Le réchauffement, le changement ou le dérèglement climatique : il existe diverses manières de nommer le problème du siècle. Celui qui est sur toutes les lèvres mais dont la solution varie. Il est clair que plus personne ne peut détourner les yeux de la pollution humaine et, bien que ce soit encore insuffisant, de nombreuses initiatives sont aujourd’hui mises en place pour essayer d’inverser la tendance. Mais qu’en est-il de la visibilité ? C’est ce qu’aborde la table ronde de Déborah Adoh le 25 mars 2025 sous le prisme de l’écologie et des médias au KAP Learning de Clermont-Ferrand.
L’influence des médias dans nos sociétés
Les médias font partie de notre vie quotidienne, ils permettent de nous informer et de nous forger une opinion. Dans la continuité de la conférence Médias et émotions présentée également par Déborah Adoh, on peut voir que le monde médiatique peut influencer les lecteurs en leur faisant ressentir plusieurs émotions différentes. Cette influence peut avoir des conséquences sur différents aspects de notre vie. Qu’ils soient démocratiques, économiques ou bien écologiques. La neutralité journalistique devient dès lors essentielle pour éviter de biaiser l’opinion de tous.
Néanmoins, l’évolution fulgurante des moyens de communication apporte des conséquences non négligeables sur le travail du journaliste, qui essaie de tout faire pour rester dans la course. Les journaux vont dès lors, en majorité, mettre en avant les informations les plus « spectaculaires » au détriment de l’actualité plus sérieuse. Ainsi, les sujets écologiques sont généralement écartés des unes médiatiques.
Une spectacularisation de l’actualité freinant la visibilité du sujet dans les médias.
Si on se base sur les chiffres, le constat est sans appel. Sur les trois crises environnementales majeures (biodiversité, changement climatique, ressources naturelles), seuls 3,7 % de ces sujets sont traités par les médias. C’est le résultat du sondage fait par l’Observatoire des médias sur l’écologie. Ainsi, il est démontré que seuls les sujets apportant de la visibilité sont vraiment traités. On ne parle par exemple que des inondations en Ardèche ou à Valence, ou bien du tremblement de terre en Birmanie, mais très rarement de sujets écologiques généraux.
Ce sondage, mis en avant dans la conférence, nous confirme une tendance des médias à choisir en grande majorité des sujets qui intéressent le plus grand nombre. Pourtant, de nombreuses études ont démontré que l’éducation est un facteur clé de la lutte pour l’écologie. C’est le cas des enquêtes PISA et World Values Survey menées entre 2005 et 2012, qui ont démontré qu’un niveau d’éducation plus élevé sur les sujets écologiques améliore la compréhension des enjeux climatiques et aiderait les personnes instruites à adopter des comportements en faveur de l’environnement. Pour autant, les médias ne sont pas complètement fautifs, l’aspect scientifique doit être étudié pour bien appréhender ce problème.
Une collaboration étroite entre journaliste et scientifique
Même si cela semble échapper à certaines personnes, les scientifiques sont indispensables pour mesurer et comprendre l’impact de la pollution sur notre planète. Sans eux, il est impossible de prévoir les risques et d’organiser la lutte contre le changement climatique. La recherche scientifique semble dès lors de plus en plus indispensables dans un monde où 38% des Français se déclarent climatosceptiques (ADEME). Pour autant, au-delà des experts et des politiques qui prennent les mesures qu’ils jugent nécessaires, nous avons vu que le public doit pouvoir lui aussi comprendre et appréhender ces enjeux.
Néanmoins, actuellement, pour la majorité d’entre nous, y compris les journalistes, ces travaux scientifiques sont incompréhensibles. Et c’est là qu’est le nerf du problème : si on ne peut pas comprendre ce qu’essaient de démontrer les scientifiques sur ces questions, on ne peut pas agir, changer nos comportements, ni sensibiliser le plus grand nombre.
C’est justement ce que met en avant Stéphane Herbette, enseignant-chercheur à l’Université de Clermont-Auvergne et présent à cette conférence. Étudiant la résistance des arbres à la sécheresse, il s’est très vite rendu compte que les journalistes qui l’interrogent posent des questions larges, ne rentrant pas dans les détails des travaux qu’il traite. Il devient pour lui, mais aussi pour d’autres scientifiques, dès lors très compliqué d’expliquer simplement un sujet à la base complexe.
L’enseignant-chercheur exprime ainsi le souhait de collaborer avec les journalistes pour qu’ils ne déforment pas leurs propos et puissent eux-mêmes comprendre et faire comprendre le sujet qu’il étudie.
La vulgarisation scientifique, clé de voûte de la sensibilisation écologique
Pour tenter de pallier ce problème, certains tentent du mieux qu’ils peuvent de vulgariser les travaux de ces chercheurs. C’est le cas de Clémentine Beaudoux, présente aussi à cette table ronde. Coordinatrice pour le portail de culture scientifique de l’Université Clermont-Auvergne Puy de Sciences l’objectif de cette plateforme est de rendre plus accessible l’information issue des chercheurs auvergnats. Dans son travail de vulgarisation, elle explique la difficulté de ce processus, qui peut freiner certains journalistes. En effet, elle nous partage le travail ardu auquel elle fait face pour restituer l’information exacte du scientifique sans déformer ses dires, tout en apportant les définitions nécessaires pour que le public comprenne le sujet traité. L’objectif premier est donc de simplifier sans altérer les informations fournies par le chercheur.
Dans une autre approche, d’autres journalistes se forment. Ainsi, Romy Ho-a-Chuck, journaliste travaillant pour France 3 Auvergne, a décidé de suivre un Master Climat et Médias à l’université Paris Saclay pour pouvoir mieux comprendre ces sujets cruciaux. Ce master permet d’apprendre aux journalistes à comprendre et traiter une information scientifique pour la retranscrire aux lecteurs de manière fidèle. Elle est aujourd’hui la seule dans sa rédaction à avoir suivi ce type de formation et est devenue, d’une certaine manière, la référente sur ces thèmes.
Ceci démontre une chose, il y a encore beaucoup de travail à faire au sein des médias. Les journalistes doivent travailler en étroite collaboration avec les scientifiques pour faire de l’éducation auprès du plus grand nombre. S’éduquer avant d’éduquer. L’enjeux est primordial, une plus grande conscience collective du changement climatique pourrait, à moyen terme, changer la donne dans la lutte contre le réchauffement climatique.