[Outils] Instaurer un programme mentorat dans son organisation. Conditions et bénéfices.

[Outils] Instaurer un programme mentorat dans son organisation. Conditions et bénéfices.

C’est une tendance forte: le mentorat semble avoir le vent en poupe. Il évoque la transmission, la confiance, l’écoute. Et surtout, il semble cocher toutes les cases dans un monde du travail bousculé : quête de sens, besoin d’inclusion, désirs de reconnaissance et de lien. Dans un contexte d’explosion des burn-out , de grande démission, de tensions intergénérationnelles ou de remise en question du management vertical, le mentorat apparaît comme un antidote. Un outil à la fois humain, structurant et peu coûteux. Il s’inscrit comme un des leviers actionnables dans le cadre de politiques RSE et RH.

De quoi parle-t-on et comment s’y prendre pour l’instaurer dans son organisation ?

On fait le point à l’occasion de la parution d’une étude réalisée par l’EMCC *. L’étude s’intitule « Quand le Mentorat devient un levier de réussite dans les grandes organisations« . Elle était présentée dans le cadre de la Clermont Innovation Week par le collectif EMCC Auvergne. A l’occasion de cette rencontre, 8 binômes de témoins sont venus partager leurs ‘pratiques’ du mentorat : Michelin, CEPAL, APEC et Télémaque. Quatre manières différentes d’entrer dans ce type de dispositif.

Ce que le mentorat n’est (vraiment) pas – et ce qu’il peut être

Séverine Dieuze est enseignante-chercheuse à la Clermont School of Business. Elle propose de penser le mentorat comme une forme singulière d’accompagnement. Il ne s’agit ni de management, ni de tutorat, ni de coaching, mais d’une relation à la fois volontaire, bienveillante, non hiérarchique et fondée sur la générosité. Elle invite à considérer le mentorat comme l’un des maillons d’une constellation d’outils d’accompagnement. À la croisée entre transfert d’expérience et encouragement à l’autonomie, il crée un espace de confiance où le mentoré peut avancer à son rythme, sans pression de performance.

Elle insiste également sur le fait que l’efficacité d’un programme dépend de conditions claires : volontariat, confidentialité, objectifs définis, cadre temporel et accompagnement du mentor lui-même. Mal posé, le mentorat peut être mal compris ou mal vécu. Bien conçu, il favorise autant le développement professionnel que la croissance personnelle, pour les deux parties.

Le mentorat, comment ça marche ?

Le mentorat est donc une relation volontaire entre deux personnes sans lien hiérarchique direct. L’un partage son expérience, l’autre développe ses compétences, clarifie ses objectifs, prend confiance.

Chez Michelin, le dispositif est ouvert à tous, sans ciblage de “hauts potentiels”. Le mentor est volontaire, validé par son manager, et formé à une posture de recul, d’écoute active et de guidance (sans prise de pouvoir). À la Cepal, le réseau Elles a mis en place un programme dédié aux femmes, avec objectifs formalisés, suivi et ressources documentées. L’Apec, avec le programme Talents Séniors, crée des binômes autour de la reconversion ou de la recherche d’emploi. Et l’association Télémaque accompagne des jeunes de quartiers prioritaires pendant six ans, avec des mentors de tous horizons

Dans tous les cas, trois ingrédients reviennent : un cadre clair, une vraie intention de transmission, et un accompagnement du mentor autant que du mentoré.

Pour aller plus loin, l’EMCC a édité un Guide pratique du Mentorat que vous pouvez télécharger ici.

Ce que ça change

Les bénéfices sont souvent puissants. Pour les mentorés, c’est l’opportunité de sortir de l’isolement, de se projeter autrement, de se sentir légitimes. Confiance en soi, ouverture, réseau : le mentorat permet souvent de franchir des caps personnels et professionnels.

Les mentors aussi en ressortent transformés. Nombreux sont ceux qui évoquent une prise de recul sur leur parcours, une redécouverte de leurs compétences, et un sentiment fort d’utilité. Certains parlent même de “rencontres vraies”, inattendues, enrichissantes.

