Reportage / Tout à gagner dans les concours d’innovation

Reportage / Tout à gagner dans les concours d’innovation

Par Damien Caillard
avec Cindy Pappalardo-Roy


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Petites compétitions, grands challenges, hackathons et trophées … dans notre écosystème, l’année est rythmée par des concours dédiés aux porteurs de projets innovants. Le plus souvent généralistes, ils sont organisés par des acteurs variés – institutionnels, banques, médias – et sont accessibles à tous, dans certains cas dès le stade de l’idée. Si ces événements sont de plus en plus populaires, quels sont leurs apports réels pour les start-ups, vis-à-vis du temps et de l’investissement demandé ? Nous avons pu échanger avec les organisateurs et lauréats de deux grands rendez-vous de l’écosystème : le Trophée des Idées Neuves du Crédit Mutuel Massif Central, et le Trophée de l’Eco Innovation du Journal de l’Eco. Et leurs retours vont bien au-delà d’une coupe à brandir.

Effet boost pour le projet

Pourquoi s’inscrire à un concours de start-up ? Les raisons peuvent être nombreuses. Initialement, on s’intéresse au prix proposé, qui peut être une somme d’argent, de la visibilité, une période de mentorat ou un accès à certaines ressources. C’est loin d’être neutre, mais pour les lauréats que nous avons pu interviewer, cela ne fait pas tout. Pour eux, le premier effet positif de ces concours est une forme de boost, voire de validation – pour certains – du projet.

« Le coup de coeur du public représente l’innovation d’usagae » – David Reish, CMMC

Gagner fait évidemment plaisir, et dans le contexte de projets naissants et souvent difficile, l’aspect psychologique est un apport non négligeable. « Que du bien ! » résume Iseline Léger, porteuse de la start-up Noonoo (appli de mise en relation parents et baby-sitters) et 3ème prix au Trophée des Idées Neuves. « Nous sommes heureux d’avoir ce prix, cela a boosté le projet, les associés, et nous a redonné envie d’y aller. » Idem pour Pierre Jeanmougin, créateur de Keepmove (covoiturage pour personnes non autonomes) et 2ème prix au même concours : les associés étant bénévoles, « les prix sont gratifiants » précise-t-il, « et avoir une récompense nous remotive« .

Les lauréats du dernier Trophées de l’éco Innovation, à l’ESC

Mais, au-delà de la simple satisfaction, ces concours peuvent être l’opportunité de valider le concept d’un projet innovant. Le principe du vote d’un jury de personnes issues de l’écosystème est vécu comme une reconnaissance par les pairs. Et, souvent, le public peut donner son avis. C’était l’objectif résumé par David Reisch, responsable communication au Crédit Mutuel Massif Central et organisateur du Trophée des Idées Neuves depuis 2 ans : « cette année, on a eu du mal à choisir ([les lauréats]. Pourquoi ne pas faire un choix du public ? » Les participants de la soirée à l’espace Renan, mais aussi ceux qui la suivaient sur les réseaux sociaux ont ainsi pu choisir un « coup de cœur ». « Cela représente l’innovation d’usage » conclut David, « on voit le projet ‘adopté’ par le public. »

Quand le sujet d’innovation est un peu technique, l’apport est d’autant plus apprécié par les lauréats. Ainsi, Stéphanie Cailloux porte le projet Innopain (développement d’antalgiques en remplacement de la morphine), lauréate « sciences et recherche » aux derniers Trophées de l’Eco Innovation. Pour elle, « tu te dis que tu ne fais pas ça pour rien. Que, finalement, le sujet de la douleur dans le monde intéresse les gens. » Avec 630° Est (signalétiques pour personnes déficientes mentales), Anne Perriaux a bénéficié du prix « coup de cœur » du Trophée des Idées Neuves, et le prix a « validé le fait que ça parle aux gens. On veut sortir du monde du handicap, donc cela passe par la sensibilisation. On a besoin d’apprendre avec ce public-là ! ».

De la crédibilité vis-à-vis des partenaires

Le « prix » remporté lors de ces concours est bien sûr un moyen de consolider le projet lauréat. Pour les Trophées de l’Eco Innovation, il s’agit d’une couverture média renforcée sur le Journal de l’Eco ; pour le Trophée des Idées Neuves, un accompagnement par le mentor Philippe Cornet et la participation au festival d’innovation South by Southwest à Austin (Texas). D’autres concours, comme celui d’Auverboost, proposent une enveloppe financière pour lancer son projet.

