Entretien / Sylvain et Jean-Eric Godard, électrons libres

Entretien / Sylvain et Jean-Eric Godard, électrons libres

Par Damien Caillard


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Jean-Eric et Sylvain sont frères et associés, une configuration pas si fréquente dans l’écosystème clermontois. Après des études dans l’audiovisuel pour Sylvain et dans le son pour Jean-Eric, ils se sont retrouvés en 2001, quand Sylvain crée «…Comme une Image » et qu’il co-worke avec Rush communication que Jean-Éric avait créé 10 ans plus tôt.  En 2014, nouvelles étapes avec la présidence du cluster le Damier pour Sylvain, le lancement de la pépinière créatives Equinoxe à Chamalières et surtout la création de la société atome, dédiée au projet eVe. Beau parcours dans le privé pour les fils de l’ancien maire de Clermont.

Votre vie se décline en une multitude d’initiatives autour de l’audiovisuel et du numérique, mais ce qui vous motive le plus c’est le projet eVe porté par atome. D’où est venue l’idée ?

[Sylvain] Dans notre métier [de créatifs musique et audio-visuel], on perd beaucoup de temps à passer d’un logiciel à l’autre. On s’est aperçu que c’était vrai dans tous les domaines qui utilisent l’outil informatique. L’idée est que, si on avait un logiciel orienté projet capable de traiter tous les domaines que gèrent l’informatique, on gagnerait en productivité. C’est parce qu’une telle solution n’existait pas, que l’on a décidé de créer eVe pour lequel nous avons déposé trois brevets.

[Jean-Eric] les prémices d’eVe remontent à 1988-1989. À l’époque j’étais souvent sur un forum dédié aux systèmes d’exploitations et je suivais une personne qui avait décidé de créer son propre système. Je me suis dit « s’il peut le faire tout seul, on peut le faire aussi ». L’idée a germé, ça a pris du temps… en 2002, on avait les premières ébauches de notre propre solution.

Quelle est l’innovation apportée par eVe ?

[Jean-Eric] eVe n’est pas un logiciel à proprement parler, c’est plus un environnement de travail, dédié à la gestion et la création de tes documents numériques. eVe s’adapte à ton projet en te proposant uniquement les outils nécessaires à la réalisation de celui-ci. C’est comme un Lego ou un mécano : tu le construis en fonction de ton projet, avec quelques outils vidéo, de texte, de son…  Tu fais évoluer ton environnement en fonction de tes connaissances et de tes besoins. eVe s’adapte à ton projet et non l’inverse

L’interface principale eVe avec une première palette d’outils créatifs et un document modulaire

L’idée est de pouvoir manipuler et modifier n’importe quel fichier sans te soucier de son format et de sa compatibilité. Finis les « est-ce que c’est du PDF ? », « est-ce que c’est du JPEG ? », « est-ce que je vais pouvoir le modifier ? » … Tu mets ton image dans le document, peu importe son type, tu le modifies, tu le partages… Et ça marche !

[Sylvain] Surtout, on souhaite faire passer l’humain avant l’informatique. L’idée est de sortir uniquement les outils nécessaires, comme on le ferait sur un établi… On voulait vraiment une interface intuitive et ultra « light ». Ce coté minimaliste y parvient, non seulement de manière plus efficace, mais cela évite aussi l’effet tableau de bord d’avion, où tu te retrouves, d’un coup, devant une multitude de boutons sans savoir par où commencer.

Où en est le projet aujourd’hui ?

[Sylvain] Nous avons su convaincre une nouvelle fois Innovergne, nous sommes lauréats 2017 du Réseau Entreprendre, notre banque nous suit, nous sommes en partenariat avec le rectorat et la Région nous soutient autant qu’elle le peut. On voit bien que le projet plaît de plus en plus … Aujourd’hui, atome c’est une équipe de 6 personnes. Prochaine étape : séduire les investisseurs pour doubler cette effectif et accélérer les développements.

D’un point de vue « produit », on a sorti une première version d’évaluation que l’on teste avec l’Education Nationale pour l’apprentissage du code. Le rectorat souhaite aller un peu plus loin que la solution qu’il utilise actuellement [Scratch]. Comme nous étions déjà en relation avec eux sur d’autres projets, et qu’ils avaient vu le potentiel de « eVe », ils leur paraissaient pertinent d’utiliser notre technologie pour y parvenir.

