En ce radieux 8 novembre, la CCI Puy de Dome Clermont Auvergne Métropole proposait une rencontre pour comprendre la logique de l’Économie de la Fonctionnalité et de la Coopération (EFC). Elle était animée par Nicolas Frango, responsable de projets au CIRIDD. (Le Centre International de Ressources et d’Innovation pour le Développement Durable). Cette rencontre visait à sensibiliser les entreprises à l’EFC. Et à montrer comment elle répond aux enjeux environnementaux tout en renforçant leur compétitivité.
Des entreprises, il n’y en avait pas. En revanche, ceux qui ont fait le déplacement – CCI, Valtom, Clermont Auvergne Métropole, Riom Limagne et Volcans, Fédération du Bâtiment, Cluster Le Damier – sont là pour bien appréhender les contours de cette approche, acquérir le vocabulaire, comprendre les logiques, … Et pouvoir accompagner et acculturer les entreprises avec lesquelles ils sont en relation au titre de leurs missions.
Changer sa vision
Pour rentrer dans le vif du sujet, l’entreprise Odyssée environnement partage en vidéo son expérience de transformation. Elle raconte son passage d’une politique de vente de produits à une approche de service rendu, centrée sur le besoin client et l’engagement sur un résultat.
En mode participatif, le groupe des participants (moi comprise) est amené à s’interroger sur les changements opérés. Quelle formulation de proposition de valeur ? Quelles ressources mobiliser pour engager la transformation? Quel impact sur les métiers ? Quel nouveau modèle d’affaires ? Et pour quels bénéfices ? La discussion est intéressante.
La démarche et questionnements amenés par l’EFC résonnent avec les principes de l’innovation Jugaad portée par Navi Radjou. (voir l’itw vidéo).
Elles partagent une philosophie commune. Inviter à penser au-delà des modes de production et de consommation traditionnels pour adopter une approche pragmatique et durable, centrée sur l’usage et l’efficacité des ressources. L’EFC encourage les organisations à passer d’une logique de possession à une logique de service. Elle incite à se concentrer sur la valeur d’usage et la satisfaction des besoins spécifiques du client. Ce modèle redéfinit la performance non pas en termes de volume de ventes, mais de durabilité, de réduction des impacts et de création de valeur partagée.
L’innovation Jugaad, de son côté, incarne une forme d’ingéniosité frugale et d’adaptabilité face aux contraintes. Inspirée par des pratiques issues des pays émergents, elle consiste à faire « mieux avec moins» . Et à trouver des solutions créatives et fonctionnelles avec des ressources limitées. Elle encourage les entreprises à innover en fonction des ressources disponibles, à mutualiser les outils, et à valoriser la coopération. Avec pour objectif de répondre aux besoins locaux de manière agile et efficiente. Une voie vers une économie plus résiliente, capable de répondre aux défis écologiques et sociaux avec une intelligence collective et adaptative.
Au cœur du besoin client
C’est un autre des principes Jugaad et finalement, sans doute assez évident en théorie. L’approche Économie de la Fonctionnalité et de la Coopération nécessite une fine connaissance de ses clients, ses problématiques, ses besoins, son mode de fonctionnement … C’est un impératif pour que l’offre de service soit bien ciblée.
Elle mobilise donc une technicité, une capacité à récupérer et analyser des données pour sécuriser l’offre. C’est important puisque dans cette configuration, l’entreprise sera désormais co responsable. Cela modifie assez radicalement la relation client/fournisseur avec la prise en compte des contraintes de chacun. Et ce, sur un temps long, instaurant une relation de confiance et donc plutôt une forme de coopération.
