Par Damien Caillard
Juillet 2016: labellisation French Tech sur la mobilité. Octobre 2016: appel à projets intégrant un séminaire « open innovation » au Bivouac. Janvier 2017: jury et remise de prix de la première session Auvermoov. Ce sont trois temps forts de l’écosystème start-up clermontois. Sont-ils, pour autant, trois indices que cet écosystème gravite autour de la mobilité ? Chère à Michelin, cette thématique fut naturellement mise en avant lors de la première année d’existence du Bivouac – qui a marqué le décollage de notre écosystème. Comment se concrétise aujourd’hui cette dynamique mobilité ? Comment la voient les acteurs de l’innovation ? Et cela exclue-t-il les autres thématiques de start-ups ?
La mobilité, une voie royale pour l’open innovation
L’émergence de la mobilité comme axe d’innovation est liée aux grands enjeux sociétaux du XXIème siècle. A ce jour, plus de 50% des humains vivent déjà en ville, et cela va aller crescendo. Jean-Yves Bechler, directeur général du SMTC (Syndicat des Transports en Commun clermontois), résume ainsi les enjeux de la mobilité: « elle a pour point de convergence l’idée d’optimiser les infrastructures, en les orientant par la transition écologique. » . En outre, la mobilité bénéficie de la généralisation des téléphones mobiles et smartphones, outils nomades par excellence: le numérique devient un levier fondamental d’optimisation de la mobilité, permettant de récolter des data en temps réel, de les exploiter pour affiner l’offre de services, en allant jusqu’au dernier kilomètre avec de l’autopartage par exemple – chose que les réseaux de transports en commun ne pouvaient pas faire jusque alors.
De nombreux acteurs économiques s’intéressent donc à la mobilité de par son potentiel d’amélioration et son importance sociétale et environnementale. Mais ces acteurs sont multiples, et le paysage économique de la mobilité fait l’enjeu d’une équation parfois complexe à résoudre, avec:
- des acteurs institutionnels, comme des collectivités territoriales, qui structurent historiquement les offres de transports locaux ou nationaux (sans toujours en assurer le volet opérationnel – ainsi l’articulation SMTC, qui gère et finance le réseau de transport, et T2C, qui assure le service de transport en commun).
- des acteurs privés de taille nationale voire mondiale, dans l’industrie, les transports, mais aussi dans le numérique. Et ils sont drivés par l’innovation. Frédéric Louradour, de Towards Conseil (agence parisienne ayant accompagné la première session Auvermoov), précise ainsi que « en France, on a des acteurs importants de la mobilité urbaine. Ils ont besoin, pour gagner des marchés, d’être innovants. Ils doivent inventer des systèmes complémentaires aux systèmes traditionnels »
- de plus en plus de start-ups, qui ont le bon état d’esprit pour raisonner en-dehors des clous. L’open innovation – qui consiste en un rapprochement structurel entre la start-up et le grand groupe – est un levier largement utilisé dans la mobilité en général.
- le grand public, utilisateur final de la mobilité. Là aussi, le numérique est un outil à la fois d’optimisation (service, data opérées via le smartphone) et d’interaction (échange avec les opérateurs), souvent complété par des réunions et sondages à grande échelle.
Ces frontières entre les quatre mondes deviennent, par nécessité d’innovation, de plus en plus poreuses. « On constate une montée de l’initiative privée et du citoyen. » résume Sébastien Reilles, de l’agence d’urbanisme de Clermont Métropole. « Le monde de la start-up en fait partie. Ces nouveaux acteurs peuvent interférer à haut niveau dans le domaine de la mobilité. Voyez Blablacar, une start-up devenue opérateur de mobilité et qui inquiète la SNCF. »
Investissements lourds et peu résilients, mise en concurrence fréquente, marges faibles, baisse des ressources publiques … le seul levier de rentabilisation pour les opérateurs de la mobilité est l’innovation, que ce soit pour optimiser les réseaux existants ou pour inventer des offres complémentaires.
