La place de marché auvergnate, une opportunité pour les productions locales

La place de marché auvergnate, une opportunité pour les productions locales

Cet entretien est issu des propos de Pierre Desprat, recueillis lors de la table ronde du 17 novembre 2022 organisée par le CleRMa “comment les acteurs du commerce et de la distribution se réancrent sur le territoire ? » Nous y avons intégré des informations complémentaires suites à nos échanges avec l’équipe de Marque Auvergne.

Pierre Desprat, avant de nous attaquer au sujet des produits locaux, parlez-nous un peu de vous…

Je suis directeur de l’entreprise DESPRAT SAINT-VERNY qui produit principalement du vin en Auvergne. Depuis quelques semaines, je suis également le nouveau Président de la Marque Auvergne. Je préfère le dire tout de suite, je manque totalement d’objectivité quand je parle de l’Auvergne. Elle est pour moi la plus belle région, et le meilleur endroit pour vivre.

Pourquoi avoir choisi de vous présenter comme Président de la Marque Auvergne?

Comme je le disais, je suis un amoureux de l’Auvergne. Pour autant, depuis déjà de nombreuses années, on assiste à un redécoupage administratif de la France qui ne correspond pas forcément au sentiment d’appartenance des habitants des territoires. Encore plus, lorsque l’on parle de produits locaux. Il y a une différence entre les décisions administratives et les réalités sur le terrain.

D’ailleurs, lors de la fusion des régions, c’était un risque qui avait été pointé du doigt par de nombreux élus et entreprises des quatre départements. N’oublions pas qu’au départ cette grande région devait s’appeler Rhône-Alpes-Auvergne. Notre territoire s’est battu pour ne pas être relégué au second plan.

La marque Auvergne, c’est continuer à faire exister un territoire avec une histoire, des valeurs et une géographie particulières. Personnellement, c’est un défi auquel je participe depuis de nombreuses années, cette présidence n’est que la suite logique de mon engagement pour l’Auvergne.

De plus, je pense que les marques territoriales n’ont jamais eu autant d’importance aux yeux des consommateurs. Il y a une vraie appétence pour ce qui est fabriqué proche de chez nous.

Pouvez-vous nous pitcher la Marque Auvergne ?

Elle est née officiellement en 2017, mais elle s’est appuyée sur une association déjà existante et qui travaillait dans le même but : “Auvergne Nouveau Monde”. Elle a été rebaptisée marque Auvergne suite à la fusion de régions, sous l’impulsion et avec le soutien de la Région Auvergne-Rhône-Alpes. 

Notre mode de gouvernance associative et représentative est pour moi une vraie innovation en matière de  marketing territorial à l’échelle nationale. Il me semble que c’est une des rares associations aujourd’hui qui démontre que la synergie des forces entre le public et le privé est une recette qui fonctionne. À ce jour, nous avons près de 500 structures leaders adhérentes prêtes à défendre cette marque territoriale.

La marque Auvergne travaille sur 3 axes stratégiques.
Tout d’abord, elle travaille à capitaliser et renforcer notre sentiment de fierté et d’appartenance à l’Auvergne. Notre territoire mérite notre mobilisation.

Ensuite, elle travaille avec et pour les entreprises. Nous valorisons nos atouts et démontrons que nos espaces urbains et ruraux sont des territoires de projets de vie durables. Notre action participe d’une image d’innovation et d’ambition essentielle dans ce grand espace européen qu’est la région Auvergne-Rhône-Alpes. 

Et enfin, elle travaille en réseaux, avec les Auvergnats d’ici et d’ailleurs qui veulent contribuer à la réussite du territoire. C’est une forme d’influence positive, notamment à Paris. Pour ce faire, nous avons organisé plusieurs opérations dans la capitale pour communiquer sur les atouts de notre territoire et ainsi développer l’image d’une Auvergne dynamique qui réussit. Nous avons réactivé l’Auvergne Presse Club, une association qui rassemble des décideurs, originaires ou attachés à l’Auvergne, de grands médias nationaux. La multiplication des sujets positifs sur l’Auvergne sur TF1, par exemple, n’est pas tout à fait un hasard ! Nous faisons exister l’Auvergne, avec force et conviction, sur les réseaux sociaux et le web notamment. 

Pour promouvoir le made in Auvergne, vous avez développé une marketplace “Achetez en Auvergne”….

