Compte-rendu / « Parlons-en »: faire de la transition numérique une opportunité (19/1/17)

Compte-rendu / « Parlons-en »: faire de la transition numérique une opportunité (19/1/17)

Par Damien Caillard

Alexis Mons est le Directeur Général de l’agence digitale Emakina. De taille européenne et basée à Limoges, Emakina accompagne de nombreuse entreprises dans leur transition numérique. Alexis Mons est venu au Bivouac, dans le cadre de la conférence « Parlons-en » du 19 janvier 2017, s’exprimer sur la fin de la révolution internet et sur les marges de manœuvre stratégiques des entreprises face aux géants digitaux.

Contact: amo@emakina.fr / 06 76 09 31 18
Vous pouvez aussi suivre Alexis Mons sur Twitter: @AlecM

Accès rapide aux sections:

  1. Synthèse écrite de la présentation
  2. Replay vidéo et podcast audio intégral
  3. Interview bonus: ce qu’il faut retenir en 2 minutes de la conférence

La synthèse de la présentation

Les timecodes (minutes:secondes) indiqués dans les titres correspondent à la vidéo intégrale que vous trouverez dans la section suivante.

La transition numérique: un sujet déjà vieux, qui interpelle beaucoup le monde économique traditionnel. « Une PME/TPE sur deux pense que Internet est une mode »

1/ Depuis 25 ans, le monde a changé (1:47)

Aujourd’hui:

  • les avis gouvernent l’industrie (ex: TripAdvisor)
  • les gens consomment entre eux (ex: le Bon Coin, une solution pourtant très « low tech » mais très fortement valorisée)
  • les clients font partie du service (ex: Uber Pop)
  • internet recodifie le commerce (ex: les drives)
  • les objets connectés récoltent des datas phénoménales … (ex: Google qui rachète Nest)
  • … et changent notre rapport au corps (ex: les wearables)

Salvatore Iaconesi ,atteint d’un cancer, a « mis son cancer en ligne » pour avoir des retours de très nombreux médecins en ligne, et a pu choisir un traitement ainsi. « Un patient a repris en main sa santé, et a fait des médecins de simples consultants » résume Alexis Mons.

Les gens peuvent monter encore plus facilement et largement des fédérations même pour des jeux vidéo, s’entraînent à des sports en ligne immersifs (ex: GTA) … ce qui montre l’évolution très profonde, au niveau de la culture. Les nouveaux héros s’appellent Edward Snowden, ou encore les Anonymous.

Et encore plus: les drones livrent des colis pour Amazon et des médicaments au Rwanda. Des personnes handicapées se fabriquent leurs propres prothèses et leurs organes en 3D. Et des robots suivent déjà les soldats américains pour porter du matériel, parcourent les rayons d’Amazon et assistent des avocats dans l’étude de la jurisprudence (ex: Alain Bensoussan).

« Pendant ce temps, en Afrique, il est plus facile de se connecter à Internet que de trouver de l’eau potable » … et les éleveurs font du business par leur téléphone portable.

Ces changements datent du début d’internet, il y a 25 ans:

  • La base technique était un réseau de l’armée américaine capable de résister à une guerre nucléaire
  • en 1990, deux ingénieurs franco-suisses inventent les normes HTTP et HTML … et les rendent libres et ouvertes
  • en 1995, Amazon est créée et entre en bourse
  • en 2008: selon le CREDOC en France, les Français priorisent le budget box/téléphone sur la nourriture et le chauffage
  • en 2012, la connectivité est envisagée comme un besoin fondamental
  • en 2015, le Gartner annonce la fin de la révolution internet. « Passons à autre chose »

2/ Internet n’est plus un sujet: on raisonne en termes de bénéfice client (13:30)

Cela fait donc deux ans que la révolution internet est terminée. « Internet a disparu, et les gens s’en servent »: on n’y pense plus, c’est une erreur de penser internet. Les CDO ne servent qu’à enfermer internet dans une case, alors que tous les gens d’une entreprise devraient penser digital.

La problématique de l’outil n’existe plus. Internet est devenu naturel.

