La transition des ZAE : petits pas vers un modèle plus coopératif et durable

La transition des ZAE : petits pas vers un modèle plus coopératif et durable

Les zones d’activité économique (ZAE) sont en pleine mutation durable. Pour répondre aux défis environnementaux et sociaux, et amorcer leur transition, les entreprises locales adoptent de nouvelles pratiques de collaboration et de mutualisation. Cet article est issu de la série de podcasts Entreprises et résilience . Il a permis léchange entre plusieurs regards: ceux d’un élu, de chefs d’entreprises, d’urbanistes et des spécialistes des transformations. [Ecouter l’intégralité du podcast]

Comment s’engage la transformation des pratiques dans ces zones pour plus de durabilité et de résilience?

ZAE : les témoins d’une époque

Les zones d’activité économique (ZAE) sont des témoins de l’évolution des politiques territoriales et des dynamiques économiques locales. À Clermont Métropole, 35 zones couvrent près de 2200 hectares. Jusque là reflet d’une attractivité marquée par les notions de création d’emplois et de richesse, elles soulèvent désormais aussi des enjeux contemporains cruciaux. Pour engager la transition des ZAE, il s’agit de réinventer les pratiques de travail, limiter l’impact environnemental, concilier les nombreux enjeux liés au foncier (agriculture, biodiversité, aménagement, …) et transformer la concurrence en coopération. 

Christel Estragnat, chargée d’études en économie territoriale de l’Agence d’Urbanisme Clermont Massif Central, rappelle que les zones d’activités sont récentes. Les activités économiques étaient historiquement implantées en ville. Plusieurs sites et entreprises emblématiques du territoire en témoignent, comme Michelin, Cataroux, la Banque de France, La Montagne. Elles ont  émergé principalement dans les années 60 pour déplacer en périphérie des activités génératrices de nuisances. Par la suite, elles ont été rattrapées par l’étalement urbain.

Un lieu de paradoxe

Thierry Yalamas,PDG de Phimeca, souligne le paradoxe de ces zones. Ce sont des espaces très minéraux avec de grands parkings qui deviennent des espaces de vie. Mais elles enlèvent aussi d’autres formes de vie. C’est sans doute tout l’enjeu. Trouver comment répondre à ce paradoxe pour que le développement de la vie économique ne soit pas contraire à d’autres formes de vie.

Pour Sylvain Casildas, Vice-Président de Clermont Auvergne Métropole, les ZAE doivent se réinventer. Elles doivent s’adapter aux nouveaux enjeux contemporains, passant d’un symbole de modernité des Trente Glorieuses à de véritables lieux de vie… et engager la transition de ces ZAE.

Changement de paradigme pour les collectivités locales

“Nous avons repensé notre façon de faire. Par exemple, nous avons mis en place un critère sur l’optimisation foncière, c’est-à-dire que si quelqu’un veut construire un bâtiment de 400 m², on ne lui attribue pas 5000 m²”, explique l’élu. Nous créons un ratio entre le projet économique, les bâtiments à construire et le foncier demandé pour optimiser au maximum.  Nous sommes très vigilants sur les critères environnementaux. Tous les projets que nous examinons doivent inclure du photovoltaïque, de la récupération d’eau, etc. Nous veillons aussi à ne pas être en concurrence entre territoires. Le développement consiste aussi à être respectueux et à ne pas tout concentrer sur le territoire de la métropole.”

Raréfaction du foncier : le difficile arbitrage entre usages 

Les élus doivent équilibrer réindustrialisation et accueil d’entreprises innovantes avec le respect des règles environnementales. La Métropole se concentre sur la reconstruction des zones existantes et la gestion des besoins de chacun, y compris l’agriculture, essentielle pour les politiques alimentaires locales.

« Nous sommes au milieu d’un virage, dans un monde de transition. Notre politique publique sur l’aménagement économique est justement dans cette temporalité. Nous ne sommes plus dans le monde d’avant, nous ne sommes pas encore totalement dans le monde d’après. Nous sommes vraiment dans ce temps de transition. »

La réalité de la transition écologique sur le terrain

De leur côté, les entreprises doivent naviguer entre leurs ambitions écologiques et les réalités économiques et logistiques. Thierry Yalamas, dont l’entreprise est située en zone d’activité du Zénith et Vincent André cofondateur de Picture Organic Clothing, en zone de Ladoux à Cébazat, sont tous les deux engagés. Phimeca est entreprise à mission et Thierry Yalamas engagé dans la Convention des Entreprises pour le Climat Massif Central. Picture est labellisée BCorp. Chacune de ces démarches poussent à analyser ses impacts et repenser ses pratiques. Notamment concernant son ancrage local.