[Jean-Eric] le rectorat souhaitait que l’apprentissage de l’informatique ne se limite pas à la maîtrise du code, mais qu’il aborde également les métiers et les nouvelles méthodes de travail liées à l’informatique.

Par-dessus tout le rectorat souhaite que nos étudiants, qui seront les citoyens de demain, comprennent bien l’informatique et qu’ils ne soient en aucun cas les esclaves de technologies qu’ils ne sauraient maîtriser. L’année prochaine [2017-2018] on aura douze classes qui pourront tester la pertinence de eVe pour l’apprentissage du code informatique.

Étant modulaire, après les étudiants, la phase suivante sera de proposer notre solution aux collectivités et aux entreprises, en leur proposant un outil les libérant de toutes contraintes informatiques et leur permettant de se concentrer, uniquement, sur leur savoir-faire.

Vous ne vous considérez pourtant pas comme une start-up …

[Jean-Eric] Non, je dirais que nous sommes plutôt des artisans du numérique.

[Sylvain] On est une petite société qui démarre avec la certitude d’avoir LA bonne idée … il y a de l’innovation, c’est sûr. Du coup, on a toutes les caractéristiques de la start-up. Pourtant, souvent, elles sont éphémères. Nous, nous avons encore plein d’envies, plein d’idées et un projet ambitieux sur le long-terme.

Atome, le Damier, Équinoxe … on peut dire que vous dédiez votre activité à l’écosystème de la création numérique sur Clermont.

[Jean-Eric] Et il faut dire que l’écosystème de la création numérique nous le rend bien… On voulait que la société atome soit au plus proche du monde des créatifs, pour en capter l’essence. Pour atome, il est naturel de se trouver dans des locaux comme ceux d’Equinoxe, entouré de personnes créatives. C’est un vivier de nouvelles idées. De plus c’est le lieux idéal pour tester nos produits dans les conditions réelles …

Contrairement à pas mal d’idées reçues, je pense que les chances de réussite sont les mêmes que l’on soit à Clermont ou à Paris. Les inconvénients et les avantages ne sont pas les mêmes, mais au final, les deux tendances finissent par s’équilibrer. Nous avons beaucoup d’accroches sur la région, et donc, au final, beaucoup de raisons de s’implanter ici.

[Sylvain] Pour nous, c’est important. Dans les choix qu’on a fait, on a toujours privilégié Clermont et la Région. Par exemple, en 98, nous collaborions déjà et nous avons obtenu un prix pour un court-métrage. À la suite, nous avions eu des opportunités sur Paris. Mais j’aime ma ville, j’avais la volonté de rester en Auvergne. Comme Jean-Eric, je pense que l’on peut avoir des grandes ambitions, tout en restant ici.

Comment s’est développé Équinoxe depuis sa création ?

[Sylvain] Avec …Comme 1 Image, Comme tout entrepreneur, j’ai du faire des choix pour traverser les étapes. En 2013, j’étais dans une bonne dynamique et j’avais besoin de forces vives autours de moi. Ça faisait déjà quelques temps que l’idée d’une pépinière avec des acteurs complémentaires me trottait dans la tête. La conjoncture et l’opportunité du lieu ont accéléré les choses. Co-worker plutôt qu’embaucher … Voilà comment est née Equinoxe.

La pépinière Equinoxe accueillie, non loin du casino de Royat, les acteurs de la création numérique

C’est comme une ruche, où toutes les entreprises sont « moteur ». Nous proposons 350m2 de bureaux avec une salle de réunion, un studio son, une salle de répétition, une activité en hausse et une super ambiance … même si tous les bureaux ne sont pas pourvus, nous sommes sur la bonne voie.

Et vous parvenez à jongler au quotidien avec Atome, Com 1 Image et Équinoxe ?

[Jean-Eric] Pour ma part je me consacre uniquement à atome

[Sylvain] Pour Equinoxe, je n’ai fait qu’initier le projet. Ce n’est pas nous qui la gérons. Pour les décisions, nous nous concertons avec l’ensemble des sociétés de la pépinière avant de prendre des décisions. Au Damier, je joue mon rôle de président, je me rends le plus disponible possible pour le représenter, et surtout, je m’appuie sur le super boulot que fait Nathalie, notre directrice. Après tout ça, je consacre le reste de mon temps à atome et bien sûr à ma famille. Ça me fait de bonnes journées, mais j’adore ça.