« Le concours peut amener des mécènes ou attirer l’oreille de grands opérateurs. » – Pierre Jeanmougin, Keepmove

Mais le gain en crédibilité est ce qui remonte le plus parmi les lauréats. Pour Raphaël Charreyron, porteur du projet Box 247 (magasins numériques connectés en ossature bois) et 1er prix du Trophée des Idées Neuves, le concours a « facilité les échanges avec les collectivités. Je vais avoir un local pour développer le projet à Issoire, intégrer la pépinière Evol’yss … et je présente bientôt mon projet à Innovergne« . Pierre Jeanmougin de Keepmove apprécie l’intérêt porté au projet mais aussi à ceux qui le soutiennent, comme les mécènes : « Cela évite de demander de l’argent aux utilisateurs » dans le cadre d’un projet d’entrepreneuriat social, « et peut nous amener d’autres mécènes potentiels (…) ou attirer l’oreille de grands opérateurs » industriels, par exemple.

Pour les projets plus complexes techniquement, ou nécessitant des investissements lourds, ces concours généralistes ne toucheront pas la même cible, et il est capital d’en être conscient au moment de postuler. C’est le conseil de Stéphanie Cailloux : « On était lauréat I-Lab* en 2016, ce qui parle aux gens spécialisés dans la biotech. Mais comme on visait des Business Angels [cette fois], il fallait un concours davantage grand public. » La portée géographique de l’organisateur est aussi à prendre en compte. « Nous avons une stratégie de levée de fonds sur la région Auvergne-Rhône-Alpes et sur Paris » poursuit Stéphanie. « La diffusion du Journal de l’Eco correspondait à ces zones. »

Philippe Cornet et Raphaël Charreyron, lauréat du Trophée des Idées Neuves 2017

Le partenaire principal peut donc être l’organisateur du concours. Pour Raphaël Charreyron, « l’avantage quand on gagne le prix d’une banque, c’est que le soutien de la banque est acquis. » Confirmation de David Reisch : « En tant que banque, nous sommes dans une posture de coach financier » résume-t-il. « Avec le Trophée des Idées Neuves, on voulait faire des choses concrètes pour donner un coup de pouce local. » D’où un positionnement fort de l’organisateur auprès de la communauté des entrepreneurs innovants. C’est aussi l’objectif de Lionel Chaumeil, PDG du Journal de l’Eco et organisateur du Trophée de l’éco Innovation : « La démarche d’innovation est vitale pour l’avenir et touche l’ensemble des structures. Le Journal de l’Eco souhaite porter ce message, stimuler cette démarche et récompenser les meilleurs. »

Un « effet boule de neige » en visibilité et en réseau

Le moment de la remise de prix est généralement un temps fort, aussi bien événementiel que médiatique. La visibilité y est donc maximale, auprès du jury, de l’organisateur, du public et des lecteurs du lendemain. « Tout le monde a parlé de nous« , se souvient Iseline de Noonoo, « ça a déclenché l’effet boule de neige dans la presse : Virgin Radio, Chérie FM, le magazine Zap … ».

« Le Journal de l’Eco souhaite stimuler la démarche d’innovation et récompenser les meilleurs. » – Lionel Chaumeil, le Journal de l’Eco

Tous les lauréats mettent en avant la couverture média, et c’est d’ailleurs l’apport principal mis en avant par Lionel Chaumeil : « Une formidable visibilité, gratuite, dans les colonnes du Journal de l’éco, sur la newsletter du territoire et sur les réseaux sociaux, pour tous les candidats et encore plus pour les lauréats. ». Pour des start-ups débutantes, cette exposition renforcée est enviable, comme le résume Pierre Jeanmougin : « quand on n’a pas de budget communication, cet apport de visibilité est très intéressant. »

Mais la concentration de l’attention, et l’émotion suscitée par la cérémonie de remise de prix, sont le moment-clé du concours pour toucher le réseau. C’est d’abord celui représenté par les membres du jury (souvent lors du dossier ou du pitch en amont), ou par l’organisateur – ainsi, pour Iseline de Noonoo, « le Crédit Mutuel a un vrai réseau et nous en a fait bénéficier. » De même, Nadine Mathieu de la Supérette (agence de communication responsable) et lauréate « communication » au Trophée de l’Eco Innovation, avait aussi remporté un prix de la Jeune Chambre Économique, « un réseau non négligeable »

« Rencontrer des gens qui peuvent aider le projet, dans un moment positif et stimulant. » – Philippe Cornet, mentor

Enfin, il y a les rencontres avec beaucoup de membres de l’écosystème local d’innovation, présents à la soirée. Prévoir smoking, robe à paillettes**, cartes de visite … mais il faut en tout cas faire bonne impression. « Le soir de la remise des prix, nous avons des gens de BPI France ou d’Innovergne » dans le public, précise David Reisch. « C’est un moyen de trouver rapidement les bons interlocuteurs à son sujet » selon Pierre de Keepmove. Plus généralement, c’est l’avantage premier des concours pour Philippe Cornet, mentor suivant le projet lauréat du Trophée des Idées Neuves : « pour rencontrer des gens qui peuvent aider dans le projet, et dans un moment positif et stimulant car ceux qui viennent à l’événement sont intéressés par ce que vous faites. », indique-t-il.

