Le Dr Martine Duclos est médecin endocrinologue diabétologue et physiologiste. Elle dirige un service de médecine du sport au CHU de Clermont-Ferrand ainsi q’une activité de recherche au sein de l’UCA, au laboratoire CRNH. En 2015, elle crée l’Observatoire National de l’activité physique et de la sédentarité. Elle est impliquée dans des commissions scientifiques et dans plusieurs projets de recherche européens sur les déterminants de l’activité physique et la sédentarité.
“L’inactivité physique est un tueur sournois. C’est la première cause de mortalité évitable dans le monde. Elle tue actuellement plus que le tabagisme. En Europe ce sont 500 000 décès qui pourraient être évités si l’on pratiquait les 150 minutes d’activité physique par semaine qui sont recommandées.”
Voici comment débute la conférence proposée dans le cadre d’Orbimob par le Dr Duclos. Un tour d’horizon des dernières connaissances et découvertes en la matière.
Il y a souvent des confusions lorsque l’on utilise le mot activité physique
Voici la définition de l’activité physique : “tout mouvement produit par la contraction des muscles qui va entraîner une augmentation de la dépense énergétique au-dessus de la dépense de repos.” En d’autres termes, dès que vous êtes debout et que vous commencez à bouger, vous faites de l’activité physique.
Vous pouvez faire de l’activité physique dans quatre domaines de votre vie :
▪️ lors des activités professionnelles,
▪️ lors des déplacements pour aller d’un point a à un point b et que vous utilisez la marche à pied ou le vélo
▪️ dans le cadre de la vie domestique : c’est le cas du ménage
lors des activités de loisirs (sport, le jardinage et bricolage …)
Pour ce qui est de “l’inactivité physique” : c’est quand on a un niveau d’activité physique qui est inférieur au niveau d’activité physique recommandé pour la santé. C’est à dire moins de 150 minutes par semaine pour les adultes et moins d’une heure par jour pour les enfants et les adolescents
La sédentarité induit une surmortalité
Des études récentes ont mesuré le taux de sédentarité grâce à des capteurs de mouvements, appelés accéléromètres. Lorsque l’on compare des gens qui passent 7h30 assis par jour, à ceux qui passent 8h30 assis, leur mortalité est augmentée de 28%.
Plus on passe de temps assis, plus la mortalité augmente. Ainsi avec 9h30 assis par jour c’est + 71% par rapport à 7h30 par jour.
Les deux plus grandes causes de mortalité en france sont :
▪️ la mortalité cardiovasculaire,
▪️ la mortalité par cancer
Cette mortalité est observées même si vous avez un niveau d’activité physique qui correspond aux recommandations.
Alors pourquoi est-ce que la sédentarité est un facteur de mortalité précoce ?
“On pense à tort que si l’on fait plus d’activité physique que les 150 minutes recommandées par semaine, on compense les méfaits de la sédentarité… »
Dr Martine Duclos
Une étude qui portait sur un million de sujets a voulu essayer de répondre à cette question : La sédentarité est-elle un facteur de mortalité précoce ?
Il y avait quatre groupes de sujets
▪️ ceux qui faisaient de 5min/jour d’activité physique
▪️ ceux qui faisaient les recommandations 30 min/jour
▪️ ceux qui faisaient 2X les recommandations, soit 1h/jour
▪️ et enfin un groupe de sujets qui faisait 3X les recommandations, soit 1h/jour.
Au sein de chaque groupe, ils étaient répartis en fonction du temps passé assis
▪️4 heures par jour
▪️4 à 6 heures
▪️6 à 8 heures
▪️plus de 8 heures passées assis par jour
Les résultats nous apprennent que pour que l’activité physique compense les effets de la sédentarité, il faut faire au moins 1h30 d’activité physique tous les jours. Ce qui est loin d’être le cas en France.
Un tout petit peu d’activité physique, c’est quand même déjà beaucoup
Lorsque l’on fait 15 minutes d’activité physique tous les jours, on a une diminution de la mortalité de 20%.
On retrouve les mêmes résultats que l’on ait 20, 40, ou 70 ans et, c’est aussi efficace chez les hommes que chez les femmes, que l’on soit en bonne santé ou que l’on ait une maladie chronique.
Une nutrition équilibrée diminue encore le risque de mortalité. Elle permet de prévenir :
▪️les maladies cardiovasculaires,
▪️l’obésité,
▪️le diabète de type 2,
▪️les maladies ostéo-articulaires,
▪️le risque de maladies neuro-dégénératives
Chez l’enfant, on a exactement les mêmes effets. On sait maintenant que l’activité physique augmente les performances académiques chez les enfants et les adolescents, et ceci quel que soit le niveau socio-économique.
On sait qu’actuellement l’activité physique seule, prévient 30% des malades d’Alzheimer et 15% des malades de Parkinson
Dr Martine Duclos
70 % des français ne suivent pas les recommandations
Tous les dix ans, Santé Publique France réalise l’étude Esteban grâce notamment à des questionnaires.
Pour synthétiser, 50% des français déclarent suivre les recommandations d’activité physique.
Pourtant, lorsque l’on mesure avec des capteurs de mouvements, ce sont seulement 30% des adultes qui atteignent les recommandations d’activité physique.
La sédentarité nous coûte très cher. En France, cela représente 1,25 milliards par an, et, en Europe 80 milliards. Ce montant est d’ailleurs largement sous-estimé car il ne comptabilise pas toutes les maladies chroniques.
Une reconnaissance de l’expertise auvergnate
Le projet Cap 20-25 du programme I-site (Initiatives – Science – Innovation –Territoires – Economie), travaille sur le sujet à travers le challenge 3 : « mobilité humaine personnalisé pour une meilleure santé ».
L’objectif est de favoriser l’activité physique dans tous les moments de la vie à tous les âges.
« Vichy a été très dynamique sur ce sujet. On voit naitre de nombreux projets de signalétiques pour favoriser les mobilités actives et douces, des projets pour promouvoir l’activité physique à tous les âges. En zone centrale il y a un city lab où la population peut venir s’informer sur ce qui existe autour de la mobilité et de la santé » conclue le Dr Duclos.
A quoi ressemble un projet I-Site ? A Vichy et à Lyon, deux écoles ont mis place des vélos-bureaux, permettant ainsi de lutter contre la sédentarité et d’avoir une activité physique à l’école.
Alors comment diminuer la sédentarité lorsque l’on passe 8 heures par jours assis à son bureau ?
C’est très simple.
▪️D’abord, il faut penser à se lever toutes les heures, au moins une minute. Pendant cette minute, il faut bouger, la marche ou le classement de papier suffit, on peut aussi faire quelques mouvements d’étirements.
▪️Ensuite, il faut avoir une activité physique de la vie quotidienne. On peut utiliser les escaliers, les transports actifs comme le vélo et la marche à pied…
En cette période de confinement ces recommandations tombent à point nommé.
Cet article est une synthèse partielle du l’intervention du Dr Martine Duclos, lors du lancement de la semaine 0rbiMob’ 2020, le 2 novembre 2020 à 17h30 en visio-conférence. Retrouvez l’intégralité de conférence ici .