Yoann Thomas est ingénieur spécialisé dans la blockchain. Il travaille pour The Sandbox, un des métavers les plus connus aujourd’hui. Une expertise encore rare en France et très recherchée par ce nouveau secteur économique en plein essor. Avec simplicité et pédagogie, il nous explique le fonctionnement et les applications du Web 3.0.
Ce dossier spécial est sponsorisé par Le Village By CA Centre France. Le Village by CA Centre France apporte son soutien à la mise en lumière des acteurs locaux de l’innovation.
Vous êtes aujourd’hui spécialisé dans la technologie blockchain. Pouvez-vous nous raconter les étapes dans votre parcours professionnel qui vous ont mené à ça ?
Je suis un Auvergnat pur souche. J’ai toujours été passionné par l’électronique. Je me souviens quand j’ai reçu ma première console de jeu, la master system. Pour moi, c’était un objet magique, nous n’avions pas d’ordinateurs à la maison et ça m’a subjugué.
Je n’avais qu’une envie, c’était de la démonter pour comprendre comment ça marchait. Je ne l’ai pas fait, ça coûtait trop cher ! À la place, j’ai intégré le Lycée Lafayette et je me suis très vite orienté vers l’électronique.
Pendant mon cursus, j’ai découvert l’informatique et j’ai rencontré un ami qui m’a initié à la programmation. Au début des années 2000, j’ai découvert que l’on pouvait créer des programmes tout seul. J’allais sur les forums spécialisés, je regardais des cours en ligne et j’achetais des livres. Ça m’a ouvert un nouveau champ de possibilités et j’ai choisi de faire un BTS informatique, puis une Licence Pro à l’IUT aux Cézeaux.
On peut lire sur votre profil Linkedin que vous êtes spécialisé Delphi le langage Delphi. En deux mots, qu’est ce que ça signifie pour les non-initiés ?
Delphi est un langage informatique qui existe depuis assez longtemps. Il a la particularité d’être très facile à prendre en main. Aujourd’hui, c’est devenu un langage de niche. En informatique, lorsqu’une nouvelle offre arrive sur le marché, cela signifie que d’autres vont forcément tomber en désuétude.
Très bonne transition. Pouvez-vous nous raconter comment de programmeur Delphi, vous avez basculé dans la blockchain ?
Je crois que la première fois que j’ai entendu parler de cryptomonnaie, c’était en 2009 sur un forum informatique. C’était un petit article sur le bitcoin au milieu des autres, mais ça m’a tapé dans l’œil. J’ai créé mon wallet sans vraiment comprendre. Je pensais que c’était une sorte de Paypal et je me suis assez vite désintéressé du sujet.
En 2011, un peu par hasard, je suis tombé sur un site qui suivait le cours du bitcoin. Le prix de vente était de 30 euros contre 10 centimes deux ans auparavant. C’est à ce moment-là que j’ai acheté mes premiers bitcoins.
Au départ, vous êtes plutôt sur le volet spéculation. À quel moment devenez-vous expert blockchain?
En 2014, arrive Ethereum, et la possibilité de programmer sur la blockchain. C’est la possibilité de faire ce que je fais dans mon métier, mais sur un ordinateur décentralisé. Les programmes s’exécutent directement sur des blockchains. Finalement, ce sont les équivalents des programmes sous Windows. Pour un développeur, ça commence à devenir techniquement intéressant.
En 2014, dans le monde de la recherche, il existe déjà pas mal d’ouvrages sur le sujet. En lisant, je m’aperçois que ça fait 40 ans que la décentralisation intéresse les chercheurs. Comme je suis personnellement un adepte du learning by doing, je commence à créer des projets sur la blockchain et à les déposer sur Github. C’est une plateforme qui permet aux développeurs de partager, publiquement ou non, les codes qu’ils créent. Ça nous permet de montrer nos compétences lors d’un entretien d’embauche par exemple.
Et c’est ce que vous avez fait, désormais, vous travaillez pour The SandBox, un des métavers les plus populaires en ce moment ?
Oui. J’ai fait la bascule en 2021. J’ai répondu à une offre d’emploi d’une société de services spécialisés dans la blockchain. Elle m’a mis en relation avec The Sandbox. Aujourd’hui, je développe des smart contracts, ou ce que l’on appelle en français des contrats intelligents.
Est-ce que vous pouvez nous expliquer simplement la place des smart contracts dans la blockchain ?
Pour simplifier, aujourd’hui, derrière chaque NFT, on trouve un smart contract. Du moins, c’est le cas sur Ethereum, qui est aujourd’hui la blockchain la plus utilisée pour les NFT.
Un NFT, jeton non-fongible est par définition unique. Il ne peut être possédé que par une personne à un moment donné. Pour savoir qui le possède, il faut un programme, et c’est là qu’interviennent les smart contracts. C’est comme un grand registre qui dirait : dans cette série de NFT, le personnage 1 appartient à Alice, le personnage 2 à Bob etc …
Le smart contract permet aussi l’achat et la vente de NFT puisqu’il garde la trace de toutes les transactions effectuées. C’est un élément essentiel dans la blockchain et dans le métavers pour assurer la possession numérique.
Vous travaillez pour The Sandbox, pouvez-vous nous expliquer à quoi peut servir un métavers ?
Aujourd’hui, c’est principalement la partie gaming qui se développe dans les métavers. N’importe qui peut créer un jeu. Dans le métavers, le créateur de jeu est systématiquement rémunéré. C’est ce que l’on appelle la token economy qui est générée par le métavers.
