Des nouvelles façons de raconter des histoires

Les histoires interactives se démocratisent de plus en plus dans les médias. C’est une façon nouvelle d’aborder les histoires en impliquant le spectateur. C’est sur ce sujet qu’ont pu échanger Fibre Tibre, maître de jeu de rôle sur Twitch, Benoît Blanc, vidéaste, acteur, réalisateur sur Youtube et Yann Fanise, directeur créatif et fondateur de DigixArt (une société de développement de jeux vidéo basée à Montpellier).

Les films interactifs

Il semble assez compliqué de faire en sorte que le cinéma s’adapte à l’interactivité. Un film interactif ne semble pas correspondre au format de diffusion du cinéma. Pour l’heure, c’est plutôt en étant seul que l’interactivité est possible. C’est principalement sur Youtube que des créateurs expérimentent ce type de contenu. Le Joueur du Grenier avait tenté cela avec une fin alternative à l’une de ses vidéos, inspiré de Matrix. Il fallait choisir la pilule bleu ou rouge et cela donnait une fin différente selon le choix qui a été fait (avec une fonctionnalité aujourd’hui désactivée par Youtube). Netflix propose, aussi, quelques films interactifs.

Aujourd’hui, la chaîne « Inernet » tente de faire un long métrage entièrement interactif : « La vidéo dont vous êtes le héron ». Cette vidéo devrait sortir le 23 mai. D’autres vidéastes français ont déjà proposer cette expérience, sur des courts-métrages, comme Ludovik. Bien qu’humoristique, ce genre de vidéo demande énormément de travail pour peu, voire, pas de revenus.

Au cinéma, le genre interactif est représenté par des films comme ceux de Quentin Tarantino. Plusieurs séquences sont placées dans les films d’une certaine façon. Mais, le spectateur peut les placer comme il le souhaite. Ou en tout cas, dans l’ordre le plus logique selon lui. Presque tous les ordres fonctionnent. Pulp Fiction est souvent cité comme exemple dans le genre. C’est donc le spectateur qui se raconte l’histoire qu’il souhaite en reconstituant une espèce de puzzle cinématographique.

Les autres médias

L’exemple qui fait le plus parler, ce sont les jeux vidéo, mais avant eux, des livres avaient déjà entrepris le pari d’être interactifs. De base, un livre est en soi interactif, on se fait une image de ce qu’il se passe avec les quelques éléments que l’on a, on décide de tourner la page, on décide de l’ordre de lecture, etc.

Les jeux vidéo entreprennent cela avec des choix qui vont déterminer la suite de l’aventure. Dorénavant, il y a même des jeux vidéo qui ne se reposent essentiellement que sur les histoires, avant même l’expérience de gameplay. « Detroit : become human », « Until Dawn », « The Quarry » ou encore « Road 96 » (développé par DigixArt) sont les représentants principaux de cette nouvelle formule. Les choix que l’on fait déterminent comment la suite des événements va se dérouler et se terminer. Yoann Fanise, fondateur de DigixArt, a pu présetenter le nombre immense de possibilités différentes dans « Road 96 », 148 268 permutations d’histoires sont possibles. Parfois, ce sont aussi les styles des personnages et les musiques utilisées qui peuvent différer, sous quatre versions différentes. De quoi proposer une expérience unique et personnalisée pour chaque joueur.

Et sur Twitch, c’est également possible. Sur la chaîne de MisterMV, Fibre Tigre fait souvent appel aux spectateurs pour prendre une décision importante sur le déroulement des jeux de rôles qu’il anime. Les jeux de rôles (JDR) deviennent d’ailleurs de plus en plus populaires sur Twitch avec ce genre de mécanismes. Les autres chaînes les plus populaires qui font du JDR sont Alphacast ou Wankil Studio mais sont ne sont pas les seuls. Fibre Tigre pousse, de son côté, les JDR jusqu’au bout en proposant des animations en lien avec ce qui se passe, comme le décor qui change par exemple. Il explique qu’un épisode normal coûte 20 000 € à financer, tandis que des épisodes plus importants peuvent aller vers 30 000 €.

La VR

Une autre façon de plonger le spectateur dans une histoire, est la réalité virtuelle (VR). Que ce soit interactif ou non, le VR permet de faire comme si le spectateur était littéralement dans la fiction. Un média qui a aujourd’hui encore du mal à exister à cause du prix des supports, de la difficulté à développer ce genre de fiction, et, justement, le peu de choix de fiction disponible à expérimenter. Mais c’est une technologie qui prend de l’ampleur et qui ne devrait pas être à négliger.

Avec la perte d’influence du cinéma, la solution se trouve peut-être là. Se questionner sur la place du spectateur dans l’histoire et son déroulement. C’est après tout le spectateur qui donne vie au film. Les films peuvent alors devenir plus collaboratifs et participatifs. Proposer des expériences uniques à chaque spectateurs selon ses choix ou ses envies.