Ezeeplant, la start-up qui développe les bio-épurateurs d’air

Ezeeplant, la start-up qui développe les bio-épurateurs d’air

Jean-Philippe Martinet est un des cofondateurs d’Ezeeplant. Cette startup travaille sur des solutions biomimétiques pour capter les aéropolluants afin d’épurer l’air de nos intérieurs. Il partage avec nous son expertise du monde horticole, filière peu connue en France, et son ambition de développer l’innovation et la R&D dans le secteur du végétal.

Bonjour, Jean-Philippe, parlez-nous un peu de votre parcours. Comment arrive-t-on dans le monde de l’innovation horticole ?

Je viens d’une petite ville de Haute-Savoie, à côté d’Annecy. J’ai passé ma jeunesse à bricoler avec des mécanos et des Legos. Après le bac, j’ai fait des études supérieures de mécanique, devenu aujourd’hui productique et génie mécanique.
J’ai eu quelques expériences junior dans la conception mécanique avant de me tourner vers l’horticulture sous serres. Pas par hasard, mon épouse était horticultrice.

A côté d’une agronome, j’ai apporté une vision plus automatisée, plus mécanisée au sein de ce métier resté très artisanal en France, sans doute parce qu’il requiert une solide expérience et une attention au végétal de tous les instants. 
J’ai souhaité faire le pont avec l’industrie pour réduire la pénibilité et optimiser la production. Pour cette entreprise positionnée sur un marché de détail, l’enjeu consistait à élargir la gamme, en restant compétitive. 
Avec cette équipe nous avons atteint l’objectif je pense. En libérant des opérations à faibles valeur, nous avons pu mobiliser du temps et des compétences sur les sujets de la réduction des consommations d’énergie et l’abandon des phytosanitaires. Deux sujets dont nous connaissons aujourd’hui l’importance.

En quoi une production artisanale est-elle un sujet limitant ?

Se rappeler qu’en horticulture la main-d’œuvre représente plus de 50% du prix de production. A l’instar de l’artisanat, si le pas vers la mécanisation et l’automatisation est indispensable, sa mise en place signifie de nouvelles compétences, souvent absentes et une autre approche métier. Le saut technologique ne peut se faire qu’en engageant l’ensemble de l’entreprise. En contrepartie, le temps que l’on ne passe pas à manipuler des plants par milliers, on le passe à écouter les clients, à maîtriser les populations d’insectes, par exemple.

J’ai pu impulser le principe de la PBI, (Protection Biologique Intégrée). Cette approche vise à remplacer les produits chimiques par des agents biologiques, les biorégulateurs. Pour faire simple, on embauche des coccinelles pour manger des pucerons.

Cette transition est un processus long, également un véritable projet d’entreprise. Pour y parvenir l’horticulteur va s’intéresser à l’entomologie (science des insectes). Les équipes vont surveiller en continu l’arrivée des parasites pour envoyer les auxiliaires (insectes amis) à  la bataille au bon moment. 

Est-ce que vous étiez précurseur dans cette approche ? Est-elle bien perçue par la filière horticole ?

Je n’ai pas été le premier, mais dans le peloton de tête. C’est une des conséquence de mon implication dans la recherche, au niveau régional, le réseau Astredhor. 

J’ai également été honoré de la confiance de mes pairs, en étant élu à la FNPHP, représentation professionnelle nationale. On a confié à notre mandature, les thèmes de la vente directe (Horticulteurs et  Pépiniéristes de France), label qualité (Plante Bleue – Fleurs de France).  Quelques thèmes m’ont particulièrement tenu à cœur, tels que la valorisation et l’attractivité globale du métier, une production moins énergivore et plus éco responsable. 

Les métiers de l’horticulture étaient déjà en tension à l’époque. La production est pratiquée par des passionnés, plutôt agronomes qui n’ont pas le critère compétitivité comme boussole. On retrouve les mêmes problématiques que dans l’agriculture. Les exploitations se transmettent de génération en génération, Le successeur porte la tradition familiale qui relègue parfois l’actualisation des pratiques au second rang. La trajectoire s’inverse aujourd’hui, avec l’arrivée de jeunes diplômés, portés par l’idée des circuits courts et de l’environnement.

A quel moment est-ce que vous décidez de vous lancer dans l’aventure Ezeeplant ? 

A travers mes mandats, nous avions pressenti que la production allait faire face à de grandes difficultés. La France perdu 80 % de ses capacités de production en 20 ans, cette année nous importons plus de 900 millions de plantes chaque année.

Face à un sentiment d’impuissance, j’ai eu envie de faire autre chose. J’ai toujours cru que le végétal est un produit extrêmement fort dont on n’exploite pas assez le potentiel incroyable. 

Mais il existe des freins à son utilisation. Beaucoup renoncent à adopter des végétaux, face aux contraintes de maintenance (arrosage) et à complexité apparente des plantes (pas de recette infaillible). Surtout, ce public ne souhaite pas contribuer à faire mourir une plante.
De là, est venue l’idée de proposer une plante qui nécessite un minimum d’attention et qui peut rendre des services supplémentaires.

Est-ce que vous pouvez pitcher EzeePlant ?

Nous créons des filtres biologiques pour l’air intérieur.
Vous adoptez notre poterie et vous transformez votre plante préférée en un filtre qui améliore significativement la qualité d’air sur votre pièce. 
Nous développons  également des murs végétalisés qui peuvent traiter l’air d’un bâtiment. Tous ces équipements utilisent une fonction présente dans la nature.
Les plantes ont besoin d’aller chercher des éléments nutritifs dans l’atmosphère, lorsque ces derniers viennent à manquer dans le sol.