Parallèlement à l’univers gaming, il y a des marques et la grande distribution qui commencent à acheter des terrains dans les metavers pour des expérimentations. On est au commencement du web 3.0 et il y a des acteurs qui veulent être précurseurs dans ce que sera l’internet du futur.
Facebook a annoncé qu’il allait créer son propre métavers. Cela signifie qu’il peut y avoir différents types de metavers ?
Oui. Il existe plusieurs métavers. Les plus connus aujourd’hui sont Decentraland et The Sandbox. Par exemple, au sein de The Sandbox, il existe plusieurs univers. Des acheteurs s’offrent un terrain et ils peuvent y mettre des Lapins Crétins et des Schtroumpfs par exemple. Ils peuvent ensuite se regrouper pour créer un univers partagé.
Vous prenez des exemples autour du gaming, mais est-ce que l’on peut imaginer autre chose. Par exemple, j’achète un terrain et je le transforme en jardin collaboratif… Que se passe-t-il ensuite ?
C’est votre terrain. Vous pouvez choisir de restreindre l’accès à celles et ceux qui possèdent les tokens de votre jardin ou des tokens de vos partenaires. On peut organiser des forums de discussion sur l’agriculture si vous le souhaitez. Vous êtes le propriétaire et vous choisissez vos règles.
Si vous voulez aller plus loin, dans ce cas-là, vous basculez dans une DAO. C’est l’acronyme pour Decentralized Autonomous Organization, une Organisation Autonome Décentralisée. Dans une DAO,, vous créez un projet pour ensuite fédérer une communauté autour d’un smart contract. C’est ce qui permet de fournir des règles de gouvernance automatisées à votre communauté. Grâce aux DAO, on peut réfléchir à de nouvelles manières de faire participer une communauté aux prises de décisions et au projet dans son ensemble.
Avec l’arrivée du web 2.0 des acteurs comme Lycos ou Yahoo qui tenaient le marché de la navigation web ont aujourd’hui disparu ou presque, remplacés par l’hégémonie de Google. On est bien d’accord que le métavers d’aujourd’hui sera différent de celui de demain ?
Effectivement, le monde du Web 3.0 évolue tellement vite avec des acteurs mondiaux qu’il est difficile de prédire ce dont l’avenir sera fait. En tout cas, je pense qu’il y aura une grosse “correction” et que de nombreux acteurs vont disparaître, car actuellement, il y a tellement de projets et nombreux sont des copies ou n’ont aucune valeur ajoutée.
On critique beaucoup l’impact environnemental de la blockchain et le côté très commercial des metavers. Est-ce que l’on peut imaginer une blockchain for Good ?
Pour moi, c’est la philosophie même de la blockchain. Avec le WEB 2.0, les GAFAMS se sont emparés d’Internet. Le WEB 3.0 permet de décentraliser Internet.
Ainsi, avec la blockchain, on peut imaginer un nombre infini de cas d’usage. Le vote en ligne sécurisé, le dépôt de brevets, les titres de propriété etc etc … Avec la DéFI, la finance décentralisée, les gens vont pouvoir être responsable de leur argent.
Pour expliquer la révolution de la blockchain, on dit souvent ça : Web 1.0 c’est write. Il existait un petit nombre d’acteurs capables de créer du contenu. Le citoyen ne pouvait que lire ce contenu. Le WEB 2.0, c’est la possibilité pour chacun de créer lui-même du contenu. Le WEB 3.0 permet toujours de créer du contenu, mais cette fois il est assuré d’être rémunéré pour son travail. C’est une répartition plus juste de la création de valeur sur le web.
Pour le côté environnement, les nouvelles blockchains sont quasiment exclusivement basées sur la POS, la Preuve d’Authentification. C’est une consommation énergétique bien moindre que sur Ethereum. D’ailleurs, Ethereum dans sa nouvelle version compte bien passer par la POS. Concrètement, cela équivaut à une réduction de la consommation d’énergie de l’ordre de 99 %.
Ce web 3.0 pourrait effrayer les gouvernements, ils vont peut-être décider de réguler les métavers ?
C’est impossible. Ils peuvent éventuellement faire fermer les plateformes qui permettent de transformer les cryptomonnaies en dollars ou en euros, mais d’autres les remplaceront. La Chine a interdit le minage de crypto. Les fermes ont fermé et de nouvelles ont vu le jour dans d’autres pays. Le minage de crypto est rémunéré. Il y a aura toujours des personnes intéressées pour faire fonctionner le réseau.
Dans la tête de Yoann
Ta définition de l’innovation : Une idée avec du sens et pas juste un “truc” qui pourrait se vendre
Une belle idée de start-up : un Deezer utilisant la blockchain pour rémunérer les artistes
La start-up qui monte : SORARE
Où est-ce que tu vas à la pêche à l’info ? medium, google
Une recommandation pour s’instruire (livre, podcast, magazine, série) : Mastering Blockchain: A deep dive into distributed ledgers, consensus protocols, smart contracts, DApps, cryptocurrencies, Ethereum, and more, 3rd Edition
Une recommandation pour rire (livre, podcast, magazine, série) : The IT crowd (série)
une femme qui t’inspire/experte : Ada Lovelace (la premiere personne à programmer alors que les ordinateurs n’éxistaient pas!! )
L’Auvergnat.e d’ici ou d’ailleurs avec qui tu aimerais bien boire un coup : Blaise Pascal (même si je ne sais pas ce que je pourrais bien lui raconter 😉