A quand une coopérative funéraire en Auvergne?

Cette semaine, nous nous penchons sur l’émergence des coopératives funéraires en France. En privilégiant l’accompagnement personnalisé et l’information exhaustive sur les options funéraires, ces structures se positionnent comme des alternatives aux entreprises funéraires traditionnelles, ouvrant la voie à des pratiques plus inclusives et respectueuses des souhaits des défunts et de leurs proches. Echanges avec Julien Grouiller, porteur de projet sur Lyon.

Avant de parler de coopérative funéraire, parlez-nous de votre parcours

Julien Grouiller : J’étais en Charente-Maritime jusqu’à la fin du lycée. Ensuite, j’ai poursuivi mes études à Bordeaux en géographie, puis j’ai continué en région parisienne où j’ai étudié l’urbanisme. A la fin de mon cursus, j’ai commencé à travailler en collectivités locales, et cela pendant 15 ans.

J’ai occupé des postes très variés, avant d’intégrer un EHPAD public. C’est là que j’ai abordé le sujet de la mort, notamment avec les personnes âgées, dans le cadre de l’organisation de leurs obsèques. »

À quel moment cela est-il devenu un projet professionnel pour vous ?

Julien Grouiller : Lorsque j’étais étudiant, j’ai eu une première expérience comme porteur funéraire. Puis, ce sujet est revenu au moment du COVID. Les gens ont dû faire face à des situations très inhabituelles lors du décès d’un proche. Ce contexte m’a vraiment interpellé et j’ai commencé à en parler autour de moi.

Avec le recul, certaines personnes se sont rendues compte qu’au moment de la gestion des obsèques, elles avaient eu le sentiment de ne pas être écoutées et d’avoir été mal conseillées.

Elles ont souvent mentionné une posture trop commerciale de la part du personnel funéraire, ce qui ne leur a pas permis de faire des choix éclairés. Cette perception a été corroborée par une enquête que j’ai réalisée, où la majorité des personnes interrogées n’étaient pas satisfaites de leur relation avec les pompes funèbres.

Aujourd’hui, il y a beaucoup de questionnements autour de l’économie funéraire, considérée comme opaque. La Cour des comptes dans un rapport de 2019 pointe que “le secteur se caractérise par sa concentration, la hausse des prix et leur manque de transparence”. Il est également évoqué le non-respect de la réglementation, et l’insuffisance des conseils fournis par les professionnels funéraires.

C’est en me documentant sur le secteur funéraire que j’ai découvert l’initiative des coopératives funéraires. Ce sont des collectifs de citoyens qui se sentent concernés par notre rapport à la mort et sur la manière de se réapproprier cette question. Avec quelques personnes, nous avons décidé de contacter celles qui existaient à Nantes, Rennes et Bordeaux. C’est à partir de ces premiers contacts que nous avons envisagé la possibilité de pouvoir développer ce type de projet en 2021 pour répondre aux besoins des personnes endeuillées.

Concrètement qu’est-ce qu’une coopérative funéraire ? »

Julien Grouiller : Une coopérative funéraire fonctionne comme une entreprise de pompes funèbres classique. Elle doit avoir une autorisation d’exercer délivrée par la préfecture.

La différence réside principalement dans notre posture professionnelle avec la volonté d’informer de manière exhaustive sur les possibilités funéraires et la législation afin de permettre aux personnes que nous rencontrons de faire des choix éclairés. Nous élargissons l’horizon des possibles par rapport à une entreprise classique, avec une posture de transparence et une offre très personnalisable.

La plupart des entreprises de pompes funèbres ne proposent pas de solutions alternatives et écologiques, contrairement à nous.

En outre, une coopérative adopte un modèle d’activité qui repose sur une structure à lucrativité limitée.

Nous avons travaillé avec Alter’Incub d’octobre 2021 à mars 2023. Cette collaboration nous a aidés à évoluer du stade de l’idée à un projet concret et viable. Nous avons élaboré un modèle économique viable, évalué l’impact social et environnemental, et établi des relations avec les acteurs de l’Économie Sociale et Solidaire (ESS) pour permettre à ce projet de voir le jour. » A terme, nous envisageons de créer une SCIC (Société Coopérative d’Intérêt Collectif) pour intégrer toutes les parties prenantes dans la gouvernance.

Néanmoins, pour le moment, notre projet existe sous la forme associative, qui est en fait une association de préfiguration de la coopérative funéraire. Cela nous permet de lancer les services funéraires tout en continuant d’avancer sur d’autres aspects.

Vous parlez de mieux informer les citoyens, est-ce que vous pouvez nous donner des exemples de propositions alternatives ?

Julien Grouiller : Par exemple, concernant le parcours funéraire, en cas de décès au domicile on peut envisager de ne pas utiliser les équipements funéraires comme les chambres funéraires. La plupart des personnes l’ignore, mais on peut organiser une veillée funéraire à domicile. C’est une pratique qui s’est perdue mais qui était très courante il y a 70 ans.

Sur le principe, on peut organiser des funérailles dans un domicile privé, avec la cérémonie funéraire dans le jardin.

Autre possibilité, lorsque l’on achète un cercueil, les pompes funèbres proposent différents types de capitons pour tapisser le cercueil. Il est tout à fait possible à la famille du défunt de fournir un textile, comme un drap de famille, qui sera installé gracieusement dans le cercueil. Il y a de nombreuses prestations que l’on pense souvent comme étant obligatoires dans le funéraire, mais qui ne le sont pas. Lorsque les gens découvrent ces alternatives, ils y ont majoritairement recours.

