et une confiance dans les collaborations qui permettent de réaliser des choses extraordinaires. Nathalie Miel l’affirme aussi, le contexte de cette candidature crée une émulation et pousse à l’ambition. Et c’est un bénéfice qui est acquis, quelle que soit l’issue de la candidature.
2028, fermons les yeux …
Pour tous les trois, 2028 sera un succès si …
Il y a eu des collaborations nombreuses entre les talents locaux et des talents de l’extérieur qui en deviendrons ambassadeurs. S’il y a ‘révélation’ de la valeur du territoire, de ses ‘outils’ de travail incroyables, de l’accueil et de la capacité d’accompagnement des projets. S’il y a eu aussi une forte adhésion des citoyens, des émotions, des moments vécus ensemble. Si des projets fous et expérimentaux émergent. Et enfin, si cela a été structurant à long terme pour les industries culturelles et créatives du territoire.
Entreprises : s’investir chacun à sa façon
C’était aussi l’un des messages clés de la soirée : la candidature est soutenue par l’Atelier des mécènes. Celui-ci rassemble les entreprises du territoire engagées pour soutenir la candidature. Il n’y a pas qu’une manière d’être mécène quand on est une entreprise. En fonction de ses moyens et de ses envies : engager ses salariés, imaginer des incursions artistiques dans l’entreprise, donner du temps ou de la compétence, …. toutes les formes de contributions sont les bienvenues pour nourrir le projet.
Pour Frédéric Barraud, DG du Crédit Agricole Centre France et Forrest Patterson, Président de la Fondation Michelin, tous deux mécènes, soutenir cette candidature fait écho à leur ADN. Ce qui est bon pour le territoire est bon pour l’entreprise et inversement. La culture suscite la créativité, l’instruction, la capacité de réflexion et d’innovation. Une population cultivée est plus entreprenante et plus créative. On note que les grandes périodes d’essor culturel précèdent les périodes d’essor économique, comme à La Renaissance et au siècle des lumières. C’est une formidable opportunité de soutenir la qualité de vie du territoire et de contribuer à renforcer son attractivité.
Un bénéfice inimaginable
Pour conclure, pour Olivier Bianchi les bénéfices de cette candidature sont déjà là. Quelle qu’en soit l’issue: les énergies qui se sont révélées, les dynamiques engagées, les projections, les coopérations, la collaboration entre mondes économique et politique …. tout cela est acquis, tout comme la légitimité et la crédibilité du territoire à porter cette ambition.
Au delà, en cas de succès, il faut avoir en tête que la prochaine candidature française interviendra en 2042. Autant dire que la labellisation d’une ville française comptera pour toute la France. Sur l’exemple de Marseille, ce sont onze ministères qui se sont investis sur le projet… On est en droit d’espérer que le sujet épineux du transport devienne une priorité par exemple.
« Et puis on imagine pas vraiment à quel point 2028 sera une année de folie. Du 1er janvier au 31 décembre, Clermont-Ferrand Massif Central sera le coeur vivant artistique de l’Europe. On ne sait pas ce que seront les technologies, les pratiques culturelles ni même les artistes en 2028 mais ce dont on peut être sûrs, c’est qu’ils seront là, à Clermont, dans le Massif Central. »
Olivier Bianchi
Le REX Marseille Provence 2013
Jacques Pfister était PDG d’Orangina. Il a été élu Président de la CCI Marseille Provence avec un projet ambitieux « Ambition TOP 20 » qui visait à hisser Marseille de la 23ème à la 20ème place dans le classement des villes européennes. Dans ce projet, la CEC figurait en bonne place comme une épine dorsale de la stratégie du territoire. Nous lui avons demandé de nous parler de la place et du rôle des entreprises, de coopération public privé, des choix de périmètre territorial, de retombées à court et long termes et pour terminer, ses conseils et points d’attention.