Grands Groupes : quelles KPI pour les démarches d’Open Innovation ?

Grands Groupes : quelles KPI pour les démarches d’Open Innovation ?

Le Club Open Innovation Auvergne, porté par le Connecteur depuis 2018, rassemble des acteurs économiques du territoire, de tous secteurs et de toutes tailles, autour de la pratique de l’innovation ouverte. Les participants peuvent y échanger librement sur leurs expériences et leurs approches pour nourrir leurs méthodologies et renforcer leur posture de conduite de projet d’innovation. L’une des problématiques partagées est celle de l’évaluation des démarches : quelles KPI suivre pour mesurer l’impact d’une bonne démarche d’Open Innovation ?

KPI : évaluer et valoriser la valeur créée par l’open innovation.

De fait, c’est l’une des problématiques partagées par les participants: comment mesurer les effets d’une démarche d’open innovation sur des critères objectifs et « opposables » dans le cadre d’une évaluation interne par exemple ? C’est le sujet qu’ils ont décidé de traiter ensemble, sous plusieurs angles. D’abord, l’état de l’art. En effet, sur ce sujet, pas mal d’articles mais surtout beaucoup d’experts. L’étude réalisée par Maddyness fin 2020, auprès de 300 acteurs, amène pas mal d’éléments sur les pratiques en France. Comment se structurent les démarches d’OI ? Quel est leur impact sur les organisations ? Quelles en sont les failles et les dérives ? Quelles sont les pratiques en termes de mesure, de calcul du ROI en open innovation ?

Open Innovation, une pratique relativement jeune

Ainsi, pour une grande majorité des entreprises, la fonction est essentielle pour relever les défis des 5 prochaines années, en particulier la transition écologique et le développement de nouveaux business. L’Open Innovation demeure une discipline relativement jeune. Ses objectifs, et donc ses KPI , peuvent être très différents d’une entreprise à l’autre. Démarche dédiée à la culture interne ou à l’adoption de nouveaux réflexes ou carrément à l’industrialisation de nouveaux produits … l’échelle est large.

Force est de constater que la mesure de la performance des démarches d’Open Innovation est un sujet complexe et récent, sur lequel peu de recherches ont été engagées. En conséquence, les membres du Club Open Innovation ont souhaité enrichir de leur propre expérience la grille d’analyse proposée par Maddyness. Ils ont également organisé une session de travail avec des start up lors du Forum French Tech Clermont Auvergne pour bien appréhender freins, motivations et axes de progrès dans la collaboration.

Penser sa démarche Open Innovation en s’appuyant sur un BMC

Leur réflexion s’est structurée autour d’un Business Model Canva. En effet, ce modèle permet de parcourir l’ensemble des « clients » concernés par la démarche d’open innovation. Les canaux à actionner, le type de relations entretenues, les ressources et activités clés déployées, les partenaires à engager, le réseau à créer, les coûts et revenus générés … pour formuler une ou plusieurs propositions de valeurs. Et les KPI à y associer.

Cette réflexion a permis d’identifier des grands types de propositions de valeur et d’imaginer des indicateurs pour en mesurer l’efficacité. Elle a aussi conduit à rejoindre la typologie esquissée par Maddyness. On l’a dit, toutes les démarches d’open innovation n’ont pas les mêmes objectifs et donc les mêmes propositions de valeur. C’est la maturité de la démarche qui va faire fortement varier la valeur attendue. Bien comprendre comment on se situe permet d’affiner les objectifs, les indicateurs et in fine, la valeur produite.

Open Innovation, trois niveaux de maturité des entreprises

Ainsi, 3 degrés de maturité sont identifiés. Avec, pour chacun, des objectifs, des attentes et une livraison de valeur différente. Une échelle qui est très intéressante à appréhender et à partager. Pour les porteurs des démarches d’open innovation, leur environnement, leur hiérarchie mais aussi pour leurs partenaires potentiels. Bien comprendre les moteurs des parties prenantes, clarifier les livrables dès le démarrage d’une démarche ou d’une collaboration, et partager les KPI en amont, c’est tout l’enjeu d’une relation saine et réussie.

Les novices

Leurs objectifs

  • Comprendre l’environnement dans lequel l’entreprise évolue pour anticiper les risques et identifier les opportunités (ex: identification des besoins et des nouveaux usages technologiques)
  • Accéder à des connaissances et à une expertise au-delà de leurs ressources internes, identifier les ‘manques’ éventuels.
  • Faire bouger les lignes : ouvrir l’entreprise sur l’extérieur et à de nouvelles pratiques pour initier une transformation culturelle face au cloisonnement des entreprises, et au secret traditionnellement associé à la culture R&D.

La valeur potentiellement créée :

  • Acquisition de connaissances sur l’écosystème, les partenaires potentiels, les nouvelles technologies, les nouveaux modèles de croissance…
  • Capacité à identifier les risques potentiels et les opportunités
  • Identification de nouvelles compétences à intégrer
  • Exploration de nouveaux modes de travail et de processus internes

Mesure de l’impact

C’est sans doute le niveau le plus difficile à évaluer. Cette première étape est centrée sur l’acculturation et l’ouverture. Avec quels indicateurs peut-on imaginer mesurer cette évolution de l’ordre des soft skills ?

