Nuno Dos Reis est le DG de Deltamu depuis 2010. Après 10 autres années à pratiquer différents métiers au sein de l’entreprise. Un format “mes premières fois” centré sur l’expérience de manager.
Thomas Edison disait « Je n’ai pas échoué. J’ai simplement trouvé 10.000 solutions qui ne fonctionnent pas», on aimerait connaître l’envers de votre décor, vos 10000 solutions qui n’ont pas fonctionné.
Nuno, pouvez-vous nous expliquer en quelques mots ce qu’est la métrologie et plus précisément quelle est l’activité de Deltamu ?
Deltamu est spécialiste de la métrologie industrielle depuis 22 ans. Il y a deux domaines pour la métrologie : légale et industrielle. La métrologie légale est une invention purement française qui date de l’après révolution. Il s’agissait alors de garantir les échanges commerciaux quotidiens, qui se faisaient sur la base de prix fixés en fonction de quantités, exprimées par unités de mesure en litre ou kg par exemple. La métrologie légale vient garantir la loyauté des échanges commerciaux.
#LEXIQUE « SMART METROLOGY ? »
Lors de l’apparition des normes ISO, la métrologie s’est appliquée à l’industrie avec l’enjeu de garantir la fiabilité des mesures dont l’impact peut se répercuter sur la qualité de toute une production. En copiant la métrologie légale, la métrologie industrielle a instauré la notion d’étalonnage périodique des instruments de mesure : j’ai un instrument de mesure que j’utilise quotidiennement, je vais le comparer (le raccorder) régulièrement avec un étalon national et vérifier qu’il est toujours conforme. Cette activité a fait naître de nombreux laboratoires d’étalonnage, qui ont rapidement prospérés avec le développement du nombre d’instruments industriels à contrôler.
Deltamu a été créée en 1998, par Jean-Michel Pou, qui, jusque-là, gérait l’un de ces laboratoires. La création de la société a résulté d’une remise en question de l’intérêt même de l’activité de contrôle par Jean-Michel Pou. Constater la conformité ou la non-conformité d’un instrument au terme d’un délai plus ou moins loin, c’est soit trop tard, en cas de non-conformité et, il va falloir en plus remonter sur les productions industrielles réalisées … soit conforme au moment M mais sans pouvoir dire pour combien de temps. Bref, le principe analyse le passé mais ne permet pas de projection pour le futur entre 2 étalonnages.
Le positionnement de Deltamu a donc été de travailler à garantir les processus de mesure, réfléchir à une stratégie de mesures sur critères clés et d’optimiser pour chaque instrument les périodicités d’étalonnage pertinentes. C’est ce que l’on a appelé la Smart Metrology ou comment mettre en place des stratégies permettant de prendre les bonnes décisions pour garantir les process de mesure. Deltamu est très engagée dans la profession, elle a contribué à construire et documenter les normes Afnor, développer des formations et conçu des logiciels dont Optimu qui offre des fonctions allant des plus basiques (gestion de parc d’instruments) à des fonctions plus élaborées …
Votre première impression sur Deltamu : la bonne tout de suite ?
J’ai rencontré Jean-Michel POU une semaine avant de rencontrer celle qui est devenue ma femme … !
J’étais en IUT de Mesures Physiques et je faisais un stage chez Auvergne Qualité. Jean-Michel POU a été mon maître de stage. Lorsque je l’ai vu pour la première fois, je me suis dit que c’était le genre de personne avec laquelle ça passe ou ça casse ! C’est un vrai personnage, avec une forte personnalité, il ne laisse pas indifférent et surtout, il fait évoluer les autres. En tant que stagiaire d’abord, il m’a remué et fait beaucoup progresser … J’ai dû partir pour l’armée [oui, à cette “époque” on devait encore faire un service militaire] mais on a gardé le contact. A mon retour, il avait créé Deltamu mais n’avait pas de poste encore. J’ai commencé à travailler chez MSD Chibret. Ça n’a duré que quelques mois: pour un premier job, c’était bien payé mais …. ennuyeux. Et à ce moment-là, Jean-Michel Pou cherchait quelqu’un pour rejoindre l’aventure Deltamu, avec une fiche de poste assez … large ! Je suis parti sans hésiter (même si j’ai compris que cela ne se faisait pas de mettre fin à un CDD chez MSD!) J’avais très envie de rejoindre une entreprise dynamique et de travailler à nouveau avec Jean Michel Pou… J’étais technicien au départ, puis, j’ai évolué avec l’entreprise.
Jean-Michel présentait toujours Deltamu comme un projet pas comme une boîte. Il était tout le temps sur les routes, et il laissait une grande liberté aux équipes ; il fallait que l’on soit autonome, que l’on prenne des décisions. On a fait des erreurs, mais cela faisait partie du job et de la culture d’entreprise qui s’est ainsi construite.
