Serge Berthier est physicien, professeur émérite à l’Université de Paris et Chercheur à l’Institut des NanoSciences de Paris. Il est intervenu à Clermont-Ferrand (où il a attrapé son premier papillon) -à l’invitation d’Infinisciences- pour expliquer en quoi la nature est source d’idées pour développer une société plus saine.
S’inspirer des animaux
Léonard de Vinci disait « Allez observer la nature, là est votre futur ». Une phrase qui prend plus de sens aujourd’hui. C’est ce que l’on appelle le biomimétisme. En effet, observer comment s’accrochent des animaux à certaines surfaces, comment ils créent ou reflètent de la lumière… peut permettre de développer des manières de vivre moins polluantes.
Quelques exemples
Il a ainsi été possible de développer un scotch sans produits collants. Ou encore des gants qui s’accrochent sur n’importe quelles surfaces sèches. L’inspiration vient des pattes des geckos, un reptile vivant principalement dans les forêts tropicales. Elles possèdent la faculté de s’accrocher sur des surfaces sèches. Lorsque l’on observe comment elles fonctionnent, on comprend qu’elles sont équipées de lamelles, faites de poils. Avec elles, il exerce un phénomène appelé « les forces de van der Waals ». Il s’agit d’interactions micro magnétiques, qui créent des liaisons chimiques et attirent les molécules entre elles.
Pour gérer la chaleur dans les appartements, les architectes peuvent aussi s’inspirer des termitières. Elles continuent de garder une chaleur plutôt agréable à l’intérieur (environ 27°) malgré de fortes chaleurs à l’extérieur (42°). Pourtant, leur structure n’est faite que de terre. Cela se joue par des entrées d’air frais, venant du sol, et remontant à travers la structure comme avec une cheminée. Certains bâtiments ont déjà été pensés de cette manière.
L’invention provenant d’une inspiration de la nature la plus connue, c’est le Velcro, inspiré des fruits de Bardane. Cela fonctionne avec des crochets qui se prennent dans certaines surfaces à boucle (poils, tissus) et reviennent à leur forme initiale une fois arrachés d’un support.
Serge Berthier au micro de Maël Aubert…
Piqûre de rappel
Alors qu’en 1970, nous n’avions dépassé « qu’une » limite planétaire (le flux d’azote), en 2020, nous en dépassions 3 de plus. L’acidité des océans, le réchauffement climatique et la perte de la biodiversité. La biodiversité peut se régénérer. En agissant maintenant, elle reviendra à la normale… dans 5 siècles. C’est à partir du moment où l’homme a maîtrisé le feu que différents éléments ont été surexploités et surtout non renouvellés. Donc, les matières premières se font de plus en plus rares. Il n’y a presque plus de terres rares, de semi-conducteurs ou de minerai… Il faut alors réfléchir autrement pour imaginer comment utiliser des matières abondantes qui structurent la nature sans la déstructurer.
La nanoscience, une autre façon d’apprécier la nature
Comme vu précédemment, la nanoscience permet de voir comment fonctionne le corps de différentes espèces. Comment aussi ils assurent leur survie dans la nature. Et aussi comment se conjuguent beauté et efficacité. Le papillon Morpho par exemple est pourvu de magnifiques ailes bleues auto nettoyantes, antibactériennes. Leurs couleur est sans pigment. C’est sa structure qui donne cette couleur : en réfléchissant certaines longueurs d’onde avec la disposition de ses écailles. Elles régulent aussi la température du corps, en plus d’optimiser le vol en devenant plus rigides selon les besoins. En plus, cela permet aux Morpho de communiquer entre eux et de repousser des prédateurs. Peut-être servent elles encore à d’autres choses ?
C’est à ce genre de questions que la nanoscience cherche à répondre, inépuisable source d’inspiration pour imaginer des modes de vie plus responsables.