L’Université Clermont Auvergne à la conquête de l’Europe

 L’Université Clermont Auvergne à la conquête de l’Europe

L’Université Clermont Auvergne (UCA) aspire à renforcer son rayonnement en Europe, en s’appuyant sur une stratégie ambitieuse et structurée. Marie-Elisabeth Baudoin, Vice-Présidente Stratégie Internationale et Européenne, nous éclaire sur les grandes lignes de cette vision. Forte de son parcours riche en expériences internationales, elle dévoile les mesures prises pour inscrire durablement l’UCA dans le paysage universitaire global, tout en mettant en avant les valeurs de durabilité et d’inclusion.

Racontez-nous votre parcours professionnel

Marie-Elisabeth Baudoin : Je suis née à Clermont-Ferrand et dès mon enfance, je me suis intéressée à un pays en particulier : la Russie. J’ai commencé à apprendre le russe à partir de 11 ans par le CNED. Plus tard, j’ai découvert la littérature et la civilisation russes, ce qui m’a également conduit à appréhender les enjeux géopolitiques.

Après le bac, je me suis orientée vers une licence puis une maîtrise de civilisation russe. En intégrant l’Institut d’Études Politiques de Lyon, j’ai pu élargir mes horizons au-delà du monde russe et slave, m’intéressant plus globalement aux enjeux internationaux.

J’ai ensuite poursuivi mes études en droit public. C’est ce qui m’a conduit à réaliser une thèse sur la justice constitutionnelle dans l’espace post-soviétique. Je suis devenue maître de conférences en droit public à l’Université Clermont Auvergne. Du point de vue de la recherche, je continue de travailler sur le droit russe et l’Europe de l’Est. Au-delà de la justice constitutionnelle, mes travaux portent également aujourd’hui sur la diffusion des standards européens en matière de droits de l’homme et sur l’Etat de droit à l’Est de l’Europe.

Comment en êtes-vous arrivée à occuper le poste de Vice-Présidente Stratégie Internationale et Europe à l’Université Clermont Auvergne ?

Marie-Elisabeth Baudoin : Je suis intimement convaincue qu’étudier à l’étranger et rencontrer des collègues étrangers offrent une source infinie d’enrichissement intellectuel et personnel. C’est ce qui m’a conduit à m’intéresser toujours plus aux relations internationales. J’ai naturellement accepté différentes missions au cours de ma carrière. Lorsque j’étais doctorante, j’étais chargée des relations avec les pays anglo-saxons. Puis, une fois recrutée à l’Ecole de droit, je suis devenue Vice-Doyen en charge des relations internationales et co-directrice du Master Carrières internationales. Il y a trois ans, le président de l’UCA m’a sollicitée pour occuper la fonction de Vice-Présidente Stratégie Internationale et Européenne.

Pouvez-vous nous expliquer comment a été construite la stratégie internationale et européenne de l’Université ?

Marie-Elisabeth Baudoin : Nous nous sommes appuyés sur les remarques formulées par le jury en charge de la labellisation I-SITE. Ce label encourage et reconnaît les projets universitaires visant à renforcer l’excellence académique et la compétitivité internationale des établissements d’enseignement supérieur et de recherche. Le jury avait souligné que de nombreuses initiatives étaient entreprises à l’international, mais qu’elles manquaient toutefois de lisibilité.

Nous avons donc travaillé pour élaborer une stratégie d’internationalisation qui s’inscrive pleinement dans le cadre du projet I-SITE. La thématique retenue était : “Concevoir des modèles de vie et de production durables”. Cette stratégie a été présentée au jury international I-SITE en janvier 2022. Nous avons été très heureux d’apprendre la labellisation définitive de notre projet I-SITE en mars 2022.

Quelles sont donc les grandes lignes de la stratégie Europe et Internationale de l’Université Clermont Auvergne ? ?

Nous visons à inscrire notre université dans le paysage universitaire national et international, tant au niveau de la formation que de la recherche. Pour ce faire, nous avons décidé de baser notre stratégie sur trois axes structurants avec des objectifs clairs :

  1. Faire reconnaître l’UCA en Europe et dans le monde comme un site universitaire d’excellence notamment dans les domaines identifiés par le projet I-SITE.
  2. Offrir à nos étudiants des opportunités d’études et d’emplois à l’échelle internationale.
  3. S’inscrire dans une tradition universaliste et humaniste d’accueil, d’inclusion et d’ouverture au monde.

Comment cela se met-il en œuvre de manière opérationnelle ? Comment incarner cette volonté de rendre l’université plus visible ?

Marie-Elisabeth Baudoin : Pour atteindre ces trois objectifs, nous avons identifié trois axes prioritaires.
Le premier axe est l’Europe. Nous souhaitons que l’UCA soit reconnue comme une université de dimension européenne. Plutôt que d’avoir des partenariats diffus et peu structurés, nous voulons consolider certains partenariats clés. 
Par exemple, nous avons répondu à un appel à projets de la Commission européenne sur les universités européennes. Nous avons monté un consortium avec sept autres universités en Allemagne, Belgique, Grèce, Estonie, Norvège, Roumanie et Italie. 