Vos premiers pas de DG ? Succéder à un personnage charismatique ce n’est pas forcément chose aisée si ? Qu’est ce que vous en gardez comme souvenir ?
Certes. En fait, chacun doit trouver sa position. Le fondateur, le mentor, l’expert, c’est Jean-Michel Pou.
C’est notre Bill Gates !
Mais il a su renvoyer vers moi à chaque fois qu’il était sollicité sur des questions qui n’étaient pas de son ressort. Ensuite, à moi de prendre mes responsabilités.
Ce que j’en ai retenu, c’est qu’il ne faut pas chercher la reconnaissance des autres dans chacune de ses décisions. La reconnaissance vient avec le temps, en fonction de la qualité de vos décisions à moyen ou long terme. J’ai mesuré l’importance du dialogue, de la pédagogie pour partager le projet et de l’humilité. Il faut savoir reconnaître ses erreurs.
Nous formons tous les deux un beau duo, complémentaire et surtout avec une confiance mutuelle très forte avec pour objectif le développement de la société et des collaborateurs.
Un souvenir particulier avec un premier client ?
J’ai eu par le passé une activité commerciale assez dense pour pallier les aux postes à pourvoir et une fois, j’ai eu l’occasion de signer un très beau contrat. J’étais tellement content, que j’ai fait venir toute l’équipe et j’ai ouvert une bouteille de champagne à 9h du matin ! C’était un super moment qui est resté dans les mémoires. Depuis, c’est une habitude pour chaque nouveau client. En fait, c’est important dans la vie de l’entreprise de fêter les succès. Et de les partager, pas seulement avec le commercial, mais avec toutes les équipes qui ont contribué en amont ou qui vont suivre. C’est important pour la cohésion d’équipe.
Votre premier recrutement, bon choix ou cata ? comment Vous vous y êtes pris ?
Mon premier recrutement a été une cata !
Déjà ce n’était pas mon boulot, dans le sens où je n’étais pas formé pour ça, je n’avais pas de process. Et en plus, il y avait une pression forte d’urgence car l’activité était importante…
Nous nous sommes lancés dans un recrutement classique ; Pole Emploi, CV, choix … Je ne l’ai pas fait seul mais in fine, c’est moi qui ait validé. Au moment où je l’ai fait, en mon fort intérieur, je savais que c’était un choix par défaut, c’était une recommandation d’un manager avec qui j’étais déjà en conflit … et, en plus, on n’a pas réagi aux premiers signes, nous avons donc laissé la situation se dégrader.
Entre 2010 et 2014, nous avons eu 23 arrivées départs ! Un turn over hyper important, des départs volontaires, d’autres poussés, des nouveaux postes aussi, …
Le contexte était particulier, nous étions 13 dans la société au moment où Jean-Michel Pou a souhaité nommer un directeur général et le choisir parmi les équipes en place. Forcément, cela crée quelques tensions et frustrations …
Aujourd’hui, vous êtes combien ? Cette expérience a-t-elle fait changer l’approche ?
Nous sommes 20 sur Clermont et 2 à Milan. A partir de 2011, nous avons opéré un complet changement de culture du management : plus responsabilisant, plus axé sur la confiance et le bien-être au travail. En 2014, nous étions bien meilleurs, parce que plus au clair avec nos objectifs.
Au départ, je suis plutôt autoritaire, par culture familiale mais ce premier échec m’a amené à une profonde remise en question.
Nous avons redéfini nos manières de recruter et nos priorités. Notre démarche en amont a été de définir les valeurs de l’entreprise, avec l’ensemble de l’équipe. Puis en fonction de ces valeurs, nous avons pu affirmer que nous cherchions des personnalités, capables de s’intégrer à l’entreprise et à l’équipe, plus que des compétences. Nous préférons choisir une personne qui aura les capacités à chercher ce qui lui manque au niveau technique et qui a le bon état d’esprit.
Racontez-moi une blague
Notre process de recrutement insiste beaucoup sur une vraie validation de l’adhésion aux valeurs. Nous avons un tas de questions pour tester les valeurs, qui peuvent être déstabilisantes parfois (racontez moi une blague, …) pas parce qu’elles cherchent à l’être mais parce qu’on ne parle pas forcément des sujets auxquels les candidats s’attendent et sont préparés. Et puis, il y a une finale un peu particulière : nous sélectionnons 2 ou 3 candidats ensemble, ils disposent de 10 minutes pour faire une présentation de Deltamu devant les futurs collègues (associés au recrutement et à la décision finale car ils choisissent leur futur copain, c’est important) et les autres candidats. Ensuite il y a un débriefing positif, collectif, de soi et des autres par chaque candidat.
C’est une démarche très révélatrice de l’état d’esprit : il y a un enjeu fort pour les candidats et cet enjeu révèle souvent leur nature profonde. Pour certains, il est difficile de se retenir de critiquer les autres. Je me souviens d’un candidat qui sortait du lot mais dont l’attitude générale (le melon !) a découragé tout le monde !