Le référentiel B Corp balaye très largement,  des statuts de l’entreprise aux moyens de déplacement des salariés, à la provenance de l’énergie utilisée…  C’est un label complet et compliqué à obtenir, mais qui donne du sens aux équipes. Lorsqu’il s’est agi de déménager l’entreprise,  Vincent André a envisagé la réhabilitation d’un bâtiment existant. Mais entre la difficulté de combiner tous les critères et un surcoût estimé à 30%, le projet n’était pas viable.

C’est donc dans un bâtiment neuf que s’est construit leur siège social, pensé pour minimiser l’empreinte au sol et maximiser la durabilité. Il intègre des parkings végétalisés et des installations photovoltaïques. « Nous consommons environ 80 % de ce que nous produisons en énergie dans la journée », indique-t-il. L’investissement écologique est rentable et bénéfique à long terme. Sur les panneaux solaires et la récupération d’eau de pluie, cela devrait être une base pour les constructions. Le PLU devrait l’exiger. Ce n’est pas si compliqué et on a de bons rendements. Il faut détromper l’idée que l’écologie coûte cher, car ce n’est pas le cas. 

La mobilité, point de friction

Thierry Yalamas, PDG de Phimeca n’a pas choisi l’implantation de son entreprise dans la zone du Bois Joli au Zénith. Mais il a choisi de devenir entreprise à mission et d’engager l’entreprise dans une démarche de responsabilité sociétale des entreprises (RSE),  qui l’a amené à établir son bilan carbone.  « Pour notre société d’ingénierie, il n’y a pas de machines à faire tourner et une quantité de déplacements relativement raisonnable. Notre premier poste d’impact carbone, ce sont les trajets domicile-travail. Que faire ?  Ma responsable RSE,  qui était à Paris, m’a gentiment demandé si je ne pourrais pas contacter les élus locaux pour voir s’il y a moyen de développer des choses  » 

C’est notamment de là qu’est venue l’initiative de créer l’association E Collectif. Regroupant plusieurs entreprises de la zone du Bois Joli, elle vise à développer des actions environnementales et écologiques. L’idée était de réfléchir ensemble à ce qu’on pouvait faire, à commencer par les choses qui ne nécessitent pas forcément des investissements lourds : chercher à développer le covoiturage, chercher à développer d’autres mobilités. Il y a des choses qu’on peut faire par nous-mêmes.

Une approche plus collaborative

Et d’autres pour lesquelles le fait d’être en association permet  de rendre les entreprises plus audibles auprès des acteurs institutionnels. C’est ce qui nous a permis d’être considéré par le SMTC et de travailler avec eux à la mise en place d’un plan de mobilité employeur, comme cela peut être fait pour de grandes entreprises. »

D’ailleurs, Claire Antoine relève que l’activité économique est intrinsèquement collective. Les échanges au sein des zones d’activité peuvent être fluidifiés pour renforcer les interactions économiques et sociales. La création de liens et la collaboration sont essentielles. Les zones d’activité économique peuvent devenir des lieux de vie, où les besoins essentiels comme se nourrir, se déplacer et échanger sont satisfaits.

Ces problématiques de mobilité  sont récurrentes dans les discussions autour des zones d’activité. Sylvain Casildas en connaît l’importance. « Le besoin arrive rapidement, mais nous sommes confrontés à la frustration du temps nécessaire pour les aménagements. Par exemple, le projet Inspire va desservir les zones, mais c’est trois ans de travaux et 300 millions d’euros d’investissement. » La transition des ZAE s’engage, à petits pas.

En résumé, quels leviers pour agir ?