Or, traditionnellement, la balance penche en faveur des acteurs industriels. « Beaucoup d’appels à projets urbains sont lancés à l’initiative de grands du transport, et viennent surtout nourrir la réflexion de cet acteur. » précise Chantal Droulez, de Towards Conseil. Y a-t-il un boulevard pour un écosystème de la mobilité intégrant à part plus égales les différents acteurs, publics comme privés, grands comme petits ? C’est, semble-t-il, le projet commun qui a rassemblé de nombreux partenaires autour de Clermont-Ferrand en 2016.
French Tech + Bivouac = le pari de la mobilité
« Ce qui a changé, c’est la manière dont le territoire perçoit la mobilité ». Benoît Membré, directeur du Bivouac, a suivi de près la structuration de l’écosystème autour de cette thématique-phare. « Michelin est bien sûr très concerné par le sujet, mais quand le SMTC et Clermont Communauté sont entrés dans la boucle – avec les Rencontres Citoyennes et la prise de position très claire sur les 22 points – la mobilité à Clermont a pris une tournure très urbaine. Et je trouve ça très bien. »
La première reconnaissance exogène de cette orientation mobilité est venue de Bercy en juillet 2016: la mission French Tech nationale a labellisé l’écosystème d’innovation clermontois sur la thématique « Cleantech & Mobility ». Initiative lancée en 2014 par Axelle Lemaire et Fleur Pellerin, la French Tech a pour ambition de rassembler l’écosystème des start-ups françaises, de les aider à se structurer et à rayonner à l’international. Cela passe par de nombreuses actions (comme une présence en masse au CES Las Vegas) et en particulier une labellisation d’écosystèmes locaux, en région. Le principe: les communautés territoriales regroupant suffisamment de start-ups, d’incubateurs, de fablabs … mais aussi d’acteurs « traditionnels » impliqués dans l’innovation ouverte (entreprises, universités, institutionnels) peuvent postuler auprès de Bercy pour bénéficier du label French Tech. A la clé, pas de financements mais une insertion dans des réseaux de contacts internationaux, une crédibilité et une visibilité accrues.
C’est ainsi qu’est née Clermont Auvergne French Tech, portée par Clermont Métropole et basée opérationnellement au Bivouac. Avec une double vocation:
- fonctionner en réseau avec les autres métropoles labellisées « mobilité/cleantech » (comme Le Mans, Bordeaux ou encore Lyon). Hélène Ribeaudeau, Chef de projet Clermont Auvergne French Tech, travaille actuellement à une feuille de route en commun avec les autres membres du réseau, pour « développer des projets au niveau national. Par exemple, identifier des start-ups en hyper-croissance, mettre l’accent sur des programmes et parcours d’accélération … cela commence par un état des lieux. »
- travailler avec toutes les start-ups du territoire, et pas seulement celles de la mobilité. Benoît Membré: « Toutes les start-ups du territoire sont, de fait, French Tech. ». Confirmation par Sylvain Poisson, responsable de l’accompagnement des start-ups au Bivouac: « c’est un label que chacun peut s’approprier. Ca récompense la dynamique territoriale. »
« Outil » principal de la Communauté Urbaine qui gère le label French Tech sur Clermont, le Bivouac a pris les devants en attendant la validation d’une feuille de route nationale. D’abord par le rayonnement de la place clermontoise dans le macrocosme international des acteurs de la mobilité, à Moscou comme à Tel-Aviv. La visibilité apportée par la French Tech est ainsi capitale pour Jean-Yves Bechler: « Ce label est un tiers de confiance pour qui ne nous connaît pas. L’approche de la mobilité est très internationale, beaucoup drivée par l’Asie. Le label French Tech nous permet de faire partie de ces réseaux. »
Autre levier majeur mis en oeuvre par le Bivouac, l’animation de l’écosystème. « La force de frappe événementielle est structurante » estime Sylvain Poisson. « Nous, on a été plus actifs parce qu’on avait le budget et les caméras, mais d’autres ont beaucoup contribué. C’est un cercle vertueux. » Dans ce cadre, le pinacle de l’année 2016 fut probablement l’appel à projet Boost Mobilitech lancé par le Bivouac à la rentrée de septembre. Objectif: constituer une nouvelle promo de start-ups sur cette thématique, avec un rayonnement national.