Maurice Lévy parle d’ubérisation. Le Gartner parle de « digital industrial economy« : toutes les entreprises sont industrielles et digitales. Du coup, le premier concurrent de la SNCF n’est pas Deutsche Bahn mais Google (qui peut inventer le ticket de transport unique, et peut faire de la SNCF un sous-traitant). De même, Accor lutte contre Booking et Airbnb (car c’est une guerre de plateformes), Engie est menacée par Tesla et Bluesolutions (sur les batteries de maison)

Point capital: l’économie ne raisonne plus en terme de métier mais de marché. Kodak a appris que le marché de la photo n’était pas une histoire de pellicule (Kodak avait inventé la photo numérique mais n’avait pas souhaité la lancer par peur de perdre son avantage concurrentiel … et a tout perdu au final).

L’économie raisonne donc en terme de bénéficiaires: quel bénéfice apporter au client final ? Le numérique n’est pas le lieu de l’innovation, mais un moyen pour agir plus vite, plus globalement, plus rapidement. C’est de la réintermédiation, cela permet de redéfinir la chaîne de valeur … à son avantage: c’est le principe du Business Model Canvas.

L’innovation n’est pas si forte que ça, les nouveaux entrants peuvent appliquer de vieilles recettes revisitées. Souvent les gagnants de la nouvelle économie misent sur 5 leviers:

  1. l’insatisfaction (ex: les taxis ici … mais pas au Japon, où Uber ne fonctionne pas car les taxis sont très satisfaisants)
  2. la défragmentation (ex: Amazon a « tout repris » et fait une seule plateforme dans un marché très fragmenté … et c’est ce qui menace les professions libérales type notaires, médecins, avocats)
  3. la redistribution (ex: Airbnb, qui reconcilie offre et demande)
  4. l’automatisation (grâce aux toujours plus nombreuses Intelligences Artificielles – un assureur japonais a licencié 34 personnes chargées du contrôle de contrats par une I.A. amortie en 2 ans.)
  5. la saturation financière (stratégie de Uber, qui a levé 56 milliards de dollars !)

« Quand on paye des gens pour travailler comme des machines, c’est malheureusement normal qu’on finisse par les remplacer par des machines » constate Alexis Mons.

Les nouveaux entrants vont donc vite, et tous les grands de la Silicon Valley fabriquent leur « Etoile Noire », souvent une I.A. (Google, Facebook, Salesforce, IBM …)

3/ Il faut redéfinir la norme de l’expérience client (23:30)

En 2009, le DG de Nike Trevor Edwards dit « notre travail n’est pas d’engraisser les médias mais d’être connecté à nos clients ». Résultat: fin de la pub faramineusement chère au Superbowl, et lancement d’un bracelet connecté. Cette gamme d’outils pesait 15% du C.A. en 2014 … et a arrêté la production, car Nike ID était devenu un standard de mesure de la performance sportive.

Il faut imposer sa norme: Uber dit qu’il y aura un chauffeur en costume, une bouteille d’eau à l’arrière, une radio de son choix … et Taxis G7 s’y conforme. Nespresso également, sur l’ouverture et le design des magasins. Amazon impose la livraison en 1 heure, et le bouton connecté pour commander sans ouvrir son appli. WeChat dit qu’un message texte doit être répondu en 10 minutes.

En 2016, 90% des entreprises étaient en concurrence sur la base de l’expérience client. Le client redevient central … et les entreprises redéfinissent les normes, et les niveaux de satisfaction attendus de leurs clients en termes d’expérience. L’expérience client est d’ailleurs multiformes: un parfum reproduit l’odeur du Macintosh neuf (car le déballage fait partie de l’expérience addictive d’Apple)

Les nouveaux entrants arrivent, il ne faut plus regarder les GAFA mais ces acteurs qui arriveront bientôt d’Orient : Baidu (search), Alibaba (commerce en ligne), WeChat (réseau social), Xiaomi (téléphones)

Toujours en matière d’expérience : dans la voiture autonome, la techno n’est pas un problème, c’est le lieu: que va-t-on y faire dedans ? Travailler ? Lire ? Dormir ? Converser ? De même, Echo d’Amazon utilise la conversation comme interface. « La personnalité [de l’I.A.] est la nouvelle expérience utilisateur ». Et, dans la même logique, la réalité virtuelle est en train d’échouer (trop individualiste, pas assez d’interaction) … or l’expérience est faite d’interaction.

