Devenir moins performant pour être plus durable

Olivier Hamant est chercheur à l’INRAE (Institut National de Recherche pour l’Agriculture, l’Alimentation et l’Environnement) et directeur de l’Institut Michel Serres. C’est également l’auteur du livre « La troisième voie du vivant ». Le 26 janvier dernier, Olivier Hamant a animé une conférence organisée par l’ADASTA à Polytech-Isima. Lors d’un salon de l’agriculture où on recherche de la performance plutôt que de la durabilité, il était question de l’impact de l’humain sur la planète, et comment s’en sortir grâce à la « robustesse ».

« Dehors devient Dedans »

Le constat est le suivant : les humains préfèrent produire en favorisant la performance en dépit de la robustesse. On préfère favoriser la performance dans un temps très court plutôt que de produire des choses durables. L’optimisation va toujours sacrifier quelque chose, Olivier Hamant demande donc, lorsque l’on optimise : « Qu’est-ce qui va être sensibilisé ». Par sensibiliser, il entend affaiblir un aspect pour en renforcer un autre.

Par exemple, on retrouve cette même idée dans les objectifs de l’ONU. En priorisant certains objectifs, on en sacrifie d’autres. Et l’objectif n°8, pour la croissance économique, pousse à toujours plus de performance. 

La recherche de la performance s’illustre à travers la loi de Goodhart : « lorsqu’une mesure devient un objectif, elle cesse d’être une bonne mesure ». Être à la recherche de la meilleure note possible à l’école ou avoir la meilleure performance sportive entraîne souvent de la fraude. Une phrase résume très bien ce problème : « Le mieux est l’ennemi du bien ». C’est la phrase qui a lancé la conférence. Prononcé par Gérard Mouillaud, président de l’ADASTA (Association pour le Développement de l’Animation Scientifique et Technique en Auvergne).

Les contrecoups de la performance

Pour Olivier Hamant, parfois, voir toujours plus grand et être de plus en plus rapide peut être contreproductif. Un exemple très parlant : le bouchon du canal du Suez, en 2021. Avec ce blocage, on se rend compte que la fabrication de bateaux immenses, pour circuler dans des passages étroits, peut avoir un énorme impact négatif. Mais c’est surtout une rétroaction planétaire qu’il faut craindre. La performance fragilise le climat, les ressources, la biodiversité en créant massivement de la pollution.

« Même lorsque l’on cherche des nouvelles solutions pour l’environnement, on n’arrive pas à être écologique. Pour être plus puissantes, des éoliennes « Haliade – X » ont une production qui utilise trop de ressources pour être durable et résilientes. Tout comme les voitures électriques, bien que plus écologiques que les voitures à essence, le problème n’est plus le pétrole, mais les minerais. Il faut beaucoup trop de cuivre pour construire la voiture, d’abord, mais aussi pour créer les bornes de recharge.« 

La solution pour une performance durable : la robustesse

Olivier Hamant recommande plutôt de s’inspirer de la nature, pas nécessairement grâce au biomimétisme, mais du point de vue de la robustesse. La nature se développe moins vite, mais plus efficacement et sans pollution.

C’est la troisième voie du vivant. Transposer à nos sociétés le mode de fonctionnement de la Nature. Un écosystème qui se construit lentement mais durablement en s’appuyant sur différents « partenaires » qui ont chacun un rôle défini. Toutes les entités travaillent ensemble dans un système durable.

Cela peut se transposer de différentes manières. Olivier Hamant propose quelques exemples. Par exemple, cela pourrait passer par le « tout-réparable ». Une idée qui se démocratise grandement avec le FairPhone, ou les services de reconditionnement comme Trocathlon, Darty Max ou encore Back Market.

Pour l’éducation, il faudrait revenir à un système tester en 1747, l’école mutuelle. Ici, les élèves doivent chercher eux-mêmes les informations, parfois auprès d’autres personnes. Ensuite, ils s’échangent les informations, et chacun à un rôle à jouer, par rapport à son niveau. Le maître quant à lui, dirige l’organisation des élèves.

Enfin, il donne l’exemple de Buurtzorg, un modèle d’organisation de soins à domicile. ici, pas de surperformance, l’idée, est de travailler en équipe et en proximité et de prendre le temps nécessaire avec chaque patient. Cela permet d’éviter les burnouts grâce un travail plus collectif et collaboratif.


Une société plus résiliente doit-elle être moins productive ? Une chose est sûr c’est qu’elle doit être plus robuste pour faire face aux différentes fluctuations de notre système actuel.