LA RELEVE #1 – Abba DIOURTÉ

LA RELEVE #1 – Abba DIOURTÉ

Par Joséphine CAPITANT et Anouar AFQIR

On ne peut pas faire semblant d’entreprendre.

Aujourd’hui place à Abba Souleymane DIOURTÉ ! Étudiant et entrepreneur à la fois, ce passionné s’engage dans une aventure entrepreunariale qui n’est pas de tout repos. 

Le confinement ne nous a pas découragés (#stayathome), c’est donc au bout du fil que nous avons interviewé Abba !

 

Qu’as-tu fait après ton bac ? 

J’ai obtenu mon bac en 2011 à Bamako au Mali, ensuite j’ai fait le concours d’entrée à « l’institut national de la jeunesse et des sports » où je suis rentré en STAPS dans le parcours management/sport.
Au bout de deux ans en STAPS au Mali, j’ai entamé les procédures pour venir en France pour continuer parce qu’au Mali il n’y a pas de débouché après la licence, donc j’ai fait les démarches et j’ai été accepté à l’Université Clermont Auvergne.
Je suis arrivé en L1 STAPS en septembre 2013, à la suite de cette licence j’ai intégré l’IAE, en Master 1 « management stratégique», et avec une spécialisation en Master 2 « entrepreunariat, innovation, sport, santé et qualité de vie ». 


Pourquoi t’as basculé dans l’entrepreunariat ?

Parce que je travaille en animation pour la ville de Clermont et que tous les hivers je voyais des parents s’énerver contre leurs enfants parce qu’ils ont perdu leur écharpe, leurs gants, etc. ainsi que des conflits entre instituteurs et parents. 
C’est la naissance de mon tout premier projet: une marque de vêtements pour enfants, dont le produit phare est une veste de saison qui intègre tous les accessoires. J’ai même le prototype du produit. Je n’ai pas pu lancer la production parce que, administrativement, en tant qu’étudiant étranger je ne peux pas créer d’entreprise en France. J’ai donc mis ce projet en stand-by.
 
Je ne voulais pas rester sans rien faire et juste attendre de finir mes études, alors j’ai créer un site web qui référence des activités de loisirs pour enfants. Ça m’a permis aussi d’être présent auprès de ma cible potentiel et d’avoir un canal de communication déjà établi lorsque les vêtements seront prêts à la commercialisation. 
Ensuite je me suis rendu compte que ce site ne me ressemblait pas, que ça n’avait pas de sens, j’ai donc décidé de changer le format et ai crée Loisirs Enfants, une association qui lutte contre les inégalités en terme d’accès aux activités de loisirs .

 

« Loisirs Enfants » c’est quoi ? 🤔

C’est une association créée en décembre 2019 dont la mission principale est de lutter contre les inégalités en terme d’accès aux activités de loisirs. Je travaille avec des familles, des adolescents et des enfants qui sont issus des quartiers politiques de la ville.
Je les côtoie au quotidien et je constate que cette population-là ne se dirige pas naturellement sur certains types d’activités dû au prix, à l’éloignement, au contexte social qui fait que ces personnes se disent « c’est pas fait pour moi ». 
On a donc mobilisé un réseau d’acteurs engagés qui est composé, d’un côté de prescripteurs, ce sont des personnes ou des structures qui vont nous permettre d’accéder à la cible finale; je prends l’exemple du secours populaire qui accompagne déjà des familles, des enfants en situation de difficulté notamment dans la distribution de denrée alimentaire. Et de l’autre côté il y a des prestataires donc ce sont des structures qui proposent des activités de loisir ou des tiers lieux qui mettent à disposition leurs locaux pour y organiser des événements (comme le Grin ou le 7àvous).  Donc nous on est vraiment au milieu, on a ce rôle d’intégrateur.

 

Selon toi, pourquoi question de la lutte contre les inégalités est-elle si centrale ?

