PHIMECA, entreprise à mission, « l’égalité femme-homme fait partie des enjeux » Thierry Yalamas

PHIMECA, entreprise à mission, « l’égalité femme-homme fait partie des enjeux » Thierry Yalamas

PHIMECA s’apprête à devenir officiellement d’ici la fin de l’année une « entreprise à mission ». Thierry Yalamas, son Directeur Général, est convaincu de l’intérêt de se lancer dans ce type de démarche.
Cette labellisation engage l’entreprise et toutes ses parties prenantes dans une transformation intégrant les enjeux sociétaux et environnementaux. L’égalité femme-homme est un thème qui est ressorti lors d’une consultation des salariés de PHIMECA.
Comment une entreprise peut-elle mettre en place une stratégie RSE ambitieuse ? Quelles actions peut-on développer au quotidien avec les acteurs du territoires? Entretien.

Avant d’approfondir les sujets de la RSE et de l’égalité femme-homme en entreprise, pouvez-vous nous parler de votre parcours personnel et professionnel ?

Je suis né au Mans et j’ai grandi à Roanne. Après une classe préparatoire, j’ai intégré Normale Sup à Cachan, orientation génie civil. J’ai poursuivi avec une thèse en mécanique et matériaux dans le domaine pétrolier. Ensuite, on m’a proposé un post doctorat à Perth en Australie. J’y ai passé un an et j’ai continué de travailler sur mes travaux de recherches.

En 2005, je suis arrivé à PHIMECA, comme ingénieur chef de projet. A l’époque, nous étions une douzaine de salariés répartis entre Clermont-Ferrand et Paris. J’étais le premier à être embauché dans la capitale. J’y suis resté un certain nombre d’années.

En 2014, je suis venu à Clermont-Ferrand et j’ai racheté Phimeca en 2018 avec d’autres cadres salariés. Je voulais me lancer dans cette aventure entrepreneuriale en impliquant les salariés dans une démarche collective, en phase avec mon approche du management.

PHIMECA est une société d’ingénierie spécialisée en simulation numérique et en gestion des incertitudes. Pouvez-vous nous en dire plus ?

PHIMECA est une société d’ingénierie innovante créée il y a 20 ans à Clermont-Ferrand. C’est le fruit de travaux de recherche réalisés à l’IFMA sur la fiabilité des structures mécaniques. Ils portaient notamment, sur l’analyse de la tenue mécanique des cuves de réacteurs nucléaires afin d’en évaluer les probabilités de défaillance. Ces travaux étaient basés sur l’utilisation de la simulation numérique et des probabilités.

Depuis 20 ans, nous avons continué à nous développer autour d’une double expertise. D’une part, la modélisation physique et la simulation numérique, et, d’autre part, la modélisation et l’analyse de la donnée. Ce qui est aujourd’hui couramment nommé “data science” ou “intelligence artificielle”.

50 % de notre chiffre d’affaires est réalisé dans le secteur du nucléaire. Nous avons également des activités dans l’offshore pétrolier et éolien, dans le transport, avec la SNCF, dans l’aérospatial, la défense, l’horlogerie ou le manufacturing.

Quels sont les profils de vos salariés ? Combien êtes-vous à PHIMECA ?

Nous sommes trente, et nous avons tous des profils d’ingénieurs ou de docteurs. Depuis quelques années, nous avons des équipes présentes dans différentes villes en France. À Paris, Clermont-Ferrand, mais également à Cadarache dans le Sud et à Annecy pour nous rapprocher de la vallée de l’Arve et de la Suisse. Ce sont des bassins industriels stratégiques pour Phimeca.

Vous avez mis en place une démarche RSE et vous êtes en pleine transformation. Racontez-nous un peu.

Je vais vous faire la genèse de la mise en place de notre démarche RSE puisqu’elle est assez récente. Début 2020, j’ai lancé un chantier interne pour réfléchir à notre raison d’être. L’entreprise avait 20 ans, nous avions grossi, l’équipe dirigeante avait changé et nous étions présents sur plusieurs sites. Il fallait que l’on définisse ce qui nous relie toutes et tous au sein de l’entreprise. Ce ne pouvait pas être la technique, puisque nous avons tous des expériences différentes.