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Alors, intéressé(e) par un futur concours d’innovation ? Si l’on retrouve une ou plusieurs fois par an les grands rendez-vous comme les Trophées de l’éco Innovation (le 29 novembre prochain) ou le Trophée des Idées Neuves (à l’automne également, date à venir), vous trouverez de nombreux autres formats de concours dans l’écosystème, incluant les formes plus immersives que sont les hackathons***.

Quelques conseils pour les futurs candidats : « ne pas hésiter à y aller, même avec un projet naissant » pour Raphaël de Box 24/7 ; « garder à l’esprit qu’un concours est un bonus par rapport à vos objectifs premiers, car cela peut être chronophage » pour Pierre de Keepmove, mais malgré tout « persévérer : à partir du moment où on épouse la cause pour laquelle on se bat, les gens finissent par nous suivre » selon Anne de 630° Est. Suivie par Nadine de Supérette : « rester soi-même, être cohérent(e) avec l’identité de son projet ». Et, au final, tirer profit de toutes les phases, de la préparation à la remise de prix en passant par la sélection. Autrement dit, et pour paraphraser Confucius, « le bonheur se trouve à la fois au sommet de la montagne et dans la façon de le gravir« .

 

*concours du Ministère de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur
** ou pas
*** comme le Startup Weekend, ou ceux qui ont eu lieu durant la Clermont Innovation Week (Le Damier, Epicentre, La Montagne)


Pour en savoir plus :
le site du Trophée des Idées Neuves du Crédit Mutuel Massif Central
le site du Trophée de l’éco Innovation du Journal de l’Eco
le site de Noonoo
le site d’Innopain
le site de 630° Est
le site de Keepmove
un article de 7 jours à Clermont sur Box 247
le site de l’agence Supérette


Propos recueillis par Cindy Pappalardo-Roy et Damien Caillard. Merci à tous les participants de leurs retours et de leur disponibilité !
Crédits visuels : Journal de l’Eco et Trophée des Idées Neuves

Résumé/sommaire de l’article (cliquez sur les #liens pour accéder aux sections)

  • #EffetBoost – L’apport le plus évident des concours est psychologique, et cela peut être très important pour des projets naissants et parfois incertains comme les start-ups. L’équipe est remotivée par la « reconnaissance par les pairs » et le moment de la remise de prix. C’est aussi un moyen de valider un concept puisque le jury, ou le public, l’a choisi.
  • #CrédibilitéVis-à-vis de partenaires tiers, le fait d’être lauréat à un concours d’innovation peut à la fois rassurer les mécènes existants ou en attirer d’autres – incluant des opérateurs en « open innovation » comme des industriels. D’où l’importance de déterminer le type de concours auquel on postule, spécialisé ou au contraire généraliste, en fonction du « public » visé et du périmètre géographique.
  • #VisibilitéEtRéseauLa remise de prix bénéficie toujours d’une forte visibilité, dans les médias bien sûr mais aussi en termes de contacts réseau. Sont présents dans le jury ou le public de nombreux acteurs de l’écosystème, et c’est un moyen de mise en contact rapide et valorisante pour les lauréats. L’apport direct (prix) ou indirect de l’organisateur est aussi capital, comme l’inclusion dans un réseau bancaire ou la couverture éditoriale.
  • #ConseilsPourCandidaterDe nombreux concours sont proposés aux projets innovants sur notre écosystème. S’ils apportent beaucoup, y compris dans la préparation, il reste qu’ils représentent un investissement temps non négligeable. Dernier conseil : rester naturel et persévérer.

À propos de Véronique Jal

Ma ligne guide depuis 15 ans, c'est le management de projets collectifs à fort "sens ajouté" : les fromages AOP, les hébergements touristiques, la démarche d'attractivité d'une région... et aujourd'hui l'innovation territoriale via un média associatif Toulousaine d'origine, j'ai découvert et choisi l'Auvergne que mon parcours pro m'a amenée à connaître sous plein de facettes. J'adore cette activité qui nous permet d'être en situation permanente de découverte.