Rahh… Les jeunes d'aujourd'hui….Made in Fripe

Rahh… Les jeunes d'aujourd'hui….Made in Fripe

On dit souvent de cette génération qu’elle est individualiste, accro à la technologie, avec une vision négative du monde du travail.
Celles et ceux que nous rencontrons ont entre 16 et 25 ans. Ils sont entrepreneurs, en service civique ou tout simplement engagés dans des causes qui leur sont chers, et nous avons décidé de leur donner la parole. Des entretiens pour mieux cerner ces « jeunes d’aujourd’hui ».

Bonjour Antoine et Kevin, vous êtes les fondateurs du projet Made in Fripe. C’est quoi le concept en quelques lignes ?

Made in Fripe c’est un projet de friperie en ligne. On veut avant tout changer l’image de la fripe souvent associée au monde associatif ou au don de vêtements pour les plus démunis.
On a constaté ces dernières années une véritable mode pour le marché de la seconde main, notamment dans le domaine de l’habillage. C’est tendance, c’est même une revendication. Sans compter notre détermination d’avoir un réel impact sur l’environnement.

D’où est venue l’idée ?

Au tout début on se voyait le soir pour discuter de la base, de notre nom, de notre identité visuelle et de nos convictions. Au bout de quelques nuits où nous nous sommes couchés tard, nous avons commencé à avancer sur les fondements.
Durant l’étape suivante, on était dans notre appart et on réfléchissait à ce qui freinait l’achat pour ce type de produits. D’abord il y a ce problème d’image, “la fripe c’est pour ceux qui n’ont pas les moyens de s’acheter du neuf”, même si les lignes commencent à bouger.
Ensuite, aujourd’hui la plupart des boutiques en ligne utilise Facebook et Instagram pour se faire connaître et écouler leurs stocks, c’est un peu amateur. Nous, nous souhaitons avoir une approche plus innovante et utiliser Vinted pour communiquer car c’est désormais la plateforme la plus connue et la plus qualitative.
La startup propose des services intéressants, notamment de créer notre propre boutique avec notre identité visuelle et de pouvoir mettre en avant nos produits. On peut toucher instantanément environ 20 000 utilisateurs dans un périmètre très proche. En tant que nouvel acteur, c’est une opportunité de générer du trafic sur notre site de manière efficace.

Vous avez tout juste 20 ans, vous êtes de très jeunes entrepreneurs…pourquoi vous êtes-vous lancés dans cette aventure ?

Antoine : J’ai rencontré Kevin au DUT Techniques de Commercialisation de l’Université de Jean Monnet à Roanne en fin de deuxième année. On parlait  de nos passions. J’étais branché mode et tendance et lui informatique. A un moment on s’est dit qu’on pourrait faire quelque chose en mixant nos deux intérêts. Moi à la base je voulais créer une marque et Kévin voulait se lancer dans un site internet.
On avait tous les deux de la motivation pour monter une entreprise. Le fait d’être à deux c’est aussi un plus, c’est beaucoup plus confortable, on se soutient mutuellement.

Kevin : J’ai commencé le parcours PEPITE avec Antoine et je poursuis mes études avec une licence de Gestion en parcours management. Aujourd’hui nous sommes tous les deux étudiants entrepreneurs à Clermont.

De Roanne à Clermont-Ferrand.. pourquoi l’Auvergne 

A : Je suis de Roanne à la base. En me renseignant sur internet je suis tombé sur le programme PEPITE. Ça a fait tilt et je me suis dit « c’est ça que je veux faire ». En plus de ça ma copine fait ses études à Clermont. Deux bonnes raisons pour m’installer en Auvergne.

K : Moi, je suis originaire de Thiers et je trouvais ça chouette de poursuivre l’aventure en Auvergne. Je ne regrette pas du tout. Clermont c’est super sympa comme ville.  

Ce n’est pas compliqué de devenir entrepreneurs après un DUT Tech de Co ? Est-ce que vous avez des bases ? 

K : Dans notre DUT on nous forme à toutes les compétences liées à une entreprise. On a eu des cours de droit, de comptabilité, de négociation, économie, e-marketing, management, etc… Les cours tournent autour de la gestion d’entreprise mais la finalité c’est ensuite d’intégrer une entreprise pas de la monter. Nous, on a décidé de détourner le concept. 

A: On a eu l’occasion de tremper le petit orteil dans la piscine en première année. On travaillait sur un projet tutoré avec un commanditaire. On a eu également plusieurs « petites expériences » qui consistaient à créer une entreprise avec un produit innovant et de travailler sur tout ce qu’il y a autour. On a aussi fait un stage.
En deuxième pour mon projet tutoré, j’ai travaillé sur le programme ECMT+ ( Entrepreneurship and communication in multicultural teams). C’est un programme européen pour former des jeunes de 22 nationalités européennes à l’entrepreneuriat. La dernière session avait lieu à Roanne. Mais il est vrai que sur 90 étudiants en DUT , je crois que nous sommes les deux seuls à avoir choisi la création d’entreprise.

Comment gère-t-on sa crédibilité quand on va rencontrer des professionnels et que l’on a 20 ans ?