Ces réflexions ont rythmé toute l’année 2020. Nous avons questionné des clients et des salariés. Nous avons réfléchi entre responsables d’équipes et actionnaires puis avec tous les salariés.

Ce travail a abouti a la rédaction de votre raison d’être…

Oui. Aujourd’hui, la raison d’être de PHIMECA est : construire ensemble, par une ingénierie innovante, une industrie respectueuse de l’homme et de son environnement.

Cette phrase, c’est l’aboutissement d’un long travail de co-construction et c’est très structurant pour l’entreprise. Ça crée vraiment du lien entre tous les collaborateurs. Le processus pour définir notre raison d’être a été une expérience commune très riche.

Vous avez décidé d’aller encore plus loin qu’une démarche RSE et vous devenez entreprise à mission.

La raison d’être d’une entreprise permet de se projeter vers de nouveaux plans stratégiques. Nous sommes sur le temps long. Pour poursuivre dans cette démarche, nous avons décidé de nous transformer. Nous serons officiellement « entreprise à mission » d’ici la fin de l’année.

En parallèle, nous avons décidé de nous servir de cette base pour mettre en place une démarche RSE qui puisse se traduire par des actions concrètes à court-terme.

En 2020, nous avons nommé une responsable RSE. Pour construire notre premier plan d’actions, elle a diffusé un questionnaire pour faire émerger les idées propriétaires pour 2021. Plusieurs thèmes forts sont ressortis : mieux se former à la sobriété numérique, le tri sélectif, engager nos fournisseurs dans notre démarche, et travailler sur la mixité dans l’ingénierie.

Nous arrivons au sujet de notre série thématique. Pourquoi porter le sujet de l’égalité femmes-hommes ? Quels sont les enjeux dans votre secteur ?

Il y a 25 % de femmes dans l’ingénierie, c’est le même pourcentage chez nous. Il y a moins de profils d’ingénieures, notamment parce qu’elles sont moins nombreuses dans les écoles. C’est encore plus vrai dans la mécanique.

Nous avons réfléchi à nos leviers pour travailler sur ce sujet-là. Nous sommes une petite équipe et nous ne pouvons pas vraiment avoir un impact significatif à travers nos recrutements. En revanche, agir sur les biais et les choix d’orientation au collège et au lycée nous semblait une approche intéressante.

Lorsque l’on décide de s’emparer de ce sujet, comment est-ce que l’on fait, avec qui on le fait ?

Nous n’avons pas d’expertise particulière sur le sujet et nous avons donc souhaité nous rapprocher d’un partenaire associatif. Nous avons identifié “Elles Bougent”, une association qui a une antenne régionale et qui organise déjà des actions dans les établissements du secondaire autour des filles et des sciences et techniques.

Comment s’est déroulée la journée ? 

Nous avons organisé cette journée en partenariat avec SIGMA Clermont (école de Clermont Auvergne INP). L’association Elles Bougent a identifié une quinzaine de collégiennes qui ont passé la première partie de la matinée à SIGMA Clermont. Elles ont pu rencontrer des chercheuses, des élèves ingénieures. Ensuite, elles sont venues dans nos bureaux. Les ingénieurs ont pu leur montrer des études concrètes. Puis, une de nos cheffes d’équipe leur a parlé plus précisément de la mixité en entreprise. Elle a présenté son parcours et l’importance de développer l’égalité.

Les sujets d’égalité sont de véritables enjeux sociétaux. Est-ce que PHIMECA est concernée par ces problématiques ? 

L’enjeu est présent pour nous, mais nous ne l’avons pas fait pour cette raison. Au sein de l’entreprise, c’est un sujet qui est important pour nos équipes et qui est en lien avec plusieurs de nos axes de mission. Je suis moi-même sensible au sujet. 