C’est ainsi que, le 19 octobre 2016, douze start-ups venues de toute la France ont rejoint cinq partenaires locaux (grands groupes, laboratoires, clusters), de nombreux coaches et l’équipe du Bivouac, pour deux jours de séminaire à la Pardieu. Au programme de cet événement très orienté open innovation:
- la première demi-journée, présentation en amphithéâtre des start-ups (pré-sélectionnées sur dossier, à partir de 40 candidatures) mais aussi des grands groupes et de leurs attentes.
- l’après-midi et le lendemain matin, ateliers de travail où chaque start-up pouvait passer 30 minutes avec les représentants d’un grand groupe, à explorer des pistes de collaboration. Avec un dîner en commun et des visites des environs pour les non-clermontois
- à la fin, les start-ups pitchent leur projet revisité par les deux jours de travail, devant un jury composé de l’ensemble des partenaires. Ce dernier a sélectionné sept start-up qui ont intégré la nouvelle promo du Bivouac à partir de novembre 2016.
Les valeurs cardinales qui ont motivé cette organisation étaient la bienveillance (pas de jugement de valeur, ouverture); l’agilité (rapidité et réactivité de la part de chacun) et l’échange (importance de l’informel). Résultat: succès confirmé de part et d’autres, notamment pour les représentants des grands groupes qui ne s’attendaient pas à ce niveau d’interaction. Ainsi, Marc Evangelista, responsable du programme d’incubation IPO chez Michelin: « J’avais une petite crainte sur le format, du fait de la durée, de la répétition … mais le retour est très positif. En 30 minutes [durée de chaque atelier], on perçoit vite si le lien se fait entre la start-up et le grand groupe, cela permet d’explorer des idées insensées puis de reboucler. » Avis similaire de Paul-Alexis Bernard, coach partenaire du groupe Centre-France La Montagne: « L’événement est redoutablement efficace. Beaucoup de choses se disent, se font, se réfléchissent très vite. »
Boost Mobilitech: la première expérience d’open innovation à grande échelle
Si tous les représentants des partenaires, ainsi que les start-ups participantes, ont un retour positif, c’est que les conditions de réussite de l’open innovation étaient réunis pour cet appel à projets. Elles sont résumées par Antoine de Ledeuville, « super-coach » et associé au cabinet de conseil All you need for Growth:
- parce que « tout le monde a joué le jeu » selon ses mots. Des start-ups qui ont pris l’affaire très sérieusement, jusqu’aux grands groupes « qui ont su mettre les bonnes personnes, avec l’écoute et le mandat pour exprimer un intérêt, le cas échéant. »
- parce que « les grands groupes ont su reconsidérer leur mission« pour l’élargir, et la mettre en phase avec l’approche des start-ups présentes. Cela leur a permis « de trouver de l’intérêt dans des choses innovantes, plus loin de leur cœur de métier traditionnel. »
- parce que « chacun a travaillé sur ses cycles de fonctionnement. » En d’autres termes, start-ups et grands groupes ne tournent pas à la même vitesse, avec la même inertie. « la start-up ne peut pas dire ‘J’ai besoin de 100 000 € maintenant pour ce projet’ et le grand groupe ne peut pas répondre ‘Oui mais ça va prendre 6 mois’. Il y a beaucoup d’apprivoisement à faire, mais on va dans la bonne direction »
Avec la dynamique insufflée par l’équipe du Bivouac, et les coaches qui ont su fluidifier et stimuler les échanges, le séminaire a pu atteindre son objectif. Au-delà des sept start-ups sélectionnées, tous les participants seront repartis avec une vision différente de leur métier. A l’instar de Noémie Jonnez qui représentait le groupe Limagrain: « on a considéré la mobilité prise dans sa globalité, pour attirer sur le territoire comme pour s’y connecter. » résume-t-elle. « Il y a des opportunités pour Limagrain qu’on ne pouvait pas imaginer au moment du pitch initial, mais très prometteuses et plutôt inattendues. »
Le succès de ce premier appel à projet a démontré que les ingrédients d’une open innovation réussie étaient présents sur Clermont. C’était bien entendu le pari des partenaires fondateurs du Bivouac, avec au premier chef Michelin – acteur clé de la mobilité mondiale – qui n’a pas hésité longtemps avant d’y installer son incubateur IPO: « En venant au Bivouac, nous voulions diversifier nos sources d’innovations, et être davantage en contact avec l’externe. » résume Marc Evangelista. « L’idée de s’installer au centre de l’écosystème nous a beaucoup plu. Pouvoir partager avec les start-ups nos connaissances et compétences, liés aux savoir-faire d’un grand groupe, et bénéficier en retour de leur agilité et de leur ouverture afin d’aborder de nouveaux champs d’investigation.». » Pour quels résultats aujourd’hui ? « On apprend à aller vite, à être lean … et il y a l’ambiance du Bivouac, très inspirante, qui attire en interne chez Michelin. Le fait que tout est possible à tout instant. », conclut-il.
