Carte Postale Tiers-lieux 1/7 : Bourbon l’Archambault et le Mazier – Bocage Numérique

Carte Postale Tiers-lieux 1/7 : Bourbon l’Archambault et le Mazier – Bocage Numérique

Cet été, le Connecteur part à la rencontre de celles et ceux qui portent les tiers-lieux d’Auvergne. Il nous raconte l’évolution de leur projet et nous fait découvrir les initiatives innovantes sur leur territoire.


Bonjour Stéphanie, tu étais lyonnaise depuis quinze ans avant de décider de retourner dans l’Allier. Quel a été le déclic ?

J’ai vécu dans de grands centres urbains où je travaillais dans la Culture. Plus j’avais de responsabilité, plus je m’éloignais des gens, du terrain. 
J’ai eu envie de revenir à un environnement plus proche de la nature. J’avais envie de pouvoir aller me promener dans les champs avec mes enfants et de construire des cabanes dans les arbres. 

Et pourquoi un projet de tiers-lieu comme celui du Mazier ?

Je me suis demandée quelle pouvait être ma plus-value sur ce territoire ? J’ai échangé avec des gens du coin sur le sujet. L’idée d’un lieu hybride a commencé à germer.
Nous étions un noyau de sept personnes avec des compétences variées que nous souhaitions partager. Je suis spécialisée dans la stratégie culturelle et la recherche de fonds publics et privés, nous avons aussi deux professeurs, des personnes issues de l’animation, du médico-social, et quelqu’un avec des compétences en informatique, en robotique et en impression 3D. 

Comment fait-on pour coller aux besoins des habitants et pour se faire une place lorsque l’on revient de quinze ans de vie lyonnaise ?

Justement, nous voulions absolument éviter le cliché de la bobo qui revient de la ville et qui va expliquer aux habitants comment on fait les choses. Il fallait déconstruire cette perception. 
Nous avons pris deux ans pour monter ce projet. Nous avons fait de nombreuses rencontres terrain, c’était essentiel pour affiner un projet qu’on voulait vraiment collectif et partagé. Nous avons rencontré les différentes associations, acteurs, élus, pour éviter de doublonner ce qui se faisait déjà. Que chacun ait sa place sans se mettre les uns et les autres en difficulté.

Vous êtes installés sur Bourbon l’Archambault. Pourquoi ici plutôt qu’ailleurs ? 

Au départ, on voulait faire une “grange numérique” mais nous nous sommes vite rendu compte que pour de nombreuses personnes la revitalisation des centres bourgs étaient un sujet très important. Nous avons donc opté pour un local en centre-ville avec pignon sur rue pour participer à cette redynamisation.
Nous avons présenté le projet à plusieurs communes et Bourbon l’Archambault s’est rapidement positionné en nous proposant un local idéalement situé. 

Que pensez-vous de la place des collectivités et de l’Etat et des entreprises dans le déploiement des tiers-lieux.

Idéalement, nous aimerions un financement public/privé, mais la recherche de mécénat n’est pas si évidente. Nous pensons aussi qu’il est très important que les tiers-lieux gardent leur indépendance même si on ne peut se passer des fonds publics pour pouvoir être financièrement accessibles pour tout le monde.
Dans de nombreuses communes, ce sont les collectivités qui gèrent le lieu. Elles financent l’investissement, mais souvent très peu le fonctionnement. Ceci mène parfois un manque d’animation et de communauté. Nous voulons absolument éviter cet écueil. 

Justement, quelle est votre communauté ?

C’est très varié. Dans nos adhérents, il y a des familles, des personnes âgées, des personnes seules. Ils viennent de 25km autour de Bourbon. 
On a aussi des “expatriés », des Lyonnais, des Parisiens, qui cherchent un lieu pour travailler lorsqu’ils rentrent voir leur famille. D’ailleurs, notre adhérent le plus lointain vit à Los Angeles.
Ça s’est vraiment notre réussite. On est parvenu à faire du Mazier un lieu ouvert à toutes et à tous.

Quel est l’esprit de ce lieu ?

Tout d’abord, nous voulions un lieu de convivialité, d’où la création d’un café et d’un espace de coworking. Ensuite, nous avons intégré au projet un cyber-café et un fablab, car nous avions les compétences en interne et que les besoins en accompagnement au numérique sont importants ici.

Comment construisez-vous votre programmation et votre offre de services ? 

C’est le rôle de notre salariée, Charline. Elle est à l’écoute des besoins et surtout elle est très réactive. Elle identifie les personnes susceptibles de proposer une animation, mais aussi les sujets qui mériteraient d’être approfondis. 
Par exemple, on a une adhérente qui propose désormais le samedi matin un mini-stage de couture.
Très prochainement, nous lançons le café-fourmi. C’est un temps pour échanger et débattre. D’ailleurs, le premier thème que nous allons aborder est le concept de “body positive” avec l’intervention d’une ingénieure en nutrition locale. 

Alors que l’on voit de plus en plus de tiers-lieux baisser leurs rideaux, quel est votre modèle économique ?

Nous avons reçu des financements du département et de l’Europe. Nous venons d’être acceptés en tant que « Fabrique des territoires ».
Ensuite, il y a aussi l’organisation d’événements par des tiers comme la CRESS, AlterIncub, ou Cocoshaker. 
On a de plus en plus de demandes d’entreprises pour organiser des afterworks…

Justement, quel est votre premier cercle de partenaires ? 