En plus, il y a cet engagement fort au Damier

[Sylvain] Dès le départ. j’ai participé aux réunions du projet qui s’appelait Grammi à l’origine. J’y croyais. j’ai très vite intégré le C.A. Ensuite, Nathalie [Miel] est arrivée, et il semblait pertinent de l’associer avec un président qui connaisse les élus et les enjeux politiques. De plus, j‘avais vraiment envie de faire évoluer nos filières, ce que j’ai fait en initiant et pilotant la cellule R&D du Damier.

Un des rôles du Damier est de dispatcher des demandes de prestas vers ses adhérents

[Sylvain] Pour atome, indirectement, j’ai été invité au DIS 4 [initiative stratégique de la région Auvergne], ce qui nous a permis de rencontrer Laurent Carreda avec lequel nous avons partagé une vision commune, qui a débouchée sur une collaboration avec Almerys. Pour …Comme 1 Image, comme pour tous les adhérents, c’est la possibilité de se former, de collaborer et aussi d’accéder à des marchés que nous ne pourrions pas obtenir tout seul.

Pour conclure, parmi tous vos projets, qu’est-ce qui vous motive le plus ?

[Jean-Eric] C’est d’offrir aux gens la possibilité de travailler dans un environnement favorisant la créativité et où la machine ne décide jamais pour l’humain, mais fournit juste les meilleurs outils au bon moment. C’est l’essence de eVe et ce que l’on veut faire avec atome.

[Sylvain] Même si J’adore l’audio-visuel, eVe reste ma principale motivation. Quand elle sera sur les rails, j’essaierai de réaliser un court-métrage de temps en temps… pour le plaisir. Mais eVe, c’est notre projet. Tous les jours, je me dis qu’il y a de nouvelles possibilités avec. Quand on y réfléchit, on se dit que ça peut vraiment apporter une petite révolution dans l’informatique. J’en suis persuadé, et c’est ce qui me booste le plus.


Pour en savoir plus:

le site de la société Atome
le site de la pépinière numérique créative Equinoxe
le site du cluster image/vidéo le Damier
le site de la société de production audiovisuelle Com 1 Image


Entretien du 8 juin 2017, condensé et réorganisé pour des raisons de lisibilité et revu avec les interviewés

Résumé/sommaire de l’article (cliquez sur les #liens pour accéder aux sections)

  • #eVe / porté par la société Atome, eVe est un projet d’environnement informatique modulaire dédié aux créatifs numériques (image, musique, vidéo …). Sa spécificité : minimiser les contraintes purement informatiques (comme la gestion des formats) en donnant le plus de souplesse possible sur le partage des outils et l’aspect collaboratif ;
  • #Atome / Atome lance en cette rentrée 2017 un test dans douze classes auvergnates, avec le Rectorat, pour accompagner la sensibilisation des jeunes au code et à la notion de programmation objet. Prochaine étape : développement en direction des collectivités et entreprises ;
  • #Ecosystème / Sylvain et Jean-Eric ont déployé des projets tous azimuths dans l’écosystème de création numérique clermontois. Ils sont particulièrement attachés à la région où ils ont toujours choisi de vivre. ;
  • #Equinoxe/ Équinoxe est la pépinière pour créatifs numériques qu’ils ont créée à Chamalières, avec le soutien de leur père Serge Godard (ancien maire de Clermont-Ferrand). Aujourd’hui, elle accueille plusieurs sociétés de communication et de production numérique ou audio-visuelle ;
  • #Damier/ Sylvain est également président du cluster image et musique le Damier, basé à Épicentre. Avec Atome, il participe à la cellule R&D mise en place depuis 2 ans environ. Le Damier lui a également permis de participer à l’initiative DIS 4 de l’ancienne région Auvergne ;
  • #Motivation/ mais, parmi toutes ces initiatives, c’est bien le projet eVe qui motive Jean-Eric et Sylvain au quotidien ; ils le voient comme un projet artisanal, fortement structuré autour d’une éthique, voulant apporter une réelle plus-value aux créatifs numériques.

À propos de Véronique Jal

Ma ligne guide depuis 15 ans, c'est le management de projets collectifs à fort "sens ajouté" : les fromages AOP, les hébergements touristiques, la démarche d'attractivité d'une région... et aujourd'hui l'innovation territoriale via un média associatif Toulousaine d'origine, j'ai découvert et choisi l'Auvergne que mon parcours pro m'a amenée à connaître sous plein de facettes. J'adore cette activité qui nous permet d'être en situation permanente de découverte.