Malick Dine, la protection comme passion

Malick Dine, la protection comme passion

Malick Dine est le fondateur de Dine 63 Protection Sécurité, entreprise de sécurité basée à Clermont-Ferrand. Originaire du quartier Les Pistes, Malik est un bosseur, qui un jour a décidé de sauter le pas et de créer son entreprise. Être entrepreneur aujourd’hui c’est passer par des étapes d’espoir, de doutes, d’inattendu. Être entrepreneur aujourd’hui c’est garder la foi en toutes circonstances. 
Rencontre avec un chef d’entreprise qui n’a pas peur d’en découdre.

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Malick, tu es aujourd’hui dirigeant d’une entreprise de sécurité. Raconte nous comment tu en es arrivé là ?

Je suis béninois et j’ai effectué mon parcours scolaire jusqu’en seconde à Cotonou. Je suis arrivé en France peu après. J’ai travaillé en intérimaire dans le BTP pendant de nombreuses années. Le problème c’est que dans le bâtiment, en hiver il n’y a pas de travail.
J’avais déjà eu quelques expériences dans la sécurité et cela me plaisait beaucoup. J’avais identifié une formation de deux mois à Cusset. Compte-tenu de ma période d’inactivité en hiver c’était jouable. J’en ai profité pour faire cette formation et obtenir ma carte professionnelle d’agent de sécurité.

crédit photos : Dine 63 Protection

C’est là que tu as arrêté le bâtiment pour te consacrer à la sécurité ?

Pas du tout. Au départ je continuais la semaine dans le BTP et j’arrondissais mes fins de mois en travaillant pour une entreprise de sécurité le dimanche. Ça m’a permis de mettre du beurre dans les épinards mais surtout de commencer à épargner.
Au fur et à mesure  que le temps passait, je me sentais de moins en moins bien en interim. Je ressentais une sorte de discrimination. En 7 ans, je n’avais pas évolué bien que je sois embauché par la même entreprise à chaque fois. Intérieurement j’étais blessé.

Comment s’est faite la transition ?

J’ai pu trouver un contrat TNT, du tri de colis tous les jours de 18h00 à 21h00. Même si je suis travailleur ça devenait compliqué de cumuler l’interim, le dimanche et le nouveau contrat. J’ai décidé de laisser tomber le BTP mais j’ai vu rapidement mes revenus mensuels baisser.
En 2014, j’ai choisi de me concentrer sur l’activité de sécurité. J’ai eu plusieurs employeurs avant de contractualiser avec une grande entreprise. En plus de cet emploi, je continuais avec TNT et toujours le dimanche.
De la même manière, j’ai du me rendre à l’évidence, je ne pouvais  pas continuer comme cela. J’ai donc cessé mon activité avec TNT.

Donc tout allait pour le mieux ? Un CDI et le beurre dans les épinards le dimanche…

La sécurité a un mode de fonctionnement particulier.  La société dans laquelle je travaillais a perdu le contrat qui la liait à une grande enseigne. Ce fut une véritable zone de turbulences pour moi.
De par la loi, l’enseigne était dans l’obligation de reprendre 75% des salariés. Il était entendu que je serais repris par la nouvelle entreprise de sécurité. 
Cependant mon entreprise a tardé à faire les démarches administratives. C’était clairement de la mauvaise volonté de leur part. Le délai de passation est passé et du coup l’enseigne n’avait plus aucune obligation envers moi. Mon entreprise nous a ensuite proposé une relocalisation à Lyon ou à Saint-Etienne. J’avais mes enfants sur Clermont-Ferrand c’était impossible.
Ils ont considéré qu’ils avaient fait une offre valable et qu’ils pouvaient nous licencier pour refus de mobilité.
J’ai vraiment eu le sentiment avec les trois autres collègues dans la même situation que l’entreprise cherchait à nous berner, à se débarrasser des nous à moindre frais. Nous sommes partis aux prud’hommes mais en attendant il fallait que je retrouve une activité.

Et c’est donc là que tout bascule

Suite à cette expérience désastreuse, j’avais déjà dans un coin de ma tête l’idée de me mettre à mon compte pour ne plus avoir à subir des situations de ce genre. Un jour, un peu par hasard lors d’une porte ouverte à la CCI je suis tombé sur un prospectus de l’ADIE, spécialisé dans l’aide à la création d’entreprise. C’était en 2016. J’ai pris rendez-vous et j’ai rencontré Bénédicte Carel. J’avais besoin de savoir s’ils pouvaient financer des formations.
J’avais certes un peu de réserve mais pas assez. La formation, « CQP Dirigeant » obligatoire pour exercer, coûtait plus de 5000 euros. Elle durait trois mois et était basée à Lyon. Il fallait y aller pendant quatre jours toutes les deux semaines. Il y avait donc beaucoup de frais à prendre en considération.
L’ADIE m’a proposé un prêt qui, avec mon épargne m’a permis de financer la formation. Sans ce prêt, rien n’aurait été possible.

Et alors tu as eu ton diplôme, il ne te restait plus qu’à te lancer ….

J’ai eu mon diplôme fin août 2016. Je me suis rendue à la CCI pour connaître les démarches pour la création d’entreprise, mais j’hésitais…
Je ne me sentais pas à la hauteur.  Je voyais les dépenses qui m’attendaient. Il faudrait de la publicité, être présent sur les réseaux sociaux alors que je ne maitrisais pas bien l’informatique. Il fallait faire du démarchage commercial… J’ai évalué les coûts. L’ADIE était à mes côtés mais j’avais peur du risque financier.

