Par Damien Caillard
et Cindy Pappalardo-Roy
Chaque premier dimanche du mois, nous vous proposons à 15h un entretien avec un speaker d’une édition précédente du TEDxClermont. Ils nous expliquent ce que leur talk leur a apporté.
>> Voir le talk de Noémie Mermet-Joret en vidéo (TEDxClermont 2017)
Le Connecteur est partenaire éditorial du TEDxClermont
Votre spécialité concerne l’étude des “circuits neuronaux de la peur” … pouvez-vous nous en dire plus ?
Je suis chercheuse en neurosciences. J’ai effectué ma thèse de doctorat à Clermont, où je travaillais sur le développement de la douleur chez l’enfant. On s’intéressait à comprendre comment se développe un symptôme douloureux particulier, l’allodynie, qui se décrit par le ressenti d’une douleur provoquée par un stimulus tactile normalement indolore.
Je suis jurassienne d’origine, j’ai beaucoup bougé pour mes études universitaires, entre Besançon, Lyon puis Clermont pour ma thèse. Maintenant, je suis à Aarhus au Danemark, une ville universitaire très dynamique. J’effectue un post-doctorat, la suite logique après la thèse, mais sur une thématique complètement différente : je m’intéresse (…) aux circuits cérébraux d’une peur acquise versus ceux d’une peur innée.
Ces sujets de la douleur et de la peur sont liés à un intérêt scientifique pur. Durant mes études en neurosciences, j’ai travaillé sur de nombreux mécanismes cérébraux, en enregistrant l’activité électrique des neurones (enregistrement électro-physiologique). Cette technique m’a permis d’aborder des thématiques différentes et d’avoir une approche transversale des neurosciences.
Comment avez-vous pris contact avec l’univers TEDx ?
En 2015, j’avais été contactée par Alexis Offergeld* suite au concours “Ma thèse en 180 secondes”où j’avais remporté la finale internationale. C’était mon rêve de faire une intervention TEDx talk… Je travaillais sur la douleur chez l’enfant, une thématique d’autant plus intéressante qu’on s’y intéressait depuis relativement peu de temps. Je voulais donc remuer un peu les consciences.
Mais, à la même époque, je perdais mon grand-père d’un cancer, qui est décédé quelques jours avant le TEDxClermont [2015]. Parler sur scène d’une douleur physique, alors que je vivais une douleur émotionnelle forte, était très difficile. Je pensais pouvoir le faire, je m’étais même beaucoup raccrochée au TEDx. Mais j’ai eu une grosse boule dans la gorge dès que j’ai pris la parole, et j’ai dû arrêter mon discours.
C’était un moment difficile. Comment avez-vous pu rebondir ?
Je suis remontée sur scène après cela, pour m’excuser et m’expliquer auprès du public. Et cela m’a permis de parler de douleur émotionnelle (…) j’ai d’ailleurs trouvé très émouvant que les gens m’écoutent et m’applaudissent ! Le public a été bienveillant. Et, quand je suis revenue au TEDx par la suite, les organisateurs m’ont dit que c’était un des plus beaux moments de l’édition 2015, car il fut très intense et spontané.
Je voulais tout de même faire ce talk, mais l’année d’après, l’événement tombait le lendemain de ma soutenance de thèse… Lionel [Faucher]** et Dominique [Aimon]*** m’ont heureusement proposé de le conclure en 2017, ce qui répondait à un sentiment d’inachevé que je gardais. Cette année-là, cela s’est très très bien passé !
Que vous as apportée l’expérience TEDx ?
Avec le recul, j’ai peut-être eu un peu de visibilité… J’ai été contactée par un médecin suisse qui travaillait sur les douleurs neuropathiques – liées à une lésion nerveuse – pour [participer] à la rédaction d’articles scientifiques et à l’écriture d’un livre. Mais, par rapport à mon sujet de recherche actuel sur la peur, cela ne m’a pas spécialement aidé. Quand j’ai fait le talk TEDxClermont, mon superviseur actuel regardait le live sur internet, et il avait une certaine fierté d’avoir quelqu’un de son groupe qui participait à un TEDx. Je pense que c’est quelque chose qui va m’aider de toute façon dans la vie, au-delà de mon CV.
Pourtant, comme la douleur de l’enfant est un sujet assez récent, j’espère que mon discours a pu faire prendre conscience aux gens que le sujet était d’importance. D’un point de vue personnel, la préparation du TEDx Talk était extrêmement enrichissante. Ce n’était pas du même niveau que la “Thèse en 180 secondes”, où on doit résumer le propos d’une thèse en 3 minutes. Un TEDx, c’est différent : le public n’est pas le même, la préparation est plus exigeante, plus cadrée, je l’ai vécu comme un challenge personnel. Parce que je refaisais le talk en 2017, et parce que c’est un sujet qui me touche personnellement.
Votre expérience professionnelle vous a-t-elle aidée dans votre vie personnelle ?
Ici, au Danemark, j’ai eu un bébé [mi-2018] et j’ai vu comment les choses se passaient. Après la naissance, on laisse les bébés tranquilles ! Pas de piqûre, pas d’aspiration des glaires avec des tubes dans l’œsophage, et une forte préservation du lien mère-enfant… C’est une manière de faire globale qui essaye de préserver le bien-être [du nourrisson]. C’est à mon avis surtout culturel, mais je n’ai pas étudié la question de manière scientifique. Néanmoins, tout se fait de manière beaucoup plus simple : on fait confiance à l’humain, même au bébé, et c’est parfait ainsi.
*Alexis Offergeld : co-porteur de la licence TEDxClermont
**Lionel Faucher : co-porteur de la licence et principal organisateur du TEDxClermont
***Dominique Aimon : un des principaux coaches du TEDxClermont
Photo de Une et vidéo du talk : TEDxClermont
Entretien réalisé le 24 octobre 2018. Propos synthétisés et réorganisés par la rédaction pour plus de clarté, puis relus et corrigés par Noémie.
Vous pouvez lire le profil universitaire de Noémie pour en savoir plus
Le talk de Noémie au TEDxClermont 2017 :