Par Damien Caillard
et Cindy Pappalardo-Roy
On peut être retraité d’un grand énergéticien et avoir largement autant de travail qu’un cadre actif : c’est le choix assumé et passionné de Jean-Claude Hugueny, ancien directeur territorial de Enedis Auvergne. Il veille désormais à « relier » plusieurs initiatives phare du territoire auvergnat dans l’égalité des chances, le droit des femmes, l’ESS … ainsi avec Cocoshaker, la Plateforme Initiative, le club des 1000 ou encore l’Espace Info Jeunes, structures dans lesquelles il tient à chaque fois un rôle très actif.
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Quelle a été ta première expérience en Auvergne?
Je suis arrivé à Clermont en septembre 2009, d’abord chez GRDF comme directeur technique sur les régions Auvergne et Limousin, puis chez Enedis comme directeur territorial du Puy-de-Dôme. Dans ce poste, il s’agit d’assurer l’interface entre l’entreprise et les éléments constitutifs de l’environnement local. Plus concrètement, cela inclut la sphère économique avec des syndicats professionnels du type MEDEF ou CPME, les fédérations (FFB, CAPEB, FRTP…), les entreprises, la CCI, les associations qui travaillent sur le développement territorial ou l’emploi.
La deuxième sphère, c’est le monde politique : collectivités locales et territoriales, élus, services de l’Etat. La troisième partie, pour avoir une influence locale, ce sont les médias, audio, télé ou écrit. Enfin, le quatrième axe est un acteur incontournable pour les énergéticiens : le Syndicat Intercommunal d’Electricité et de Gaz (SIEG) du Puy de Dôme, autorité organisatrice de la distribution d’électricité. Il y en a en général un par département qui assure l’interface entre les collectivités locales et Enedis.
Comment se matérialisaient ces quatre axes?
Je me suis retrouvé à faire du réseau dans les deux sens du terme, technique et communication ! Je venais du monde de lobbying, ayant réalisé la plus grosse partie de ma carrière à l’international pour le compte de ce qui était à l’époque Gaz de France. Mon rôle consistait à essayer de monter des joint-ventures un peu partout dans le monde en associant des PME françaises du secteur gazier ou para-gazier, GDF et des partenaires locaux.
Ma deuxième casquette était aussi de détecter des entreprises énergétiques susceptibles d’être rachetées par GDF . Cela impliquait un important travail de lobbying auprès des autorités locales et de relationnel avec le monde économique.
De quelle façon t’es-tu intégré dans l’écosystème auvergnat?
En arrivant ici, j’ai commencé à développer mon réseau pour favoriser mon implantation locale. De plus, j’étais impliqué par conviction personnelle dans la promotion de l’égalité des chances, de l’insertion professionnelle et des droits des femmes. Début 2010, j’avais ainsi pu monter un partenariat quasi exclusif sur [ce dernier sujet] entre Enedis, la ville de Clermont et le CIDFF*.
« J’étais impliqué par conviction personnelle dans la promotion de l’égalité des chances, de l’insertion professionnelle et des droits des femmes »
Dans le domaine associatif, je me suis rapidement impliqué au sein de la Plateforme Initiative Clermont Métropole, créée il y a 20 ans pour aider les personnes défavorisées à accéder à l’emploi par le biais de la création ou de la reprise d’entreprises. Cela s’est fait dans le cadre du réseau Initiative France, créé il y a 30 ans sur cette thématique et qui à Clermont s’est couplé avec une volonté d’aider les personnes en difficulté.
Avec plusieurs projets à ton actif, tu as évolué…
En parallèle d’Enedis, j’ai commencé à essaimer via la Plateforme Initiative, qui avait une envergure sur la Métropole. Rapidement, j’ai pris des responsabilités sur la coordination Auvergne-Rhône-Alpes, dont je suis vice-président. En parallèle, je suis devenu membre du conseil d’administration de l’Espace Info Jeunes avant d’intégrer le bureau puis d’assurer successivement les rôles de secrétaire général puis de vice-président de cette structure incontournable à Clermont dans le domaine de l’aide apportée aux jeunes.
Tu t’es clairement orienté vers le côté social et jeunesse dans les entreprises …
Dans le cadre de mon investissement, j’essaie de cumuler des actions dans le domaine social ou sociétal : j’ai cherché à apporter une cohérence dans toutes ces actions: aide aux personnes défavorisées, création d’emploi, développement économique, jeunesse, femmes… Par exemple, je suis devenu président de l’IUT et suis membre du conseil d’administration de SIGMA. Cela me permet au final d’aider le public des jeunes à trouver un emploi.