Avec mon parcours de « Stapsien » je suis conscient des bienfaits de l’activité physique et du loisir en terme général sur les gens, et qu’à travers les jeux, les activités sportives une personne peut s’intégrer et s’inclure dans une société. 
La cible que je vise fait justement face à ce problème d’intégration et d’inclusion, j’ai face à moi des adolescents souvent issus des quartiers politiques de la ville qui n’adhèrent pas forcément à certains principes de la société parce que leur situation fait qu’ils se braquent à ces institutions. 
Donc je lutte contre les inégalités d’accès aux loisirs, car c’est un vecteur d’inclusion social, d’épanouissement et d’apprentissage. Il y a aussi ce relai éducatif dans ma démarche, par exemple donner accès aux musées pour une famille qui n’y met jamais les pieds c’est lui donner l’occasion d’apprendre davantage et lui permettre de s’épanouir aussi sur le plan éducatif.

 

Perçoit-on la même chose au Mali ? 🇲🇱
Y a-t-il des associations qui se mobilisent pour lutter contre ça ? 

Oui ces inégalités existent aussi au Mali, c’est pour ça que dans mon association il y a un deuxième volet que je n’aborde pas actuellement parce que l’association débute à peine. 
Il sera axé sur le Mali dans un premier temps, et dans un second temps sur tous les pays de l’Afrique de l’ouest. 
Toujours dans cette logique de lutter contre les inégalités, on va créer des espaces de jeux pour les enfants dans les quartiers du Mali parce qu’on n’y trouve pas d’endroit où les enfants peuvent jouer, il y a le petit terrain en terre où les enfants vont jouer au ballon mais il n’y a pas de lieu réel de loisirs, etc. Le but est de mettre en place des « lieux-ressources » pour les enfants et les parents. 

 

Qu’est-ce qui vous différencie des autres associations du même domaine ? 

Je m’oriente sur l’accès aux loisirs, et effectivement il y a plein d’associations qui essayent tant bien que mal de lutter contre ces inégalités. 
Je reprends l’exemple du secours populaire qui paye des congés et des vacances aux familles pour leur permettre de s’amuser et d’accéder aux activités de loisir. 
Là où je me démarque c’est que je propose des activités récurrentes, c’est à dire que tout au long de l’année je propose des activités à mes bénéficiaires, ainsi l’impact des nos actions est beaucoup plus fort. 
De plus, il y a aussi la dimension éducative, je n’organise pas un événement juste pour que les gens s’amusent, il y a toujours une ambition derrière, qu’elle soit pédagogique ou éducative. 

 

Travailles-tu seul ou il y a une équipe derrière toi qui se mobilise ? 

 Officiellement on est deux créateurs: moi-même et Rémi Clavel qui est administrateur de notre association et étudiant en marketing Master 2 à l’IAE Clermont Auvergne, il a donc des compétences en communication et en marketing. 
Autrement il y a d’autres personnes qui ne sont pas officiellement dans l’association mais qui travaillent avec nous quand on les sollicite pour avoir ses avis ou des idées. 

 

Quelle rencontre t’a particulièrement marqué au cours de votre parcours ? 

Michel Recopé, un enseignant en STAPS, c’est une « personne ressource » qui m‘a beaucoup aiguillé sur le sens que je donne à mes actions, ce que je veux réellement faire et surtout ce qu’il ne faut pas que je prétende être.

 

Quelle a été ta première fierté ? 

Le premier événement de l’association qui devrait avoir lieu le 4 avril prochain.
C’est un partenariat avec le secours populaire qui nous prescrit une dizaine de familles qui allaient venir au tiers-lieu le Grin pour assister à un jeu de société sur la thématique de l’Auvergne qui est proposé par Le Joueur Arverne. 
C’est de cette organisation que je suis fier, d’avoir mobilisé cette différence d’acteurs, trouvé un lieu et une date pour pouvoir mettre en place le tout premier événement de l’association. Il ne pourra malheureusement pas avoir lieu à cause du contexte sanitaire actuel, mais ce n’est que partie remise ! 

 

Ça représente quoi pour toi d’être incubé chez CoCoShaker ? 