D’ailleurs, quand se pose la question de ce qui fonde la valeur de l’entreprise, le « fournisseur » a tendance à décrire les caractéristiques les plus différenciantes de son produit. Prendre le temps de l’écoute client permet souvent de se décaler et d’entendre d’autres perceptions de son offre. Elles seront souvent plus centrées sur l’estimation de la compétence, de l’expertise, de la qualité de la relation …
Quelques illustrations et leurs externalités positives
Une stratégie basée sur la valeur d’usage
Une entreprise de fournitures de bureau cesse de vendre des imprimantes et des cartouches d’encre, optant plutôt pour une offre de services d’impression « clé en main ». Cette solution comprend l’installation des équipements, la maintenance, et l’approvisionnement en encre. La facturation évolue. Elle passe au nombre de pages imprimées et non plus au nombre des machines achetées. Ce modèle répond précisément aux besoins d’usage du client tout en permettant à l’entreprise de gérer les ressources plus efficacement, minimisant le gaspillage et l’impact environnemental.
Pourquoi cela fonctionne
Ce modèle incite l’entreprise à améliorer la durabilité de ses produits et à proposer des solutions optimisées, car elle en conserve la propriété. Cela réduit aussi le coût pour le client et le pousse à utiliser moins de ressources, répondant ainsi à des enjeux environnementaux et financiers.
Des synergies territoriales
Une PME spécialisée dans la vente de panneaux solaires s’associe à des entreprises locales pour proposer des solutions énergétiques complètes. Elle combine ses produits avec des services de conseil en efficacité énergétique, d’installation, et de maintenance, fournis en partenariat avec des acteurs du territoire (électriciens, experts en énergie). En regroupant plusieurs compétences, elle peut proposer une offre « tout-en-un » qui se démarque sur le marché tout en soutenant l’économie locale. C’est la notion de chaine de valeur qui favorise aussi l’ancrage territorial.
Pourquoi cela fonctionne
En créant un réseau de partenaires, l’entreprise ajoute de la valeur à son offre et renforce sa présence locale. Cette démarche améliore son attractivité auprès de clients qui recherchent des solutions pratiques et locales, tout en optimisant l’utilisation des ressources et en réduisant les coûts liés aux chaînes d’approvisionnement.
Une collaboration public/privé
Dans le secteur de la construction, des entreprises (du bâtiment, de la gestion de déchets, de l’énergie) travaillent avec des collectivités autour d’un éco-quartier. Le projet repose sur des échanges de ressources. Par exemple, les déchets organiques générés par les habitants sont récupérés pour produire de l’énergie qui alimente les infrastructures locales. Chaque acteur apporte une expertise spécifique, ce qui permet une innovation partagée et des solutions durables pour le quartier.
Pourquoi cela fonctionne
L’interconnexion des acteurs permet de tirer parti des ressources locales et de mutualiser les coûts. Ce type de collaboration peut souvent aboutir à des innovations inédites et à des solutions adaptables à d’autres territoires.
Identifier et définir la valeur
La transformation du modèle d’affaires amène à repenser ses principes même de tarification et à évaluer finement la valeur ajoutée. Plus complexe à définir, engageant une modification radicale, elle peut être effrayante pour les DAF. La bonne vieille expression « un tiens vaut mieux que deux tu l’auras » se place alors en balance avec l’hypothèse d’un chiffre d’affaire lissé et à plus long terme, qui peut mieux valoriser les ressources « intellectuelles » de l’entreprise. Ce qui est complexe, c’est le moment de la bascule qui nécessite un appui financier. Or la sphère financière n’est pas encore très acculturée à ces changements de logiciels. Un enjeu majeur de sensibilisation demeure.
Enfin, c’est aussi un changement d’échelle temps : l’approche Économie de la Fonctionnalité et de la Coopération s’inscrit dans une logique de pérennité. Pérennité de la relation partenariale. Pérennité des matériaux ou produits utilisés puisque l’entreprise a un intérêt majeur à en prolonger la durée de vie. Et aussi entretien de la capacité à innover en étant au plus près de la connaissance client …
Aller plus loin avec « Les premières étapes pour s’engager dans une démarche d’EFC» sur Eclaira
S’engager dans l’Économie de la Fonctionnalité et de la Coopération marque souvent le début d’un cheminement. Il mène l’entreprise vers une prise en compte plus globale de son impact. Et cela se traduit par d’autres engagements comme la Convention des Entreprises pour le Climat, une démarche pour devenir Entreprise à mission, réaliser son bilan carbone, … Le début d’un chemin de régénération.