L’effet Dunning-Kruger ou faut-il apprendre à la fermer?

L’effet Dunning-Kruger ou faut-il apprendre à la fermer?

par Samy Lange

Samy Lange est développeur 3D … et aussi porteur d’un projet au démarrage imminent d’école d’auto-défense intellectuelle. Euristika.fr vise à apprendre à distinguer nos failles, éviter d’être manipulés, apprendre à apprendre en somme…
On est fan de l’idée, on lui a demandé de nous aider à décortiquer la formation de nos perceptions- convictions- réactions …. pour apprendre à mieux s’en distancer

『 Pour cette première chronique, mais il y en aura d’autres, Samy explique le pourquoi du comment de nos convictions si profondes qu’elles nous conduisent à affirmer parfois (souvent ?) violemment des points de vue qui ne sont que ça finalement … des points de vue. Par nature, relatifs.

Comprendre le biais cognitif. L’exemple de l’effet Dunning-Kruger

Lors d’une newsletter précédente, Le Connecteur partageait une vidéo de vulgarisation sur l’effet Dunning-Kruger. Ce biais cognitif pourrait se résumer ainsi : lorsque l’on est incompétent dans un domaine technique, social ou intellectuel, on a tendance à surestimer ses capacités dans le dit domaine, tandis que, lorsqu’on commence à y comprendre réellement quelque chose, cette confiance s’écroule durablement.
C’est après des années d’études – lorsqu’on devient expert – que l’on est enfin à mesure d’estimer ses capacités correctement et d’en parler avec assurance.
C’est somme toute assez logique : si l’on a peu de connaissances dans un domaine, comment s’évaluer par rapport à des connaissances… que l’on a pas encore !?

Pourquoi ne s’en rend-t-on pas compte que l’on est ignorant d’un sujet ?

Mais ce n’est pas cette raison purement logique qui en fait un biais. Car ne devrait-on pas se rendre compte qu’on ne sait pas ? Comme sentir l’absence de quelque chose ? Hé bien… non !

Tout d’abord parce que nous n’arrivons que rarement sans à priori sur un sujet.

En effet, depuis notre naissance, nous avons eu le temps d’amasser une somme gigantesque de stéréotypes, de croyances, et autres informations non-vérifiées. Dès qu’un nouveau thème nous est proposé, notre fidèle cerveau cherche aussitôt à remplir le vide par ce qu’il peut trouver de plus approchant dans notre expérience. Il nous donne l’impression que l’on sait. Or cette expérience peut être très subjective : Se rappelle-t-on si notre point de vue est issue d’une tribune politicienne ? D’un film populaire ? De l’avis d’un proche ? Quelle crédibilité lui donner ?

La seconde raison pour laquelle nous mésestimons notre degré de connaissance est que nous n’évaluons que très rarement notre propre façon de penser et d’apprendre de manière critique. Cette capacité, que l’on appelle la meta-cognition, c’est souvent lors des grandes crises de notre existence que l’on se met à la découvrir, condition nécessaire à la résilience. Pour d’autres, ce sera par la simple curiosité, par le biais de la philosophie, ou de la recherche scientifique, qu’ils prendront du recul sur leur façon de penser.
Cette capacité est pourtant cruciale : c’est elle qui nous permet de ne pas nous laisser enfermer dans une bulle idéologique (ou de nous détacher d’une personne toxique ou d’une addiction), en allant à l’encontre de nos biais et de nos habitudes.

Conséquences de notre ignorance ? L’empoisonnement.

En conséquence de l’effet Dunning-Kruger et de nombreux autres biais cognitifs, nous communiquons malgré nous des informations fausses ou partielles aux autres.

Petit problème : si chaque citoyen partage avec assurance des idées fausses ou incomplètes sur des domaines qu’il ne maîtrise pas, cela ne revient-il pas à empoisonner notre société de manière généralisée ?

Alors, faut-il se taire ?

Ne peut-on plus parler de rien ? Rassurez-vous, cela ne sera pas nécessaire ! Il est tout à fait possible de continuer à s’exprimer sur la plupart des sujets.

Être conditionnel !

Face à légèreté de l’affirmation péremptoire, préférons utiliser une richesse inexploitée de notre langue souvent oublié: le conditionnel !
Au lieu de dire « une étude a prouvé que », disons plutôt « Un journaliste a dit que … d’après un article scientifique qui montrerait que… ».

C’est difficile ? Alors cela doit vous faire réfléchir sur votre manière de communiquer. Est-ce qu’affirmer à coup sûr vous rassure ? Avez-vous besoin que votre parole soit « sexy » pour plaire aux autres ? Ou cherchez-vous à compenser une menace ressentie d’un « camp adverse » ?

Mieux jauger l’information

Avant de s’exprimer, il faut aussi savoir jauger l’information. Ceux qui ont bien lu l’introduction diront « ils suffit d’écouter les experts ! ». Mais quels experts ? Ceux de l’IHU Méditerranée ou ceux de The Lancet ? Celui d’un médecin ou de son collègue ? Même lorsqu’on ne fait que répéter une parole d’expert, nous jouons par ignorance. Nous donnons autorité à une personne, mais nous n’en savons pas plus nous-même.

Pour ne pas se laisser piéger, il faut donc avant tout acquérir des outils mentaux pour remonter le fil de l’information, vérifier la cohérence des faits, sans se faire manipuler par les autres… ni par soi-même ! Des outils d’autodéfense intellectuelle pour nous aider à prendre du recul, pour utiliser cette fameuse meta-cognition dont on parlait précédemment.

Or, ces outils existent depuis longtemps ! Ils sont utilisés quotidiennement par les scientifiques (méthodes scientifiques), journalistes (méthodes journalistiques) et philosophes (philosophie logique, épistémologie). Lorsque ces savoir-faire disparates sont utilisés ensemble pour débusquer les fausses informations ou les pseudo-sciences, on les regroupe sous le terme de Zététique (l’art de douter, ou le savoir-faire pour retrouver la vérité).

Il ne tient qu’à nous, citoyens, de nous en emparer !


Au Connecteur, nous avons réécrit notre Manifeste.
Un Manifeste, c’est l’expression de la raison d’être.
La raison d’être du Connecteur, c’est l’innovation et le lien. Mais pourquoi faire ?
Notre raison d’être, c’est de contribuer à un développement harmonieux de nos territoires. Et notre parti pris, notre conviction c’est qu’il faut casser nos bulles parce qu’innover, c’est se confronter à la diversité, la divergence, l’altérité. C’est développer nos capacités à écouter.
Et chacun le sait, c’est dur. C’est là qu’intervient Samy Lange.

À propos de Véronique Jal

Ma ligne guide depuis 15 ans, c'est le management de projets collectifs à fort "sens ajouté" : les fromages AOP, les hébergements touristiques, la démarche d'attractivité d'une région... et aujourd'hui l'innovation territoriale via un média associatif Toulousaine d'origine, j'ai découvert et choisi l'Auvergne que mon parcours pro m'a amenée à connaître sous plein de facettes. J'adore cette activité qui nous permet d'être en situation permanente de découverte.