Pour les organisations, les effets ne sont pas immédiats mais bien réels : meilleure circulation des savoirs, fidélisation, attractivité, climat plus coopératif. Un dispositif bien pensé peut aussi être un levier RSE ou RH transversal, au croisement de l’inclusion, de la prévention des risques psychosociaux, de la transformation managériale.

À retenir avant de se lancer

Le mentorat ne s’improvise pas. Sans cadre clair, il peut créer de la confusion, des attentes mal posées, voire des déceptions. Mieux vaut cadrer la relation (durée, fréquence, objectifs), accompagner les mentors (via des formations ou des groupes d’échange), et prévoir des points d’étape.

Tout le monde peut être mentor puisqu’il s’agit davantage d’une posture que d’un statut. En revanche, il faut être capable d’écouter, de ne pas juger, de ne pas imposer.

Bien fait, le mentorat est un outil précieux, pour les individus comme pour les collectifs. Et surtout, il remet le lien au cœur du travail.

FOCUS SUR LES EXPÉRIENCES PARTAGÉES

MICHELIN

Pas réservé à une élite, le mentorat chez Michelin est accessible à tous les salariés. Il se déclenche souvent sur recommandation du manager, repose sur le volontariat, et propose une formation à la posture de mentor. Trois compétences clés sont recherchées : conscience de soi, capacité relationnelle, et faculté à favoriser l’apprentissage sans imposer. Résultat ? Un espace de confiance mutuelle, sans jugement, qui profite autant au mentoré qu’au mentor.

CEPAL

Le réseau Elles Cepal porte un programme de mentorat entre collaboratrices, avec un budget dédié et le soutien de la direction. Objectifs fixés à l’avance, outils de suivi, rencontres planifiées, accompagnement des mentors… tout est conçu pour créer une relation utile, sans malentendu. En 2025, le dispositif s’ouvrira aux hommes, soigneusement sélectionnés pour ne pas déséquilibrer l’esprit du programme. Une manière concrète de faire progresser l’égalité.

APEC

Le programme Talents Seniors de l’Apec s’adresse aux cadres de plus de 50 ans en recherche d’emploi. Objectif : leur permettre de se reconnecter à un réseau professionnel, de reprendre confiance et de clarifier leur projet. Les binômes sont constitués par l’Apec en fonction des profils, et accompagnés sur 6 mois via des rendez-vous réguliers. Le dispositif est volontaire, cadré, et pensé comme un complément à l’accompagnement plus formel de l’Apec.

FOCUS TÉLÉMAQUE

Le programme de Télémaque s’adresse aux jeunes, principalement des Quartiers Prioritaires de la Ville (QPV). Les jeunes mentorés de Télémaque sont accompagnés pendant 6 ans et sélectionnés dès la classe de 5ᵉ. Un mentor les suit dans leur parcours scolaire et personnel. Il propose des sorties mensuelles, des découvertes du monde professionnel et un travail sur la confiance en soi. Formation, suivi, cadre clair : tout est mis en œuvre pour que la relation soit solide et respectueuse. Et qu’elle soit enrichissante des deux côtés. Objectif ? Lutter contre l’autocensure et ouvrir le champ des possibles. Plus d’infos sur Télémaque.

(*) EMCC : International Mentoring and Coaching Council, Conseil International du Coaching, du Mentorat et de la Supervision. Elle dispose de délégations régionales dont une en Auvergne, animée par Carine Ragot et un collectif de coachs.

 

 

À propos de Véronique Jal

Ma ligne guide depuis 15 ans, c'est le management de projets collectifs à fort "sens ajouté" : les fromages AOP, les hébergements touristiques, la démarche d'attractivité d'une région... et aujourd'hui l'innovation territoriale via un média associatif Toulousaine d'origine, j'ai découvert et choisi l'Auvergne que mon parcours pro m'a amenée à connaître sous plein de facettes. J'adore cette activité qui nous permet d'être en situation permanente de découverte.