De même pour les urnes. Il n’est pas nécessaire d’acheter une urne spécifique, on peut la fabriquer tant qu’elle puisse contenir l’entièreté des cendres du défunt et qu’elle dispose d’une fermeture hermétique. Enfin, après avoir acheté le cercueil, la famille peut choisir de le récupérer quelques jours avant les funérailles pour le personnaliser avant d’y installer le défunt.

La réglementation, quand elle est connue, permet de distinguer ce qui est obligatoire, facultatif, et personnalisable, offrant ainsi un espace de possibilités très large.

En résumé, une coopérative funéraire prend le temps qu’il faut pour chaque famille, pour bien l’informer, sans aucune pression de vente, afin qu’elle puisse le plus sereinement possible organiser des funérailles personnalisées.

En plus de services, vous proposez une programmation d’animations ?

Julien Grouiller : « En effet, nous avons comme mission additionnelle, celle d’éduquer les citoyens au droit funéraire. C’est un univers trop méconnu. Pour ce faire, nous organisons des ateliers d’information sur les prestations funéraires (dans des centres sociaux, avec des universités populaires…) et nous relayons les évènements organisés par une autre association lyonnaise (ViThana) qui organise des cafés mortels. Les cafés mortels sont des événements qui ont pour vocation de permettre une réappropriation du rapport à la mort, car ces sujets sont souvent difficiles à aborder dans les cercles amicaux et familiaux. C’est un format où, pendant deux heures, les participants peuvent prendre la parole ou simplement écouter celle des autres. »

Quel est votre écosystème, qui sont vos partenaires clés ?

Julien Grouiller : Notre écosystème comprend un ensemble classique de personnes qui interviennent dans les funérailles, comme les transports funéraires, la préparation des corps, et le creusement dans les cimetières.

Ensuite, il y a ceux qui veulent changer les choses, comme les célébrants qui ont à cœur d’accompagner les personnes pour rendre un dernier hommage personnalisé au défunt. Ces célébrants prennent le temps de rencontrer la famille, sont à l’écoute et peuvent intervenir dans des lieux un peu différents pour les cérémonies civiles, autres qu’une salle de crématorium.

Nous développons également des collaborations avec des artisans locaux et nous suivons avec attention le développement d’entreprises comme Pivert funéraire (basée à Saint Etienne) qui étudie la possibilité de produire des cercueils à partir de matériaux recyclés. Cela permet d’incarner nos valeurs et de compléter notre offre de services. »

Quelles sont les prochaines étapes pour votre projet ?

Julien Grouiller : La prochaine étape importante est d’obtenir l’habilitation funéraire, que nous espérons avoir d’ici fin novembre. Nous avons déjà trouvé un local de 20 mètres carrés dédié à l’accueil des familles et au conseil funéraire, situé à Francheville à 5 km à l’ouest de Lyon. Nous souhaitons une ambiance orientée vers l’écoute, avec l’apparence d’un salon confortable. 

Il est important pour nous de ne pas avoir d’articles funéraires en exposition sur place, car nous voulons casser les codes traditionnels du funéraire. Nous poursuivons également la structuration de la coopérative, que nous prévoyons de finaliser d’ici la fin du premier semestre 2024.

Avec notre projet de coopérative, nous nous positionnons comme le chef d’orchestre, en quelque sorte, pour faire bouger les lignes du funéraire sur notre territoire et ouvrir la voie à la réalisation d’obsèques et de cérémonies davantage conformes aux besoins des personnes endeuillées. Nous sommes là pour accompagner les gens dans leurs choix, même en dehors des propositions standard.

Concernant le coût global, outre les prestations obligatoires dont certaines ont des tarifs proches des services funéraires traditionnels (transport funéraire par exemple), nous permettons d’avoir une facture des frais d’obsèques réduite car nous informons clairement les familles sur les alternatives qui leur permettent de personnaliser les funérailles sans acheter des produits standardisés comme les capitons.

C’est l’instant carte blanche. Avez-vous quelque chose à ajouter ?

Julien Grouiller : Je voudrais mentionner un événement organisé à Ambert, lors des Utopiades. Il y a eu une soirée consacrée à la mort. Cet événement a permis d’aborder les funérailles écologiques et les nouvelles pratiques, ainsi que ce qui évolue dans le secteur funéraire.

D’autre part, je pense que pour un projet de ce genre, il est important d’apprendre à en parler plus largement, de profiter de chaque occasion pour le présenter. Nous sommes un noyau dur et nous avons encore besoin de fédérer plus de citoyens et d’entreprises autour de nous.

C’est une thématique parfois difficile à aborder mais il est essentiel de mettre ce type d’initiatives sous le feu des projecteurs. Nous sommes convaincus que les coopératives funéraires correspondent à une aspiration forte d’une partie des citoyens. »

À propos de Pauline Rivière

Pauline Rivière est journaliste et rédactrice en chef du média en ligne le Connecteur. Elle est en charge du choix des dossiers spéciaux mensuels. Elle développe également des outils de datavisualisation à destination de l'écosystème de l'innovation et s'intéresse à l'innovation éditoriale. Avec sa société SmartVideo Academy, elle anime différentes formations à la réalisation de vidéos (au smartphone notamment) et à l’écriture audiovisuelle. Elle intervient également dans l'Enseignement Supérieur dans le cadre de projets pédagogiques digitaux, mêlant techniques de communication et sujets d'innovation.