Votre premier gros conflit professionnel, c’était ? comment vous gérez maintenant ?
Cela concerne aussi la question du recrutement. C’était un conflit important, qui s’est mal terminé. Je suis assez sanguin, je peux partir très vite dans les tours, alors qu’il faut gérer avec sang-froid, cela peut paraître contre nature pour moi, qui aime bien dire les choses comme je les pense … or il faut apprendre à faire attention à ce que l’on dit, et être plus stratégique, par rapport à l’objectif ; il faut être plus fin.
Cela a été vraiment difficile humainement (je suis beaucoup dans l’affectif), cela m’a bien empêché de dormir… quand on n’est pas un vrai salaud au fond cela ne peut pas laisser indifférent.
Mais bon, ce conflit a été nécessaire aussi pour se remettre en question et réfléchir à ses réactions futures. Le dernier ‘conflit’, je l’ai beaucoup mieux géré, en étant à la fois moi-même, en étant honnête, plus à l’écoute. Et le résultat a été bien différent : un départ amiable et un contact conservé.
Votre premier signe de reconnaissance ?
Un collaborateur que j’apprécie beaucoup m’a dit lors de son entretien annuel “ je ne te le dis pas assez mais je voudrais te dire que tu as évolué de manière très positive. Tu es vraiment devenu notre leader” Ca m’a énormément touché de la part de quelqu’un qui partage peu ses sentiments mais qui était vraiment hyper sincère. Je n’attends pas d’autres signes que de voir les équipes venir bosser avec le sourire, passionnées par ce qu’elles font … j’estime avoir fait mon boulot !
Votre première reconnaissance ‘officielle’, peut-on dire que ce soit le label Happy @Work dans lequel Deltamu s’est engagé ?
Oui, parce que ce label vient matérialiser les efforts que l’on a engagé depuis longtemps sur le sujet du ‘bonheur au travail’. Ceux qui voudraient se lancer dans cette démarche pour démarrer sur le sujet ont intérêt à être solides psychologiquement ! Le principe, c’est un questionnaire proposé à tous les collaborateurs, anonyme bien sûr, et sur la base du volontariat, qui traite de tous les sujets en lien avec l’environnement de travail, son poste, le management, l’ambiance, les valeurs, l’égalité, la clarté des rémunérations … c’est très large et un algorithme définit la note sur 5 de l’entreprise, qui reçoit une analyse des résultats par tranche d’âge, par sexe, par métiers, … et un benchmark par rapport à des entreprises comparables.
Le questionnaire anonyme, c’est un peu comme les réseaux sociaux, puissance 1000 ! Parfois, les réponses et commentaires sont très violents. En tant que manager, il faut savoir prendre la juste distance : cela permet de libérer la parole, c’est un indicateur précieux de la compréhension que peuvent avoir les collaborateurs de la stratégie de l’entreprise. C’est une opportunité pour faire plus de pédagogie. Sur nos valeurs, par exemple, je me suis rendu compte que la notion d’implication était floue, tout le monde n’a pas le même rapport au travail, à la responsabilité. Nous avons retravaillé ensemble pour mettre un sens partagé derrière ce mot. Et puis nous l’avons décliné dans le cadre de nos entretiens annuels, avec un jeu de cartes dans lequel chacun choisit 3 cartes qui représentent ses forces et la discussion s’engage sur cette base : ses forces, leur intérêt pour l’équipe et l’entreprise …
On ne le fait pas chaque année mais c’est un bon indicateur et puis cela permet d’enrichir la marque employeur, c’est bon pour l’égo de l’équipe aussi, c’est valorisant.
Votre prochain challenge ?
Poursuivre l’aventure. Deltamu se développe à l’international, notamment avec une nouvelle filiale en Italie. Plus globalement, faire en sorte de poursuivre le développement de produits et de services de qualité, de renforcer la cohésion de nos équipes, d’attirer des compétences, des femmes et des hommes (plus de femmes d’ailleurs 😊!) tout en conservant nos valeurs, notre état d’esprit et l’engagement.
Le mot de la fin DELTAMU & #Covid-19 ?
Le télétravail permet de mettre en œuvre la cohésion d’équipe de mes 19 collaborateurs. Nous essayons tous ensemble de donner de la bonne humeur aux collaborateurs seuls, vivant des un petit appartement pour vivre au mieux le confinement qui risque de durer.
Pour cela nous utilisons Teams. Le « bonjour » du matin souvent avec une photo et/ou de la musique, le coffee break en visio, des blagues, etc.
Pour les managers ce sont des contacts vidéos quotidiens avec les autres collaborateurs. Et le vendredi en fin d’après-midi c’est la vison à 20…ambiance assurée.
Et puis, en confinement, on remplace aussi quelques pauses café par une pause Legos, et les collègues par … les enfants !