Ça faisait partie de mes objectifs de premier rang. Quand j’ai crée l’association je voulais et je veux cet accompagnement pour être cadré et surtout être dans l’écosystème de l’entrepreunariat social, et à clermont l’entrepreunariat social c’est CoCoShaker. 
Je suis bien content d’avoir été sélectionné et d’être incubé parce que ça donne du crédit à mon projet ainsi qu’une forme de crédibilité, mais surtout ça m’apporte un accompagnement par des professionnels pendant 10 mois et ça m’ouvre à tout l’écosystème de CoCoShaker qui n’est pas négligeable.

Que pensent tes parents de ton projet ? 

En général mon entourage familial soutient mon projet, donc ce sont des encouragements de leur part, ce qui me fait très plaisir. Mais je fais attention à aussi prendre en compte d’autres avis, l’entourage familial à tendance à dire ce que l’on aime bien entendre.

Et pour tes amis au Mali ? 

C’est le même cas, plusieurs personnes attendent de pied ferme le déploiement des actions au Mali  pour pouvoir soutenir le projet concrètement. 
C’est génial, le jour où je vais déployer le projet au Mali, je sais qu’il y aura des ressources humaines pour mener des actions sur le terrain là-bas. 

Ton âge est-il un frein ou une source de motivation pour entreprendre ? 

C’est un avantage considérable ! Je dis toujours que c’est maintenant qu’il faut entreprendre. C’est pas à 40 ans avec une femme, deux enfants, une maison et une voiture à crédit qu’on va pouvoir entreprendre. Parce que entreprendre c’est prendre des risques,  je préfère en prendre au moment où je ne risque rien, actuellement je n’empiète sur l’avenir de personne, quand j’aurais d’autres responsabilités, comme des enfants dont il faudra assurer l’avenir, c’est sûr que la prise de risque deviendra moindre. 

Pourquoi entreprends-tu ? 

Tout le monde entreprend malgré lui, pour apprendre il faut forcément entreprendre, c’est pour ça que j’entreprends, j’ai aussi cette volonté d’impacter sur mon environnement de manière positive je veux toujours amener du changement et être moteur du bien être de mon environnement.


Étant toujours étudiant, comment fais-tu pour gérer tes études et ton projet à la fois ? 

Ça a toujours été un peu difficile, puisqu’en plus des études j’ai un boulot à côté. Parfois j’arrive un peu en retard en cours parce que je suis fatigué, c’est pas facile mais c’est ça l’engagement. 
On ne peut pas faire semblant d’entreprendre, sinon on avance pas.

 

Qu’est-ce qui te manque le plus du Mali ? 

Grosse question (rires) ! Je dirais l’ambiance, et je parle de l’ambiance générale. 
La nourriture, les petits plats Maliens, même si j’arrive à m’en faire ici.

Bamako ou Clermont-Ferrand ? 

C’est traître de poser cette question (rires), joker ! 

Si tu étais un jeu ? 

Les échecs. 

Une cause ? 

Et bien celle de la lutte contre les inégalités (rire).

Une fête ? 

Le 1er mai. 

Un message à faire passer ? 

J’en ai deux:

✉️ Le premier est pour toutes les personnes qui travaillent avec les familles et les enfants en situation de précarité: mon association existe, prenez contact avec moi.
En même temps je m’adresse aux structures qui proposent des activités de loisirs qui sont prêtes à
s’engager avec nous dans cette démarche, on serait ravi de vous compter parmi nos partenaires.
Prenez contact avec l’association !

✉️ Le deuxième message est pour les jeunes: entreprenez, engagez-vous pour votre société, pour ce qui vous importe le plus, pour apprendre il faut forcément entreprendre, il est donc important que chacun puisse développer ses potentiels en s’engageant au service du collectif.  

 

À propos de Pauline Rivière

Pauline Rivière est journaliste et rédactrice en chef du média en ligne le Connecteur. Elle est en charge du choix des dossiers spéciaux mensuels. Elle développe également des outils de datavisualisation à destination de l'écosystème de l'innovation et s'intéresse à l'innovation éditoriale. Avec sa société SmartVideo Academy, elle anime différentes formations à la réalisation de vidéos (au smartphone notamment) et à l’écriture audiovisuelle. Elle intervient également dans l'Enseignement Supérieur dans le cadre de projets pédagogiques digitaux, mêlant techniques de communication et sujets d'innovation.