Partager  

Pour Vincent André, par exemple, le partage des espaces, des infrastructures et des services entre entreprises  contribue à une meilleure utilisation des ressources. « Nous avons mis en place des infrastructures sportives que nous partageons avec d’autres entreprises. Non seulement cela permet de réduire les coûts, mais aussi de créer un véritable esprit communautaire au sein de la zone d’activité », ajoute-t-il.   » Il faut que se mélangent plusieurs entreprises pour mutualiser des équipements mais pourquoi pas aussi des expertises. Finalement, que ça ressemble un peu à une pépinière , mais pour des boîtes plus grosses aussi. » 

Prendre le temps 

Thierry Yalamas souligne l’effet boule de neige des actions collectives : « Osez vous lancer et n’ayez pas peur d’agir petit. Les petites actions entraînent souvent d’autres actions et créent des dynamiques positives. En avançant, on entraîne d’autres à suivre le mouvement ». Il ajoute « il faut garder à l’esprit la règle des 3T: Things take time ! Il faut savoir être patient et concentrer ses efforts. 

Rendre le processus désirable

Claire Antoine, consultante spécialisée en redirection écologique, ajoute qu’il est crucial « de prendre soin du processus autant que de l’objectif pour faciliter le dialogue et avancer ensemble.  Il faudrait “rendre le processus en lui-même désirable.  Remettre un peu de beauté, de joie et d’amitié dans le processus permet justement de faciliter le dialogue et d’avancer. Prendre soin du processus au-delà de l’objectif.”

Dire ses peurs et renoncer à avoir raison à priori

Virginie Rossigneux, co-fondatrice de Sens9, conseille la lecture de « L’entraide, l’autre loi de la jungle » de Pablo Servigne et Gauthier Chapelle, pour illustrer comment passer de la loi du plus fort à une capacité à collaborer et à construire ensemble. Et elle cite aussi la conclusion des réflexions du psychologue américain Will Schutz pour illustrer la performance du collectif.   “ […] J’en arrive à la conclusion que pour qu’une équipe soit performante, il faut qu’elle ose dire ses peurs et ses besoins et qu’elle renonce à avoir raison a priori.” 

Rejoindre des associations d’entreprises  

Les associations d’entreprises jouent un rôle crucial dans la dynamisation des zones d’activité et la mise en place de projets collectifs. Vincent André mentionne l’association APEL qui regroupe les entreprises du pôle économique de Ladoux, permettant de discuter des enjeux de la zone et d’organiser des actions communes. « On se retrouve vraiment tous ensemble pour discuter du devenir de la zone, de comment on fait pour se rencontrer peut-être un peu plus souvent, de ce qu’on peut améliorer, de ce qui marche et ce qui ne marche pas. »

 « La création d’associations d’entreprises permet de mutualiser les efforts et de maximiser l’impact des actions en faveur du développement durable », explique Thierry Yalamas.

Participer activement à des projets de biodiversité et de mobilité durable : 

Les entreprises peuvent s’engager dans des projets locaux, comme la création de corridors écologiques ou l’implantation de systèmes de transport partagés. « Participer à des projets locaux de biodiversité et de mobilité durable est essentiel pour réduire l’impact environnemental des entreprises et améliorer la qualité de vie au sein des ZAE », souligne Vincent André.

Adopter des pratiques de construction et de gestion durable 

Les nouvelles constructions et les rénovations doivent intégrer des critères environnementaux stricts, comme l’utilisation de matériaux écologiques et l’optimisation énergétique. « Adopter des pratiques de construction durable est crucial pour réduire l’empreinte écologique des entreprises et favoriser un développement harmonieux des ZAE », ajoute Christel Estragnat.

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Retrouvez la playlist « Double Minute Chrono » la courte interview vidéo de chacun des participants

– Sylvain Casildas, Vice-Président de Clermont Auvergne Métropole, en charge des Zones d’activités économiques.

– Christel Estragnat, chargée d’études Economie territoriale  de l’Agence d’Urbanisme Clermont Auvergne.

– Thierry Yalamas, fondateur et PDG Phimeca, zone d’activité du Zénith

– Vincent André, Picture Organic Clothing, zone d’activité de Ladoux

– Claire Antoine, consultante, redirection écologique et coach CEC

– Virginie Rossigneux, coach et cofondatrice Sens 9

À propos de Véronique Jal

Ma ligne guide depuis 15 ans, c'est le management de projets collectifs à fort "sens ajouté" : les fromages AOP, les hébergements touristiques, la démarche d'attractivité d'une région... et aujourd'hui l'innovation territoriale via un média associatif Toulousaine d'origine, j'ai découvert et choisi l'Auvergne que mon parcours pro m'a amenée à connaître sous plein de facettes. J'adore cette activité qui nous permet d'être en situation permanente de découverte.