4/ Mais il y a des réactions contre la technologie numérique (33:40)

Laurent Alexandre, Evgeny Morozov: Internet étant devenu omniprésent, il va nécessairement susciter des réactions sociales et syndicales (banques, ordres libéraux). Attention également à l’effet addictif de l’internet sur les individus: « la cigarette du XXIème siècle » ? Et Simon Sinek qui recommande de ne plus utiliser le smartphone dans sa chambre comme réveil, de parler à ses collaborateurs pour les managers, de « débrancher » …

Il faut prendre en compte cette réaction, et rééquilibrer:

  • Savoir être mémorable, plutôt qu’être une marque: apporter une utilité, un discours, une capacité d’action, une mise en relation … une expérience client.
  • Faire confiance aux clients et aux collaborateurs pour innover et avoir de très bonnes idées. Suivre les remontées (par Twitter, etc) de ses utilisateurs.
  • Revenir au brut, à la réalité humaine. Ne pas hésiter à filmer de manière basique pour montrer qu’il y a des gens, des moyens physiques. Investissez dans l’humain, c’est l’élément le plus important de notre monde technologique.

5/ Question du public: ce discours n’est-il pas réservé pour les zones urbaines connectées ? (42:35)

L’idéal de vie et de travail est dans ces endroits ruraux ou isolés avec une vraie connectivité, car les élus s’en sont chargés. Dans ce cas, les gens reviennent, des tiers lieux et espaces de coworking se montent, des gens se lancent en télétravail. Mais trop d’élus n’ont pas compris cela. C’est pourtant un enjeu fondamental.

6/ Question du public: il y a eu des révolutions technologiques et innovantes, puis les marchés se sont stabilisés. Quelle place pour des petites structures face aux géants de l’internet ? (45:50)

La vraie bataille est celle de la norme. Mais la norme est aussi un domaine où les Etats peuvent parfois maintenir une certaine fragmentation … ce qui peut mettre des bâtons dans les roues d’un Google. C’est notamment la bataille en cours sur la voiture autonome.

Et pour les PME ? 25 ans après le début de l’internet, c’est très difficile de vouloir imposer une norme en partant de zéro. Deux solutions: se lancer mais dans un marché de niche ici … ou, à terme, viser le rachat par un grand de l’internet en se déplaçant en Californie. Pour preuve, dans la Silicon Valley, 60 000 startups, qui se renouvellent à raison de 40 par an, sont à disposition des GAFA. Le marché se consolide en permanence.

7/ Question du public: les PME ont compris le principe du numérique, mais ont du mal à se positionner sur la nouvelle chaîne de valeur. Comment les y aider ? (53:00)

C’est assez simple: il faut remettre le client au milieu, en oubliant le métier. Aller parler au client pour voir comment il interagit avec l’offre de l’entreprise: certains n’y pensent pas (jusqu’à ce qu’il y ait un problème – exemple du bouton d’appel de Darty), d’autres imaginent des services autour de leurs besoins pratiques, qui consistent à renouer de la relation entre eux et l’entreprise.

Autre apprentissage d’internet: l’application des méthodes agiles dans de très nombreuses activités, parfois loin du numérique. Et en donnant la parole à tous, y compris « le stagiaire en bas à droite ». Et dernier conseil pour les patrons de PME, se renseigner sur l’utilisation du numérique par ses collaborateurs, à titre privé … car c’est un vivier utilisable pour le travail. Vous serez surpris sur les compétences de vos salariés. Ca aussi, c’est de la transformation numérique. Pour cela, il faut parler aux gens au lieu de rester scotché sur son téléphone.


Le replay de l’événement

La vidéo complète de la captation sur YouTube (1h02 minutes):

Tournage et montage Damien Caillard / Le Connecteur

Le podcast audio sur Soundcloud:

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Les interviews bonus

Alexis Mons revient sur le point fort de cette conférence:

 

À propos de Véronique Jal

Ma ligne guide depuis 15 ans, c'est le management de projets collectifs à fort "sens ajouté" : les fromages AOP, les hébergements touristiques, la démarche d'attractivité d'une région... et aujourd'hui l'innovation territoriale via un média associatif Toulousaine d'origine, j'ai découvert et choisi l'Auvergne que mon parcours pro m'a amenée à connaître sous plein de facettes. J'adore cette activité qui nous permet d'être en situation permanente de découverte.