Ce projet, se nomme « ARTEMIS » (Alliance for a Regional Transition, Equality, Mobility, Inclusion, and Sustainability). Il se concentre sur la thématique de la mobilité au sens large, incluant non seulement les mobilités physiques mais aussi celles des idées et des personnes en Europe, abordant des questions comme les migrations et la santé.

Grâce à ce consortium, nous pouvons créer des projets de formation pour les étudiants et porter collectivement des projets de recherche. Nous attendons les résultats pour obtenir le label d’université européenne, mais le consortium ARTEMIS est déjà actif. Cette année, nous avons monté trois programmes de courte durée et développé des COIL (Collaborative Online International Learning), des modules de cours co-enseignés par des professeurs de deux ou trois universités différentes.
Cette initiative concerne également le personnel administratif, tels que par exemple les collègues des services informatiques ou encore de la scolarité. C’est cela l’Europe de demain : des communautés qui travaillent ensemble pour mieux accueillir les étudiants et les enseignants-chercheurs.

Vous avez également mentionné l’excellence dans certains domaines spécifiques ?

Marie-Elisabeth Baudoin : Nous avons réalisé que notre expertise scientifique dans les risques catastrophiques et les vulnérabilités associées nous permettait de rayonner. Nous avons élargi cette expertise au développement durable au sens large, conformément à l’Agenda onusien 2030. Nous voulons que toutes nos expertises soient identifiées et mises à disposition pour former des étudiants et des cadres internationaux, futurs décideurs d’un développement humain et durable. C’est le second axe de notre stratégie internationale. A titre d’exemple, au niveau de la recherche, nos équipes participent aux travaux des instances internationales comme le FMI. De plus, le Global Development Network (GDN) s’est installé à Clermont-Ferrand, reconnaissant notre expertise.

Enfin, nous sommes profondément ancrés dans notre territoire et c’est pour cela que le troisième axe de notre stratégie internationale repose sur l’intégration de l’UCA dans les réseaux territoriaux de coopération internationale. Nous collaborons notamment avec des réseaux comme le Centre Jacques Cartier et le réseau des villes Michelin, travaillant maintenant étroitement avec la ville de Clermont-Ferrand pour développer le volet universitaire.

Pouvez-vous nous parler brièvement du nouveau dispositif Cap Europe pour l’UCA ?

Marie-Elisabeth Baudoin : Nous avions déjà une cellule Europe sur le site clermontois pour soutenir le montage de projets européens. Afin de renforcer notre capacité d’action, nous avons candidaté à un appel à projet pour augmenter les moyens humains en ingénierie de projets européens.

Nous ne voulons plus seulement être partenaires de projets européens, mais également en être porteurs et coordinateurs. 

Avec Cap Europe, nous avons élargi le champ d’action du service pour ajouter aux projets de recherche européens déjà pris en charge, les projets de formation complexes à monter comme les Erasmus Mundus par exemple. Ce type de projet implique au moins trois partenaires et a vocation à rayonner à travers le monde. Il a pour objectif d’accueillir des étudiants venant du monde entier et plus seulement des universités partenaires européennes.

Intervieweur : Quelle est votre vision de l’Université Clermont Auvergne intégrée dans l’Europe à l’horizon 2050 ?

Marie-Elisabeth Baudoin : En 2050, je vois une université où les barrières administratives sont éliminées, notamment celles concernant la mobilité. Les étudiants ne se demanderaient plus s’ils peuvent passer un semestre en Grèce ou en Allemagne, ce serait un réflexe naturel. Ils pourraient circuler librement, se former, et faire des stages sans complications.

Aujourd’hui, Erasmus est formidable, mais des obstacles subsistent. Les crédits acquis à l’étranger ne sont pas toujours reconnus en raison de réglementations nationales. Par exemple, les Allemands ne reconnaissent pas toujours les modules suivis en France. Pour surmonter ces freins, nous collaborons avec nos institutions partenaires notamment dans le cadre du consortium ARTEMIS. La mobilité du personnel administratif est également cruciale, favorisant l’interculturalité. 

La DRIF (Direction des Relations Internationales et de la Francophonie) a mis en place des initiatives comme les « Welcome Days » pour faciliter l’arrivée à Clermont-Ferrand des étudiants et des enseignants-chercheurs internationaux. Elle œuvre actuellement à la mise en place d’un projet de « Welcome Desk » qui sera un guichet unique d’accueil. Cela fait partie des chantiers prioritaires.

En 2050, je souhaite que notre université soit un modèle d’intégration européenne où chaque membre de la communauté universitaire puisse vivre une expérience européenne inoubliable sans les contraintes actuelles.

À propos de Pauline Rivière

Pauline Rivière est journaliste et rédactrice en chef du média en ligne le Connecteur. Elle est en charge du choix des dossiers spéciaux mensuels. Elle développe également des outils de datavisualisation à destination de l'écosystème de l'innovation et s'intéresse à l'innovation éditoriale. Avec sa société SmartVideo Academy, elle anime différentes formations à la réalisation de vidéos (au smartphone notamment) et à l’écriture audiovisuelle. Elle intervient également dans l'Enseignement Supérieur dans le cadre de projets pédagogiques digitaux, mêlant techniques de communication et sujets d'innovation.