« L’IUT est une vraie passerelle vers l’emploi des jeunes, que ce soit dans des entreprises ou au travers de la création d’entreprises. »
L’IUT est, à ce titre, une vraie passerelle vers l’emploi des jeunes que ce soit dans des entreprises ou au travers de la création d’entreprises. On travaille avec Pépite, Créa IUT… On fait bosser les étudiants sur de mini-projets, on les met en relation avec les structures existantes dont bien sûr l’Espace Info Jeunes et le réseau Initiative, on participe à Auverboost, etc. C’est un travail de tous les jours et ce que l’on fait pour aider des personnes qui en ont besoin ne représente qu’une goutte d’eau, mais c’est toujours ça. Nos actions finissent par porter leurs fruits !
Comment cela s’est-il concrétisé en particulier dans l’entrepreneuriat social ?
Dans tout cela, il y avait une dimension qui me manquait un peu : l’ESS. Mais je m’y suis engagé via Enedis. À noter qu’en tant que directeur territorial Enedis, j’avais une totale liberté pour monter des partenariats locaux. J’avais donc trouvé très pertinente l’idée de Cocoshaker, incubateur d’entreprises de l’ESS, et Enedis est devenu l’un de ses premiers sponsors. Je connaissais d’ailleurs aussi sa directrice, Marion Audissergues, car elle était en relation avec l’une de mes adjointes chez Enedis, présidente de la Jeune Chambre Economique. C’est un petit monde, Clermont. On peut facilement monter des partenariats comme ça – ce qui est impossible à Paris où les relations sont beaucoup plus complexes à établir.
Quelles actions as-tu menées par la suite?
Quand Valérie Thomas a décidé d’abandonner la présidence de Cocoshaker pour des contraintes compréhensibles d’agenda, j’ai pris le relais. Et – toujours dans le domaine de l’ESS – je suis devenu vice-président du Club des 1000 dont l’objectif est de rassembler des entreprises ayant des actions marquées dans la RSE, dans tous les secteurs : parité hommes-femmes, lutte contre le handicap, aide au développement personnel, etc.
[Aujourd’hui,] je suis retraité d‘Enedis, mais tous ces engagements représentent un travail à plein temps ! Ma valeur ajoutée réside principalement dans l’interconnexion et la cohérence de ces actions.
Quels sont les facilitateurs de cette interconnexion ?
Il y a une structure sur le plan économique qui aide beaucoup les gens à se rencontrer, c’est l’Interclubs animé par Gilles Flichy. On y retrouve des entités du réseau économique, avec divers centres d’intérêts, mais aussi un point commun sur le développement territorial et la volonté d’établir des passerelles entre les différents acteurs du territoire. On arrive à toucher beaucoup de publics via l’Interclubs, en mêlant des structures comme le CJD, les DCF, le Connecteur, le Club des 1000, le réseau Initiative, les APM, la JCE, IESF…
Tu as travaillé un peu partout en France, à l’international, puis à Clermont ; avec le recul, quelles sont les différences entre les territoires ?
À Paris, le territoire est trop vaste pour créer des liens globaux. Clermont me semble idéal, puisque tous les gens arrivent à se connaître, et on peut vraiment créer un tissu social. À l’étranger, il y a peu d’interactions, et il est difficile de sortir du cercle des expatriés.
« En termes de développement associatif et de dynamisme territorial, je trouve Clermont et le Puy-de-Dôme remarquables. »
En termes de développement associatif et de dynamisme territorial, je trouve Clermont et le Puy-de-Dôme remarquables. À Lyon par exemple, il n’y a pas cette coordination dans les réseaux, il y a plusieurs « courants » qui complexifient les choses. Ici, au-delà de Clermont, il y a une cohérence auvergnate. On se serre les coudes sans être forcément chauvins, et on est fiers de la région.
Quelles peuvent être les difficultés en Auvergne?
La difficulté est plus sur les territoires très ruraux. Il faut y être présent. C’est pour cela que Cocoshaker, selon moi, doit essaimer hors de la Métropole. Il y a de vraies richesses dans ces territoires ruraux. Ça a été bien pris en compte dans la nouvelle gouvernance de la CCI, qui est vraiment « Puy-de-Dôme », et qui veut développer les activités dans ces territoires. Ce n’est pas qu’à Thiers ou à Ambert, c’est aussi le Sancy, le Livradois… On a quand même 630 communes dans le département, et seulement une vingtaine de communes urbaines.
On a vu que tu es très investi dans l’incubateur Cocoshaker ; peux-tu nous en parler?
Le rôle de Cocoshaker, c’est de pousser les porteurs de projets dans le domaine de l’ESS à vérifier la validité de leur concept et à développer leur sens de l’entreprise pour à la fin créer éventuellement une structure applicative et pouvoir en vivre. Avec nos trois années d’existence, nous étions jusqu’à présent plutôt centrés sur la métropole. Nous avons décidé de croître, de manière raisonnable, afin, dans quelques années, de devenir la référence sur le territoire auvergnat en terme d’incubateur de l’ESS. On commence à être connu hors de Clermont, mais il faut nouer plus de relations avec les autres territoires, pour faire venir des projets.
