ROULEZ JEUNESSE ! #4 – Kassandra EMARD

ROULEZ JEUNESSE ! #4 – Kassandra EMARD

Par Joséphine CAPITANT

Le hasard vous mène rue Saint esprit,
Soudainement s’offre à vous une odeur
de noisette puis de beurre, suivez donc votre nez,
Kookies sait parler aux gourmets.

Peut-être connaissez-vous déjà cette petite boutique qui embaume la rue Saint-Esprit, qui propose des cookies de toutes sortes et pour tous les goûts ! Mais Kookies c’est avant tout l’histoire de Kassandra Emard: Inspirée par ses voyages et son amour pour la pâtisserie, elle à su créer un commerce à son image. Sa réussite se doit à son travail acharné et à sa ténacité.
Venez la rencontrer !

 

Bonjour Kassandra, peux-tu nous expliquer ton parcours ? 

J’ai quitté l’école avant de passer mon bac, j’ai dit à mes parents que je plaquais tout pour faire de la pâtisserie. Donc, à 18 ans, je suis partie en apprentissage pâtisserie, pour ensuite faire un an à l’École Nationale Supérieur de Pâtisserie, j’ai ainsi accédé aux diplômes et à beaucoup d’autres choses. Grâce à cette école, j’ai pu rencontrer beaucoup de professionnels qui venaient de partout, je pouvais apprendre bien plus qu’avec un apprentissage classique où l’enseignement est assez standardisé. C’est donc pleine d’énergie que je pars en chocolaterie, je fais un CAP « chocolaterie, confiserie, glacier ». C’était vraiment génial, j’ai pu créer et m’épanouir.
Après ça, je suis partie en restauration gastronomique en région parisienne. Là, on m’a donné tout de suite des responsabilités même si je n’y aspirais pas vraiment à ce moment-là: je gère le stock, les cartes, la création des desserts, et la gestion des stagiaires, donc de grosses responsabilités. 

Je reviens en Auvergne à la suite d’un événement familial. J’ai dû arrêter ma carrière en pâtisserie, j’avais 21-22 ans à ce moment-là, aujourd’hui j’en ai 29. Ces sept années ont été assez laborieuses : je ne savais pas trop où j’allais ni ce que je faisais, mais en tout cas, j’avais envie de tester plein de trucs. J’ai postulé pour plein de jobs différents : j’ai fait de la vente de matériel professionnel, de la vente de vin, puis de l’immobilier suivie de deux années de « vide » durant lesquelles j’ai pas fait grand chose (rires). On diabolise toujours ces périodes-là, mais je crois que ça m’a fait du bien de m’arrêter, de poser tout à plat et de savoir ce que j’avais vraiment envie de faire. Bon, j’ai quand même beaucoup joué à la console (rires). 

 

Le déclic ? 

À la suite de ces deux années, gros déclic, j’ai eu envie d’ouvrir ma propre boutique. J’ouvre alors une boutique de bonbon (le K Candy Store), j’étais en plein dans l’essor du produit américain. C’était super, mais comme tout produit à la mode, au bout de deux ans, les gens se lassent. J’ai quitté le bateau avant qu’il coule et j’ai voyagé.
Je suis allée à New York où j’ai entrepris la visite des différents « concept stores » pour voir ce qui se faisait. Et là, gros coup de cœur pour le Levain Bakery: une boulangerie très prisée où il faut faire une queue de plus d’une heure pour avoir un cookie. Ils sont énormes, moelleux à l’intérieur et croustillants à l’extérieur. C’était dingue, j’avais jamais mangé un cookie aussi bon ! Je me dis alors que c’est un beau concept et qu’il faut l’amener en France. 