Je suis convaincu qu’une équipe performante, c’est une équipe diversifiée. Il faut des profils qui proviennent d’écoles différentes, nous avons besoin de parcours variés.

Devenir entreprise a mission nous amène à vouloir contribuer de manière positive à notre écosystème et être utile à la société. Plusieurs de mes collaborateurs m’ont dit être fiers du chemin que l’on prenait et en particulier de cette matinée “mixité”.

La recherche de sens dans les métiers et le rapport à l’entreprise se modifie avec les jeunes générations. Vous le ressentez dans votre entreprise ?

Les jeunes générations sont encore plus sensibles à ces sujets-là, mais finalement, c’est également le reflet d’une évolution plus globale de la société. Cette démarche contribue à développer l’engagement de nos salariés en leur permettant de participer à des actions ou d’en mettre en place.

Nous avons également depuis des années un mode de management qui tourne autour de l’humain, de la confiance et de l’autonomie des équipes et des personnes.

Quels sont les axes stratégiques pour 2022 pour PHIMECA en tant qu’entreprise à mission ?

Lorsque nous avons défini nos axes RSE pour 2021, nous n’avions pas encore terminé d’élaborer les missions de l’entreprise. Pour 2022, nous allons corréler encore plus fortement notre RSE aux axes stratégiques de PHIMECA en tant qu’entreprise à mission

Nous allons également lancer un grand chantier autour de l’économie de la fonctionnalité. Nous allons repenser nos offres pour être plus efficients d’un point de vue environnemental et économique. Pour ce faire, nous travaillons avec nos clients et partenaires. Nous avons déjà organisé deux matinées en distanciel avec douze collaborateurs de Phimeca, douze clients et six partenaires techniques ou pôles de compétitivité. L’objectif est d’échanger et de fédérer autour de notre démarche. 

C’est l’instant carte blanche, quelque chose à ajouter ?

En tant que dirigeant, c’est une vraie source d’épanouissement de pouvoir faire se rencontrer la partie business et ses propres convictions. Je trouve ça très stimulant d’entrer dans une démarche qui nous encourage à faire évoluer les business model. Et ça donne encore plus envie de faire réussir son entreprise.

C’est grâce à cette transformation que nous pourrons mieux répondre aux enjeux sociétaux et environnementaux auxquels nous sommes collectivement d’ors et déjà confrontés.

Dans la tête de Thierry

Ta définition de l’innovation : changer de regard pour mieux changer le monde

Une belle idée de start-up : 

La start-up qui monte : 

Où est-ce que tu vas à la pêche à l’info : je lis beaucoup la presse quotidienne, j’aime écouter des podcasts et lire.

Une recommandation pour s’instruire (livre, podcast, magazine, série) : la Terre au Carré (France Inter) et les podcasts sur la transition écologique de Pascal Canfin (https://podcast.ausha.co/transition-ecologique-pascal-canfin-dialogue-avec-les-acteurs-du-changement).

Une recommandation pour rire (livre, podcast, magazine, série) : Les spectacles de Blanche Gardin

une femme qui t’inspire/experte : Marie Robert pour ses posts philosophiques sur Instagram (Philosophyissexy)

L’Auvergnat.e d’ici ou d’ailleurs avec qui tu aimerais bien boire un coup : F. Menegaux pour discuter de management.

À propos de Pauline Rivière

Pauline Rivière est journaliste et rédactrice en chef du média en ligne le Connecteur. Elle est en charge du choix des dossiers spéciaux mensuels. Elle développe également des outils de datavisualisation à destination de l'écosystème de l'innovation et s'intéresse à l'innovation éditoriale. Avec sa société SmartVideo Academy, elle anime différentes formations à la réalisation de vidéos (au smartphone notamment) et à l’écriture audiovisuelle. Elle intervient également dans l'Enseignement Supérieur dans le cadre de projets pédagogiques digitaux, mêlant techniques de communication et sujets d'innovation.