Ce rôle de facilitateur grands groupes/start-ups est une des missions du Bivouac, et elle est aujourd’hui mise au service – notamment – de la mobilité. « Le Bivouac est comme un opéra, c’est un outil territorial. Il fait partie des éléments structurants de l’écosystème. On lance des projets et on génère des succès locaux qui retombent sur l’écosystème. » estime Sylvain Poisson. « Ça donne des idées aux grands groupes, comme tenter des rapprochements avec les start-ups, ou faire venir leurs cadres pour y travailler sur certains projets. »
Mieux, le concept semble porteur au niveau national, parce que Clermont est vu comme un territoire qui facilite l’open innovation. Une attractivité qui a suscité une quinzaine de candidatures non auvergnates lors de l’appel à projet Boost Mobilitech, et résumée par cette belle phrase d’Olivier Mathurin, co-fondateur de la start-up Avicen: « on est bien à Clermont ! ». Quant à Sylvain Poisson, le facteur clé de succès est « de faire de l’open innovation avec des acteurs industriels déjà en place sur le territoire. Ici, on est capable d’allouer de la ressource au lieu d’allouer des fonds, et ça permet d’aller beaucoup plus vite. »
Quand Clermont devient un territoire d’expérimentation pour la mobilité
Initiée au Bivouac, cette approche ouverte et partenariale a rapidement conquis une autre « composante » majeure de la mobilité sur le territoire: les acteurs institutionnels. Ceux-ci, à commencer par la communauté d’agglomération et le SMTC, avaient déjà conscience de l’enjeu de faire de Clermont un territoire d’expérimentation et d’innovation. Sur la base de deux caractéristiques principales.
Premier argument: la configuration du territoire. « La question est: où a-t-on suffisamment de matière pour démarrer quelque chose de cohérent, et suffisamment peu d’acteurs pour qu’une fédération d’énergies soit possible ? » estime Jean-Yves Bechler « [Pour cela], Clermont a la bonne taille. » Ainsi, Clermont, avec son caractère resserré et sa tradition industrielle, serait idéale pour entreprendre des expériences efficaces.
Cette volonté, déjà présente avant le lancement du Bivouac, avait séduit Benoît Membré: « Faire de ces territoires un laboratoire d’expérimentation … je trouve ça fantastique. » La catégorie « ville moyenne » de l’agglomération est un plus: « Clermont permet de faire des expériences qu’on peut plus difficilement réaliser dans des grandes villes, et qui seront tout aussi pertinentes. » . Et de souligner la variété du cadre géographique (moyenne montagne proche, plaine), de la démographie (axes d’urbanisation) … et bien sûr la présence capitale de Michelin, « qui a donné une dimension plus visible à la ville ».