Tout sommeille un petit peu, j’ai encore le K Candy Store à ce moment-là, et suite à un autre événement compliqué, je décide de partir seule à San Francisco. J’y découvre une boutique fabuleuse, elle embaume toute la rue d’une odeur incroyable, ouverte jour et nuit, on y mange des gâteaux énormes, des donuts qui sont plein de vie, pas les trucs tout sec qu’on a ici (rires). Je voulais voir ça en France, des pâtisseries qui ont de la vie. Ça a nourri mon projet. 
Donc je ferme le K Candy Store. Quand on est patron, on a envie d’avoir un produit avec lequel on peut travailler, et c’était plus le cas. Je bosse donc un an sur Kookies, pour avoir la bonne recette, et retrouver ce goût qui m’avait transporté, j’ai tout inventé de A à Z. Et après des centaines d’essais et de cookies infâmes, j’ai dit à mon compagnon: « Ça y est, j’ai trouvé la recette, je peux enfin ouvrir Kookies. ». 

En soit, j’emprunte presque rien, c’était vraiment histoire de faire des travaux, d’aménager, d’acheter des fours et du matériel. Je voulais faire une boutique sans m’endetter et qui fonctionne bien. Le banquier me suit, tout le monde me suit, j’ai dû être convaincante parce que bon, le Cookie.. faut vraiment y croire ! (rires) 
Le premier jour est chaotique : juste avant d’ouvrir mes fours tombent en panne (rires). Mon tout premier client, c’est mon banquier, c’était très réjouissant ! Le produit prend tout de suite, tout le monde apprécie. En ce moment, j’investis dans le pôle boisson, j’ai acheté une machine à glace et une machine à café. 

 

Comment innoves-tu et te différencies-tu dans ce domaine ?

crédits photo: Facebook Kookies

Tout d’abord, je prends des bons produits comme matière première, au niveau du goût ça se ressent tout de suite : les noisettes ont ce bon goût d’enfance, c’est rond en bouche donc ça plaît beaucoup. Il y aussi la texture : moelleuse et croustillante.
Et enfin l’accueil, j’y mets énormément d’énergie ! J’en ai tellement marre de tomber sur des commerces où on est mal accueilli, sérieux ce n’est pas possible d’ouvrir un commerce aujourd’hui et de ne pas dire « bonjour » ou de ne pas sourire. J’accueille n’importe qui de la même façon, qu’il prenne un cookie ou qu’il en prenne vingt ça change rien.
Je donne énormément de ma personne, parfois à minuit je réponds encore à des personnes sur Instagram.

 

Concrètement, elle ressemble à quoi ta journée ? 

J’arrive à 5h30 à la boutique, et je cuisine encore et encore. Puis je m’attaque à la vente et à Instagram. Je fais la production toute seule car je veux protéger la recette.
Dans les premiers temps je les faisais toute la journée, je me souviens d’un samedi où il a fallu en faire mille. Au départ les gens en voulaient 500, puis 700, c’est un engrenage, tout le monde en demandait donc c’était génial ! Mais à côté de ça pendant quatre mois je n’ai vu ni ma famille ni mes amis, c’était même devenu compliqué de répondre à un message, je n’avais pas une minute à moi ! 

 

Tu as une page Instagram très active sur laquelle tu cumules plus de 7000 abonnés, comment t’y prends-tu ?

crédits photo: Facebook Kookies

C’est énormément de « taff », beaucoup de gens ne se rendent pas compte. Dans les grosses journées je suis bien deux heures sur Insta: je regarde tout ce qui se fait, tout ce qui plaît, toutes les personnes, influentes ou non, de clermont. Parfois je trouve un cookie vraiment beau et je le prends en photo, ça me prend du temps sur ma production mais c’est tellement important de développer ce média.
Je demande souvent sur Instagram ce que les uns et les autres ont envie de manger puisque c’est eux qui décident. Moi ,sincèrement, je ne mangerai que ceux au chocolat, or il y a plein de personnes qui n’aiment pas le chocolat, donc j’ai dû en créer des nouveaux. 
Je réponds énormément aux questions qu’on m’envoie, même si la réponse est dans mes » stories » ou dans mes posts, tout le monde n’a pas le réflexe de les regarder donc il faut leur répondre sans les prendre de haut, c’est très important. 