« Le rôle de Cocoshaker est de pousser les porteurs de projets (…) à vérifier la validité de leur concept et à développer leur sens de l’entreprise. »
Nous pourrons le faire car on s’est professionnalisés avec les 3 premières promos d’incubés. Chaque année, la sélection de la promo s’affine même si le processus n’est pas encore tout à fait optimal, mais ça suffit pour lancer une démarche d’essaimage. Cette année, on a trois projets issus de l’Allier ! Se pose d’ailleurs la question de comment on les incube à distance. Mais on apprendra en marchant.
Quelles actions pourraient accompagner son développement financier?
L’action de Cocoshaker est aujourd’hui reconnu par la Région et la Métropole. Nos avons également un certain nombre de partenariats avec des entreprises privées. Pour booster notre développement territorial, nous allons maintenant partir à la recherche de nouveaux partenaires publics ou privés sachant que nous avons récemment modifié nos statuts afin de pouvoir délivrer à nos donateurs des reçus fiscaux.
Pour en savoir plus :
le site de Cocoshaker
le site de la Plateforme Initiative Clermont Auvergne
le site du Club des 1000
le site de l’Espace Info Jeunes
Entretien réalisé par Damien Caillard. Propos synthétisés et réorganisés pour plus de lisibilité par Cindy Pappalardo-Roy, puis relus et corrigés par Jean-Claude.
Visuels fournis par Damien et Jean-Claude.
Résumé/sommaire de l’article (cliquez sur les #liens pour accéder aux sections)
- #ExpérienceEnAuvergne – Jean-Claude Hugueny est arrivé en terre auvergnate en 2009 en tant que directeur technique chez GRDF, puis comme directeur territorial Enedis. Il identifie quatre sphères – qui vont devenir des axes – sur lesquels travailler : économique, politique, médiatique et institutionnelle/territoriale.
- #Intégration – Jean-Claude s’est intégré dans l’écosystème auvergnat en développant son réseau. Une conviction personnelle dans la promotion de l’égalité des chances, de l’insertion professionnelle et des droits des femmes lui permet de créer un partenariat exclusif avec la Ville de Clermont et le CIDFF63.
- #Évolution – Par la suite, Jean-Claude a pris des responsabilités sur la coordination Auvergne Rhône-Alpes de la Plateforme Initiative en devenant vice-président. Il est aussi devenu membre du CA de l’Espace Infos Jeunes. En s’orientant vers le côté social et jeunesse dans les entreprises, il a cherché à apporter une cohérence dans toutes ces actions : aide aux personnes défavorisées, création d’emploi, développement économique, jeunesse, femmes… Président de l’IUT et membre du CA de SIGMA, il dit : « L’IUT est une vraie passerelle vers l’emploi des jeunes que ce soit dans des entreprises ou au travers de la création d’entreprises ».
- #AméliorationsEtActions – L’idée de Cocoshaker – incubateur clermontois d’entrepreneurs sociaux – est très pertinente pour Jean-Claude; ainsi, Enedis est devenu l’un de ses premiers sponsor. Il précise : « C’est un petit monde, Clermont. On peut facilement monter des partenariats comme ça – ce qui est impossible à Paris où les relations sont beaucoup plus complexes à établir« . Par la suite, il a pris le relais de Valérie Thomas à la présidence de Cocoshaker . Sa valeur ajoutée ? Elle réside dans l’interconnexion et la cohérence de ces actions.
- #DifférencesEtDifficultés – Jean-Claude apprécie fortement la cohésion et la proximité du territoire clermontois, où il est beaucoup plus facile de créer des liens et des partenariats qu’à Paris. « Solidaires mais pas chauvins », c’est un équilibre idéal pour faire progresser les initiatives, même si la difficulté réside dans la disparité entre les nombreuses communes rurales du département.
- #Cocoshaker – Quel est le rôle de l’incubateur à Clermont? Celui de pousser les porteurs de projets dans le domaine de l’ESS à vérifier la validité de leur concept, à développer leur sens de l’entreprise pour, à la fin, créer éventuellement une structure applicative et pouvoir en vivre. Avec ses 3 années d’existence, il était jusqu’à présent plutôt centré sur la métropole. Jean-Claude Hugueny a lancé l’initiative de croître de manière raisonnable, afin de devenir la référence sur le territoire auvergnat en terme d’incubateur de l’ESS. L’action de Cocoshaker est aujourd’hui reconnue par la Région et la Métropole. Pour booster son développement territorial, l’incubateur va maintenant partir à la recherche de nouveaux partenaires publics ou privés.