Autre originalité mise en avant par Chantal Droulez de Towards: l’enclavement relatif de Clermont, qui de contrainte devient opportunité: « L’enclavement est intéressant car la mobilité devient un véritable enjeu. » estime-t-elle. « Le potentiel d’innovation est plus important du seul fait des difficultés du territoire. » En résumé, pour le directeur du Bivouac: « Clermont a tous les atouts pour réussir: on a une volonté politique; on a des acteurs industriels concernés au-delà de leur métier traditionnel, et pour des sujets sociétaux; et on a tout l’écosystème qui tourne autour des start-ups. »
Auvermoov ou la réunion de tous les acteurs de la mobilité
Fort de cette conviction, la Communauté d’Agglomération – aujourd’hui la Métropole – a sollicité le SMTC pour lancer un concours d’innovation sur la mobilité: Auvermoov. Dès octobre 2016, deux dispositifs ont été ainsi mis en place: d’une part, un appel à projets national pour des start-up dans la mobilité, qui a réuni 33 candidatures; d’autre part, une série de rencontres avec le public autour de cette thématique, pour faire émerger les besoins. Le public était ensuite appelé à voter pour leurs projets préférés jusqu’à fin décembre, vote complété à 50% des voix par un panel d’experts notamment issus des grands acteurs privés du secteur. Et, le 14 janvier, 4 start-ups ont été lauréates de cette première promo (Auvermoov étant a priori reconduit sur plusieurs années), avec à la clé l’engagement du SMTC de tester et d’accompagner leur solution sur le territoire clermontois d’ici septembre 2017.
Une expérience inédite sur Clermont, et même ailleurs en France. La preuve, selon Jean-Yves Bechler qui a piloté l’opération, est l’attractivité exercée auprès de start-ups de toutes régions: « Il n’y a pas tant d’endroits que ça en France où toutes ces start-ups de la mobilité sont présentes simultanément. » estime Jean-Yves Bechler. Depuis Paris, Chantal Droulez en témoigne: « Au niveau national, l’initiative est clairement en avance de phase. », et de donner l’exemple du salon Autonomy 2016 à la Villette, où exposait Auvermoov: « les start-uppers étaient plus intéressés par Auvermoov parce qu’on y rencontre des professionnels, des acteurs de la région prêts à expérimenter. Les leads sont plus qualifiés. Pour eux, c’est une initiative très différenciante. » Là aussi, l’ouverture vers les utilisateurs est la clé. « A Clermont, ce qui s’est fait est beaucoup plus ouvert. Notamment dans la vocation à intégrer le public. » conclut-elle.
Mais le vrai pari d’Auvermoov est de faire confiance à l’innovation « bottom-up », venant du public ou des start-ups plutôt que des industriels ou des institutionnels. Un nouveau schéma de pensée: « Le vrai objectif était la mise en relation du porteur de projet avec les habitants. On est vraiment sortis de notre zone de confort » insiste Jean-Yves Bechler, qui « ne croit pas à la planification [de prime abord]. Il faut d’abord des gens qui ont envie de faire, qui se mettent ensemble et partagent un cap. Ensuite, vient la planification. Pas dans l’autre sens, sinon c’est de l’administration. L’inverse de l’innovation. ». Dans cette approche, l’action des grands leaders du territoire, publics comme privés, que sont Olivier Bianchi et Jean-Dominique Sénart, a été déterminante selon lui: « L’ambition politique incarne ce cap partagé, et doit avoir suffisamment de charisme pour faire converger les acteurs vers ce cap. » C’est le cas sur Clermont, et cela explique notamment le succès d’Auvermoov.
Un écosystème à taille humaine
On parle souvent, affectueusement (ou pas), de Clermont comme d’un « grand village ». Sans doute pour mieux souligner la facilité de rencontrer les individus dans l’écosystème, qu’il s’agisse d’un simple porteur de projet, d’un élu à la Métropole ou d’un responsable de grande entreprise. Ce facteur humain transparaît dans toutes les initiatives autour de la mobilité.