 

Tu as su t’adapter rapidement au confinement, comment as-tu perçu la situation et comment as-tu mis tout ça en place ? 

Il m’a bien fallu deux semaines pour encaisser le truc: j’étais en plein dans le travail, je bossais 15 h par jour, six jours sur sept, même le dimanche je venais faire des travaux, et d’un coup tout s’arrête.. Donc après deux semaines à m’arracher les cheveux je mets en place le «  click and collect », je produisais en fonction de la demande et les gens venaient chercher leurs cookies. J’ai été inondée de messages, c’est un vrai exercice pour un entrepreneur, c’est un peu comme un examen où les clients nous mettent au challenge. 

 

Considères-tu ton jeune âge comme un frein ou comme un atout ? 

Pour mon magasin de bonbons on ne m’a pas prise au sérieux, sur les six banquiers que j’ai rencontrés, seul un m’a suivi. Le plus compliqué c’est que je n’avais pas de carnet d’adresse: je ne connaissais personne dans le milieu. Que ce soit pour les travaux, les financements, Instagram.. je n’y connaissais rien. C’est pas tant le fait que je sois jeune mais plutôt que j’étais étrangère à ce monde. 

J’ai aussi pu rencontrer la problématique d’être une femme, certains pensaient que c’était l’entreprise de mon compagnon, ce sont des choses qui m’agacent énormément, c’est un peu moins le cas aujourd’hui mais au départ c’était quotidien. 

 

Le fait d’être une femme a-t-il pu impacter négativement ton aventure entrepreneuriale ? 

Je pense que oui mais j’ai pas envie de le voir, sinon je vrillerai (rires), je préfère mettre ça à distance et ignorer la bêtise de certains. 

 

Qu’en pense tes proches ? 

J’ai la chance d’avoir une famille qui connaissait mon désir d’être entrepreneur. Dès le collège je cherchai le produit que je pouvais vendre (rires), je dois avoir ça dans le sang.
J’ai toujours voulu ouvrir un commerce, donc ça a fait peur à mes parents puisqu’ils sont ouvriers. Pour eux le patronat c’est pas forcément négatif mais ça leur ait inconnu, c’est pas leur mode de vie. Mais aujourd’hui, ils savent que je travaille dur et ils sont fiers. Tout comme mes soeurs, j’en ai une qui est entrepreneure également et une autre qui n’est pas du tout dans ce milieu, ça donne des conversations très intéressantes à Noêl (rires). Mon compagnon sait que c’est hyper important pour moi, je le vis à 100% et mon entourage me soutient. 

 

Considères-tu avoir trouvé ta vocation, as-tu d’autres projets ?

Tout se passe bien pour moi au point que j’ai d’autres beaux projets autour de Kookies. 

 

Moment carte blanche : un message à faire passer ? 

Comme tout le monde j’ai eu des moments de doute, ça arrive et c’est normal. Quand t’en es à ta 5e année d’études, que t’es en master et que tu te demandes si t’as bien choisi. Mais il faut y aller, prendre les mauvais moments et en faire quelque chose de sympa. J’ai pas de vacances, pas de week-end, pas de soir, mais à côté de ça c’est une aventure extraordinaire donc il faut y aller. 

À propos de Pauline Rivière

Pauline Rivière est journaliste et rédactrice en chef du média en ligne le Connecteur. Elle est en charge du choix des dossiers spéciaux mensuels. Elle développe également des outils de datavisualisation à destination de l'écosystème de l'innovation et s'intéresse à l'innovation éditoriale. Avec sa société SmartVideo Academy, elle anime différentes formations à la réalisation de vidéos (au smartphone notamment) et à l’écriture audiovisuelle. Elle intervient également dans l'Enseignement Supérieur dans le cadre de projets pédagogiques digitaux, mêlant techniques de communication et sujets d'innovation.