Alors comment as-tu géré ?

Avant de sauter le pas, j’ai passé des coups de fils à des entreprises pour savoir si elles seraient intéressées par mes services. Après plusieurs semaines, je n’ai eu aucun retour positif. J’ai failli abandonner.
Dans la sécurité on ne peut pas être auto-entrepreneur. Il faut nécessairement créer une SARL, et donc ouvrir un compte. Mais je n’avais pas de trésorerie. C’était une période très compliquée.

Comment as-tu surmonté cette étape ?

J’ai eu la chance de rencontrer Patrick Dumas, qui avait une société de gardiennage. Je ne me sentais pas les épaules pour me lancer seul. Je suis devenu sous-traitant. J’ai décroché deux contrats très rapidement et d’autres ont suivi. Cela m’a rassuré. Je suis retourné voir l’ADIE pour financer mon capital social. J’ai ainsi pu ouvrir un compte bancaire. Dine 63 Protection Sécurité était née.

Lancer son entreprise officiellement c’est une chose, mais après il faut développer son chiffre d’affaires. Quelle a été ta stratégie ?

Au départ j’ai tout fait moi-même. J’ai démarché des entreprises de sécurité qui travaillaient sur tous les territoires. J’étais opérationnel 24/24 et 7 jours sur 7.
Je me souviens d’un cambriolage d’une maison où j’ai passé 72 heures dans ma voiture devant le domicile en attendant le retour du propriétaire. C’était éprouvant.
D’un point de vue commercial, j’ai engagé des frais pour me faire référencer sur les pages jaunes, pour créer un site internet, pour les assurances et tout ce qui permettait de développer mon activité.
Petit à petit avec l’augmentation du nombre de contrats, j’ai commencé à embaucher des salariés en CDD.
La première année d’exercice était vraiment très bien. En 2018, le chiffre d’affaires a continué à augmenter. J’ai eu jusqu’à treize salariés.

Crédit photos : La Montagne

Tu as été lauréat du concours Ouvre-Boite en 2016. C’est une belle récompense pour un entrepreneur….

Il faut encore une fois que je remercie l’ADIE pour cela. C’est Bénédicte qui m’a parlé de ce concours. J’ai déposé ma candidature et j’ai été retenu. Les 1500 euros ont été injectés dans la trésorerie et j’ai pu investir dans du nouveau matériel promotionnel

Tu en es à ta troisième  année. Qu’est ce qui te rend le plus fier ?

Je ne suis pas encore très fier de moi. Il faut que je travaille à stabiliser les recettes. Il y a une haute et une basse saison dans la sécurité.  Je dois parvenir à trouver des contrats même hors saison.
Pour y arriver, je fais beaucoup de recherches sur internet, je démarche par téléphone.
Il faut toujours être en quête de nouveaux prospects et développer son réseau.

Être à son compte, il y a des avantages et des inconvénients…

Le principal inconvénient c’est le niveau de stress. On se demande toujours si l’activité sera bonne le mois prochain. On ne sait pas de quoi demain sera fait.
A l’inverse, être son propre patron c’est aussi décider son organisation de travail. Si un jour je veux commencer à 9 heures, je le fais. Si je veux prendre une journée de repos, je choisis.
J’essaie d’être juste envers mes salariés et de partager le travail. Je vais en faire une partie mais même par temps calme j’essaie de répartir les heures pour que chacun puisse avoir un revenu.
Un autre point important. Je pense qu’il faut garder le contact avec le terrain. Certains chefs d’entreprises choisissent de rester derrière leur bureau et ne veulent plus faire de l’opérationnel, être « agent ». Ce n’est pas mon genre.

Qu’est-ce que tu dis quand tu rencontres  des personnes qui souhaiteraient se mettre à leur compte, devenir entrepreneur ?

Il faut être sûr de son projet. Il faut être sérieux. Pour débuter on a besoin de micro-financement mais ce n’est pas une subvention. Faire un prêt c’est important mais il faut veiller à ne pas se surendetter pour être en capacité de rembourser.
Lorsque certains jeunes des quartiers me demandent comment j’ai fait je leur réponds qu’être patron ce n’est pas facile tous les jours mais que ça vaut le coup. Je leur dis surtout d’être honnête et de ne pas confondre capital, chiffre d’affaires et bénéfices. Beaucoup de jeunes entrepreneurs font cette erreur.

Dernière question. Tu ne regrettes pas le confort du salariat parfois ?

Je ne regrette pas du tout. Si c’était à refaire, je recommencerai. D’ailleurs ma fille qui a aujourd’hui 16 ans souhaite travailler rapidement. Même si je n’ai pas de gros moyens, je vais l’aider pour qu’elle se mette à son compte, pour qu’elle devienne son propre patron.

Etre patron c’est avoir les mains sur le guidon et déterminer la direction.

Pour en savoir plus
www.63-protection-securite.fr

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À propos de Pauline Rivière

Pauline Rivière est journaliste et rédactrice en chef du média en ligne le Connecteur. Elle est en charge du choix des dossiers spéciaux mensuels. Elle développe également des outils de datavisualisation à destination de l'écosystème de l'innovation et s'intéresse à l'innovation éditoriale. Avec sa société SmartVideo Academy, elle anime différentes formations à la réalisation de vidéos (au smartphone notamment) et à l’écriture audiovisuelle. Elle intervient également dans l'Enseignement Supérieur dans le cadre de projets pédagogiques digitaux, mêlant techniques de communication et sujets d'innovation.