Je dirais tout le monde. On travaille avec les structures qui sont proches géographiquement en recherchant toujours la complémentarité de nos savoirs-faire. Et plus largement aussi, les structures de l’ESS et les incubateurs. Ils ont bien compris que les tiers-lieux sont des têtes de pont sur les territoires et qu’ils font le lien entre les gens mais aussi avec les élus locaux, les collectivités, le conseil départemental, etc…

Et avec est-ce que vous ne travaillez pas encore, mais que vous aimeriez avoir comme partenaire ? 

Nous aimerions beaucoup pouvoir travailler avec la région, mais ce n’est pas le cas. Lorsque j’étais à Lyon, elle était incontournable sur les projets culturels. Ici, elle est assez absente notamment sur les sujets des tiers-lieux ruraux. Il n’y a pas encore de volonté affichée de structurer le réseau de tiers-lieux.

Très bonne transition. Est-ce que vous faites partie de réseaux ?

Oui, nous faisons partie du réseau des Coworkings et tiers-lieu de l’Allier: CoWorkInAllier.
Nous sommes également adhérents de France Tiers-lieux où nous faisons partie du groupe de travail sur la culture. Nous venons aussi de nous faire labelliser “nouveaux lieux, nouveaux liens”… 
Comme je vous le disais précédemment nous avons aussi reçu une réponse favorable pour l’appel à manifestation d’intérêt « Fabriques de territoires ». Nous avons répondu en consortium avec le projet de tiers-lieu « la Péniche d’abord » basé à Moulins. Cette collaboration nous permet de sortir de nos territoires et de créer des ponts entre les deux lieux. 

Quels sont vos projets pour la rentrée ?

On aimerait développer le café-fourmi, développer les projets avec les écoles et les établissements scolaires spécialisés (type IME) parce qu’on est persuadés qu’on peut être très complémentaires des enseignements scolaires.
Et en 2021, nous souhaitons aménager le premier étage pour installer un espace dédié au travail partagé avec salle de réunion et bureaux privatisables.

On dit souvent que les tiers-lieux sont des catalyseurs d’entrepreneurs et de projets innovants. Si je vous demande là comme ça de me trouver une dizaine de projets inspirants, vous vous en sentez capable ?

On peut essayer ….

Ecologie ?

Je dirais les jardins de Tivoli de Bourbon l’Archambault. “C’est un jardin partagé de 400 m² avec un verger à proximité de 30 arbres. Une haie fruitière de 800m borde le terrain. Le jardin dispose aussi d’une mare et de 9 hôtels à insectes.”
https://www.lepassejardins.fr/jardin-de-tivoli

Numérique ?

Il y a la Bourbon’net. C’est un projet initié par le Conseil départemental de l’Allier. C’est un bus numérique qui se déplace sur le territoire pour sensibiliser aux usages numériques et accompagnés dans les démarches administratives dématérialisées. 
https://www.allier.fr/866-la-bourbon-net.htm

Alimentation ? 

Il y a l’association Vitavrac qui fait du vrac bio dans les villages où il n’y a plus d’épicerie. L’entreprise livre en points relais dans tout le bocage. Toutes les infos par mail : vitavrac@gmail.com

Artisanat? 

Les biscuits du bocage à Bourbon l’Archambault. Ils fabriquent de super produits avec amour. A la base ils sont originaires du Midi, mais ils sont tombés amoureux du Bourbonnais. https://www.espritsportetbienetre.fr/des-biscuits-au-gout-de-lenfance-fabriques-a-bourbon-larchambault/

Santé ?

Je dirais la maison de santé à Saint-Menoux où de nombreux professionnels sont installés: orthophoniste, psy, diététicienne et ingénieure en nutrition, c’est un espace nouveau et important dans le coin.

Education ?

Alors j’ai entendu parler d’un projet d’une école de la transition écologique dans le bassin de vie, c’est encore un projet en réflexion mais les perspectives sont enthousiasmantes! les deux porteuses de projet cherchent à travailler en synergie avec les acteurs de la transition de l’Allier.

Culture ? 

Sans hésiter, Polymorphe.corp. sur la Communauté de Communes du Pays de Tronçais. Ils agissent pour la valorisation du territoire rural et en faveur de la création artistique.
https://www.polymorphecorp.com

Mobilité ? 

Un collectif citoyen issu du Mazier s’est constitué autour du sujet de la mobilité douce avec David Blouët qui a monté la Libricyclette.
Sur Lurcy-Levis, il y a aussi un atelier partagé de réparation de vélo géré par l’association Les décidées 
https://www.lamontagne.fr/lurcy-levis-03320/actualites/un-nouveau-service-avec-les-decidees-et-le-centre-social_13743614

Coup de coeur :

Il y a un projet de tiers lieu à Vichy à vocation culturelle « Le bouillon » . Compte-tenu de la situation sanitaire, Lucille Gorse qui porte le projet a développé un super concept d’apéro et spectacle livrés à domicile.
http://le-bouillon.fr

À propos de Pauline Rivière

Pauline Rivière est journaliste et rédactrice en chef du média en ligne le Connecteur. Elle est en charge du choix des dossiers spéciaux mensuels. Elle développe également des outils de datavisualisation à destination de l'écosystème de l'innovation et s'intéresse à l'innovation éditoriale. Avec sa société SmartVideo Academy, elle anime différentes formations à la réalisation de vidéos (au smartphone notamment) et à l’écriture audiovisuelle. Elle intervient également dans l'Enseignement Supérieur dans le cadre de projets pédagogiques digitaux, mêlant techniques de communication et sujets d'innovation.