K : On a anticipé cela. On a décidé qu’avant d’aller parler aux pros il fallait que l’on ait développé notre site internet, notre compte Instagram et nos flyers. On ne voulait pas qu’ils se disent « Tiens des jeunes amateurs qui débarquent de nulle part ». Quand on les a rencontrés on avait déjà 1000 abonnées sur notre compte Insta.

A : On a aussi joué sur le fait que l’on était des étudiants locaux, que l’on voulait créer notre friperie française. On s’est entraîné, on a répété notre discours pour être prêts lorsque l’on serait en face de nos fournisseurs potentiels.

Comment vous répartissez-vous le travail ?

K : On fait en fonction de nos compétences. Je gère le digital ainsi que la communication et Antoine s’occupe le stock. C’est lui qui a le dernier mot en ce qui concerne la sélection de nos produits.

A : Pour l’instant on a quand même une dominante masculine dans nos vêtements. A terme nous souhaitons qu’il y ait un équilibre entre la sélection masculine et féminine. On a un local de stockage mais bientôt il va falloir prendre plus grand, enfin c’est l’objectif. 

Vous avez mentionné la dimension écologique de votre projet. En dehors du fait que l’on est clairement dans l’économie circulaire, comment allez-vous vous différencier ? 

On a décidé d’envoyer nos articles dans des colis en matière recyclable. C’est un choix qui nous coûte parce qu’aujourd’hui le papier recyclé vaut plus cher que le neuf. À titre d’exemple, environ 250 boîtes neuves c’est 200 euros contre 300 euros pour les recyclées.
On veut aussi engager notre communauté et organiser des évènements de nettoyage par exemple.

Au Connecteur on aime parler écosystème, quel est l’univers dans lequel vous évoluez ? 

Notre monde c’est Pépite avant tout, ils nous mettent à disposition des ateliers pour apprendre à être crédible dans la recherche de financement, face à nos fournisseurs aussi.
Ce qui nous manque c’est un vrai réseau diversifié. On voudrait faire de la collecte de vêtements en direct mais on ne sait pas comment, ni à qui s’adresser. Trouver le bon comptable sur lequel on puisse compter etc etc …
A 19 ans on n’a pas encore développé de réseau professionnel.  

Que pensent vos parents de votre aventure ?

K : Ils sont un peu inquiets. Quand on parle de création d’entreprises, il y a toujours la possibilité que ça ne marche pas avec l’idée que l’on pourrait saisir nos biens. C’est pour ça que l’on réfléchit au meilleur statut juridique pour limiter les risques. 

A : Mais à côté de ça ils nous soutiennent. Ils ont vu notre motivation. Grâce à Vinted, il y a un ou deux ans, j’ai déjà acheté et revendu des articles et on a investi une bonne partie de ce que l’on avait gagné pendant notre stage pour créer notre stock de départ.

Quelles sont vos prochaines étapes ?

Il faut que l’on termine notre site internet, que l’on choisisse (enfin) notre statut juridique et que l’on augmente notre stock.

On parle beaucoup de la jeunesse, des millenials ces derniers temps. Est-ce qu’on peut dire que vous faites partie de cette jeunesse engagée ?

A :   Totalement. J’ai participé à plusieurs évènements autour de l’environnement. Une partie de la jeunesse commence à prendre les choses en main. On a vu ça avec le mouvement de Greta Thunberg et les manifestations du vendredi. J’en ai fait la promotion et j’y ai participé.

K : Moi je suis plutôt orienté social, mais le volet social et l’écologie sont liés d’une certaine manière. Je me souviens aussi de ces campagnes publicitaires où l’on voyait des ours polaires dériver sur des blocs de glace, ça m’a touché.
Je savais au fond de moi qu’il fallait faire quelque chose, tout le monde au fond a envie de faire quelque chose, mais personne n’agit. Alors je me suis dit « c’est maintenant qu’il faut se bouger sinon après il sera trop tard ». Aujourd’hui on est de plus en plus nombreux à tenir ce discours. »

C’est l’instant carte blanche. Un message à faire passer ?

K : Je pense que même si l’environnement c’est de plus en plus populaire il y en a quand même une bonne partie de la jeunesse qui ne s’y intéresse pas. C’est regrettable parce que l’on a tous les moyens de changer les choses à plus ou moins grande échelle.

A : Moi du coup je dirais simplement aux jeunes : il ne faut pas avoir peur de vos idées. Il faut s’ouvrir et les partager avec d’autres. Il ne faut pas non plus avoir peur de l’échec. En France je trouve que l’on a du mal avec l’échec, on considère que c’est négatif. Alors que finalement même un échec c’est une expérience et ça nous apporte forcément quelque chose. Alors les jeunes allez-y, réalisez vos rêves ! 

À propos de Pauline Rivière

Pauline Rivière est journaliste et rédactrice en chef du média en ligne le Connecteur. Elle est en charge du choix des dossiers spéciaux mensuels. Elle développe également des outils de datavisualisation à destination de l'écosystème de l'innovation et s'intéresse à l'innovation éditoriale. Avec sa société SmartVideo Academy, elle anime différentes formations à la réalisation de vidéos (au smartphone notamment) et à l’écriture audiovisuelle. Elle intervient également dans l'Enseignement Supérieur dans le cadre de projets pédagogiques digitaux, mêlant techniques de communication et sujets d'innovation.