Oui. Souvenez-vous du premier confinement en 2020. Du jour au lendemain, l’économie s’est arrêtée. Très vite, nos adhérents ont pris contact avec nous pour nous faire part de leur difficulté à écouler leurs produits. Certaines enseignes de la grande distribution ont joué le jeu en mettant en rayon ces productions locales, mais ce n’était pas suffisant. Certains de nos adhérents nous ont poussés à imaginer d’autres solutions. Comme nous devions proposer une réponse qui puisse être mise en œuvre rapidement, nous nous sommes appuyés sur un outil de marketplace existant en Haute-Loire et nous l’avons décliné, en quelques semaines, à la sauce auvergnate.

Avec cette place de marché, la marque Auvergne permet à l’offre auvergnate de s’exposer et de se vendre. Une vitrine collective bien référencée sur le web pour séduire et conquérir de nouvelles clientèles.

A l’instant où je vous parle, “Achetez en Auvergne” propose déjà 4 500 produits de 170 producteurs, artisans et commerçants. En termes de gammes, on trouve des parapluies, comme des fromages, en passant par la bouteille de gentiane, les cosmétiques naturels, la lave émaillée ou encore notre incontournable coutellerie. Pour nous, c’est une merveilleuse réussite collective et commerciale, 80% de nos acheteurs sont situés hors Auvergne. 

Comment est-ce que cela fonctionne d’un point de vue opérationnel ?

Nos adhérents disposent d’un accès gratuit à cet outil de place de marché. La marque Auvergne les accompagne dans la mise en place de leur propre e-boutique. Ils ont leur code d’accès sécurisé et une url dédiée. Ce sont bien les e-commerçants qui assurent la gestion et l’animation de leur boutique. 

Par exemple, l’internaute met dans son panier 5 produits de 2 producteurs puis règle en ligne. Chacun de nos producteurs reçoit la commande sur son mail, la prépare et l’expédie à son client. L’internaute, quant à lui, ne fait qu’un paiement. A la fin du mois, l’outil reverse le chiffre d’affaires sur le compte du e-commerçant. La marque Auvergne ne prélève aucune commission. Elle pilote l’outil “Achetez en Auvergne”, assure un support technique aux e-commerçants, travaille le référencement web et conduit des campagnes digitales nationales de promotion. 

N’y a-t-il pas un risque de confusion entre la marque Auvergne et le logo de la Région-Auvergne-Rhône-Alpes? Ne serait-ce pas plus simple d’avoir un label “produits d’Auvergne” ou “produit en Auvergne” ?

Pour moi, la vraie question est « comment pouvons-nous exister dans cette grande région ? » La marque Auvergne est aujourd’hui une marque territoriale, mais je crois fortement que cette marque territoriale pourrait un jour devenir un vrai label. L’important n’est pas ce qui est écrit sur l’étiquette, mais ce que l’on met derrière. Si nous souhaitons aller vers un vrai label sans collusion avec ce qui existe,il faudra nécessairement penser à un mode opératoire concerté et lisible pour nos “consommacteurs”. Nous devrons nous interroger sur ce qui définit un produit d’Auvergne de qualité.

D’ailleurs, cela fait écho à une autre initiative débutée il y a quelques mois. Nous réalisons une grande enquête “À quel point les Auvergnats sont-ils fiers de leur territoire ?”. Une fois que l’on a dit ça, il faut analyser et parvenir à faire ressortir les particularités du territoire. C’est la même chose pour les produits vendus sur “achetez en Auvergne”. Nous devons collectivement réfléchir aux spécificités du “made in Auvergne”. Nous y travaillons, mais l’exercice prendra du temps.

Quelles sont les prochaines étapes pour la place de marché ?

Plus la place de marché se développe, plus cela nécessite de ressources. Gérer ce type d’outil prend énormément de temps et d’énergie. Si nous voulons poursuivre et développer le concept, nous devons nous structurer, penser le modèle et nous organiser pour répondre à ces nouvelles demandes toujours plus nombreuses.

D’une manière générale ; nous avons de nombreux chantiers en cours et nous devons continuer d’avancer avec toujours le même objectif, faire rayonner et gagner l’Auvergne !

À propos de Pauline Rivière

Pauline Rivière est journaliste et rédactrice en chef du média en ligne le Connecteur. Elle est en charge du choix des dossiers spéciaux mensuels. Elle développe également des outils de datavisualisation à destination de l'écosystème de l'innovation et s'intéresse à l'innovation éditoriale. Avec sa société SmartVideo Academy, elle anime différentes formations à la réalisation de vidéos (au smartphone notamment) et à l’écriture audiovisuelle. Elle intervient également dans l'Enseignement Supérieur dans le cadre de projets pédagogiques digitaux, mêlant techniques de communication et sujets d'innovation.