Pour cela, elles s’associent  à des micro organismes actifs dans le sol et à la surface du sol. Le principe se déroule en deux phases, 

  • la microflore capte des gaz à la surface du sol
  • puis ces mêmes agents biologiques décomposent ces matières toxiques en éléments simples, assimilables par les racines.

Ce procédé biomimétique (copié/collé de la nature) est totalement naturel, sans danger car il se trouve sous nos pieds depuis très longtemps. Il a la vertu de transformer des aérotoxiques en matières utiles à la croissance des plantes. Cela veut dire que notre biofiltration ne produit aucun résidus car les plantes l’ont consommé.

Notons que ces micro-organismes sont particulièrement avides de ce qui est carboné, azoté ou soufré. Ces éléments minéraux indispensables à la croissance végétale s’accumulent de façon préoccupante dans l’atmosphère, depuis que l’humanité produit massivement des gaz à effets de serre.

J’ajoute qu’Ezeeplant n’est pas une aventure solitaire. 
Nous sommes cinq, dont 3 laboratoires à coopérer. Il y a les trois primo-fondateurs, Pierre Dambricourt, Nicolas Vadureau et moi-même. Ensuite, Frédéric Momal nous a rejoint, avant CEP, plasturgiste, et Greentech, producteur de micro-organismes.
Ezeeplant bénéficie de l’antériorité des recherches conduites par Plant’airpur et Phytair.

Vous vous adressez à des cibles B to B ou B to C ?

Nous allons commercialiser prochainement un produit destiné au grand public : Ezeepot en version 2. Nous développerons ensuite des grands formats qui pourront épurer un appartement d’environ 100 m2.
Pour la cible B to B, nous visons l’immobilier professionnel, neuf ou en rénovation, pour que l’on installe nos bioépurateurs sous forme de murs végétalisés afin de répondre aux nouvelles normes en vigueur ou à venir.

Où en êtes-vous en termes de R&D avec Ezeeplant ? Êtes-vous plutôt dans la phase de prototypage ou de pré-commercialisation ? 

La R&D n’a pas vocation à s’arrêter après la commercialisation. Nous sommes sur un processus d’amélioration continue.

Nonobstant, les premiers résultats de nos prototypes sont probants, ce qui nous permet d’envisager une première commercialisation de certains produits d’ici la fin de l’année.

Nous souhaitons renforcer notre plan de R&D pour le rendre toujours plus collaboratif. Nous sommes en train de nous rapprocher des pôles de compétitivité, des laboratoires académiques afin de faire avancer les connaissances concernant ce procédé. 

Dans la tête de Jean-Philippe Martinet d’Ezeeplant

Ta définition de l’innovation : 

  • La nature, la faune, innovent pour subsister et s’adapter aux conditions de vie, nous les hommes utilisons notre curiosité pour améliorer le quotidien, jusqu’où ?

Une belle idée de start-up : 

  • une app qui nous motive pour prendre le temps d’aller à sa propre rencontre (faire le tour d’un puy par ex), même si la météo n’est pas idéale, malgré l’attirance des écrans.

La start-up qui monte : 

  • Qu’y a-t-il derrière “monter”, le GIEC nous indique que pour l’heure nous suivons une direction incertaine… 

Où est-ce que tu vas à la pêche à l’info : 

  • Partout où elle est disponible, mais je m’aperçois de plus en plus fréquemment de ma myopie intellectuelle, que j’essaye de corriger, mais je ne suis qu’un homme qui tente de contextualiser, de séparer le grain de l’ivraie 

Une recommandation pour s’instruire (livre, podcast, magazine, série) :

  •  Il y en a tant… le Théâtre, Arte sont des valeurs sûres, et décompiler en marchant en pleine nature, j’ai dû oublier le web ?
  • Jean-Marc Jancovici, Etienne Klein, Claude Lorius, je sais, c’est un peu masculin, je m’en excuse auprès d’elles…

Une recommandation pour rire (livre, podcast, magazine, série) : 

  • Rubrique à brac, Raymond Devos, Gaston

une femme qui t’inspire/experte : 

  • Marie Curie, et beaucoup d’autres, telle Adrienne Bolland, dont le manque de notoriété est liée à une injonction culturelle moyenâgeuse 

L’Auvergnat.e d’ici ou d’ailleurs avec qui tu aimerais bien boire un coup : 

  • Vercingétorix, dans son rôle majeur, pour ce qui deviendra la France mais qui (ré)apparait également aux côtés d’Astérix de Diagnostix et d’Alambix,… dont tout le monde sait que le village n’est pas situé en Bretagne mais sur les rives du lac de Guéry

À propos de Pauline Rivière

Pauline Rivière est journaliste et rédactrice en chef du média en ligne le Connecteur. Elle est en charge du choix des dossiers spéciaux mensuels. Elle développe également des outils de datavisualisation à destination de l'écosystème de l'innovation et s'intéresse à l'innovation éditoriale. Avec sa société SmartVideo Academy, elle anime différentes formations à la réalisation de vidéos (au smartphone notamment) et à l’écriture audiovisuelle. Elle intervient également dans l'Enseignement Supérieur dans le cadre de projets pédagogiques digitaux, mêlant techniques de communication et sujets d'innovation.