Ainsi, au séminaire Boost Mobilitech, Noémie Jonnez de Limagrain trouvait « les gens très impliqués et enthousiastes. Ils [voulaient] défendre leur projet. ». Le soutien au Bivouac est notamment un soutien à son équipe: « Le parti-pris est de soutenir le Bivouac, et de passer par lui [pour l’open innovation] , car c’est incarné par des gens qu’on peut croiser tous les jours. »
Même son de cloche du côté de Michelin, où Marc Evangelista insiste sur cet aspect humain de la participation au Bivouac: « Pour nous, il y a un côté très rafraichissant. Les start-ups sont très demandeuses, mais quand on arrive à les aider, la reconnaissance est spontanée et chaleureuse. Le côté humain est important. C’est super sympa ici. »
Comment aller plus loin ?
Un verdict, donc, globalement très positif pour notre écosystème qui a fortement évolué en une poignée d’années autour de la mobilité. On peut cependant toujours faire mieux, et les acteurs du territoire mettent l’accent sur deux foyers d’améliorations.
Tout d’abord, prendre garde aux déséquilibres inhérents à notre configuration démographique et urbaine. Pour Jean-Yves Bechler du SMTC, le problème est que la ville « n’est pas assez dense (…), y compris sur la commune de Clermont. » Une caractéristique confirmée par Sébastien Reilles de l’agence d’urbanisme, qui peut impacter les business models des start-ups de la mobilité: « Ces services sont liés à l’urbanisation. Le problème est qu’ils fonctionneront moins bien sur le monde rural. C’est une question de masse critique de flux, offre comme demande. »
Le second point d’amélioration réside dans les méthodes d’open innovation. En analysant les participants du Boost Mobilitech, on a pu être surpris de voir peu de PME et d’ETI. Or, ces structures – largement majoritaires en Auvergne – bénéficient d’une accessibilité plus grande des centres de décision, et d’une inertie naturelle plus faible que dans les grands groupes. La prochaine étape serait donc de les embarquer dans les appels à projets.
Qu’est-il prévu pour l’avenir proche ? Un nouvel appel à projets du Bivouac a eu lieu sur l’agriculture, basé sur le même principe à succès. Et Auvermoov se prépare pour une seconde saison. Le pari est d’étendre les partenariats, et notamment de toucher les porteurs de projets issus du monde étudiant: « On a une place étudiante très forte avec de la mécanique, du commerce, du numérique, un Labex … » pour Jean-Yves Bechler. « Je pense qu’ils n’ont pas vu que c’était pour eux, notre timing pouvait leur paraître très rapide car ils se sentent encore loin du marché. Il faut peut-être changer notre discours, les aider à trouver des contacts. »
Marc Evangelista est de cet avis, même s’il est très optimiste pour l’avenir de l’écosystème: « Il faudrait tout de même que les académiques participent davantage. Quand on compare avec ce que EM Lyon peut faire, ou ce qui est proposé sur Grenoble, c’est très différent. [Cela dit], au niveau des partenaires, on est plus affûtés, on sent mieux ce dont les start-ups ont besoin. » estime-t-il. « Maintenant, il nous faudra des beaux succès qui amèneront intérêt et croissance. Cela prend du temps, mais je ne vois personne rester les mains dans les poches. »
Quid de la thématique mobilité dans cet écosystème en fort développement ? « La mobilité est un thème majeur du Bivouac » résume Marc Evangelista. Tout en soulignant que, d’une manière générale, « les thématiques sont nécessaires pour que les start-ups se retrouvent dans l’écosystème. » Une évolution qui est à projeter sur le temps long pour Jean-Yves Bechler: « Je pense qu’il faut une dizaine d’années pour s’installer vraiment dans un réseau et faire ses preuves. Il faut que la promo [mobilité] hébergée ici soit bien accompagnée, que les gens aient grandi, qu’ils se soient senti tellement bien ici qu’ils en parlent ailleurs … et ça sur plusieurs générations de start-ups. 2016 est l’année où on a craqué l’allumette, maintenant il faut qu’il y ait du gaz. »
Photos d’illustration: Auvermoov, SMTC, Le Connecteur