Les confirmés

Leurs objectifs

  • Infuser les démarches d’open inno au sein de l organisation
    • pour une nouvelle culture « innovation »
  • Développer de nouvelles pratiques managériales
    • pour créer des dynamiques transverses et collaboratives pour transformer l’entreprise.
  • Initier une démarche d’amélioration continue ou d’innovation incrémentale
    • pour développer de nouvelles offres

Valeur potentiellement créée :

  • Transformation culturelle : Dynamisation des modes de travail et des processus internes (transversalité, agilité, …)
  • Capacité à mutualiser les ressources, à saisir les opportunités et à mitiger les risques.
  • Enrichissement des savoir-faire et des métiers (montée en compétence des équipes en interne et internalisation de nouvelles compétences)

Mesure de l’impact

Le pilotage de l’activité essentiellement basé sur le volume d’activité (en phase avec les  enjeux clés) et les indicateurs suivis mesurent essentiellement les apports de l’Open Innovation en termes de changement de culture ou d’évolutions des modes de travail.

« A ce stade, c’est énormément de tests, un peu de fails et beaucoup de learn” 

Une responsable Innovation d’un grand groupe du secteur des Transports citée par Maddyness

Les experts

Leurs objectifs

  • Générer de nouveaux business 
  • Accélérer le développement produit et la mise sur le marché (Faciliter l’adhésion)
  • Diffuser les démarches d’innovation en interne pour contribuer à la transformation de l’entreprise.

La valeur potentiellement créée :

  • Intégration de l’innovation au cœur des processus métier
  • Capacité à générer du CA (amélioration des process, nouveaux produits, services, marchés ou business)
  • Capacité de résilience (adaptation aux chocs et aux imprévus)
  • Attractivité de la marque (différenciation, capacité à attirer de nouveaux talents)

Mesure de l’impact

Le pilotage de l’activité basé sur : 

  • les performance des dispositifs, 
  • la diffusion d’une nouvelle culture et de nouveaux modes de travail
  • l’incorporation des projets innovants au sein des Business Units
  • la capacité à industrialiser les innovations (à aller au delà du POC)
  • le CA généré par les dispositifs d’open innovation

Enfin, les experts, plus exigeants et plus critiques vis-à-vis des dispositifs Open Inno constatent une efficacité moyenne en termes de chiffre d’affaires généré. Il reste des barrières à franchir – souvent en interne – pour intégrer les nouveaux produits/services dans les Business Units.

En conclusion

L’open-innovation est un axe de développement des capacités d’innovation d’une entreprise et s’inscrit donc dans un système beaucoup plus large. De nombreuses activités permettent de développer les capacités à  innover en entreprise, tout dépendra de la culture de l’entreprise, des objectifs à atteindre et des activités choisies pour développer ses capacités d’innovation.

Face à ce constat, certaines entreprises ont d’ores et déjà identifié des pistes d’amélioration : 

  • Une meilleure définition des enjeux stratégiques des équipes d’Open Innovation 
  • Des choix plus pointus des sujets prioritaires à adresser.
  • Et, de fait, une concentration des efforts sur quelques dispositifs bien ciblés

La définition d’une stratégie claire accompagnée d’objectifs précis dès le démarrage est fondamentale.

Julie Simple – de Limagrain, évoquait le sujet lors du Dej Open Inno consacré au sujet

En général, l’entreprise qui démarre laisse beaucoup de liberté. Peu d’objectifs précis sont fixés, la démarche démarre en mode exploratoire. C’est bien, mais finalement, c’est un piège. Il est impératif de fixer quelques objectifs. Cela permet de mesurer le point de départ puis de mettre en place le suivi des indicateurs pertinents. Parce qu’il y a toujours un moment où il faudra faire un bilan. Avec des éléments objectivés. Et ce qui n’est pas mesuré au départ ne peut plus l’être ou plus difficilement après.

Sans KPI suivis régulièrement, l’innovation s’immisce dans la vie de l’entreprise, la fait évoluer, grandir, sans que cela ne soit remarqué. Et 2-3 ans après , on ne se souvient plus d’où on est parti.

Julie Simple- Limagrain

Une grille d’auto évaluation

Plutôt que de créer une liste d’indicateurs à la Prévert, les membres du Club ont choisi de construire une grille en conservant les catégories identifiées par Madyness. Elles permettent d’évaluer la maturité des fonctions dans une approche globale. Elles se déclinent sur une dizaine d’items prenant également en compte les enjeux de RSE de l’entreprise : 

  • La définition d’une stratégie Open Innovation
  • La capacité d’analyse des risques et des opportunités
  • La mesure du degré d’ouverture de l’entreprise
  • Le type de relations engagées avec les partenaires
  • Les méthodes pratiquées en matière d’innovation, les processus internes, les dispositifs …
  • Les compétences Innovation accessibles en interne ou externalisé
  • Les moyens dédiés à l’open innovation
  • La place donnée à l’innovation dans l’entreprise
  • L’efficacité des processus jusqu’au déploiement de nouvelles activités (Time to market)
  • La capacité de transformation d’une idée innovante en produit ou service
  • La culture « Open inno »
  • La prise en compte des enjeux de DD et de l’Impact de l’entreprise dans ses démarches

En conclusion, l’objectif de cette grille n’est pas de porter un jugement mais de prendre conscience de la maturité du système sur ces différents items. C’est une étape nécessaire à une meilleure lisibilité interne … et externe. En effet, pour les start-up qui collaborent avec des entreprises, cette grille peut permettre de dresser un rapide diagnostic de là où en sont leurs prospects et donc de mieux comprendre leur niveaux d’exigences, les KPI qu’ils doivent suivre. Pour vérifier l’alignement avant de s’engager.

Un article co rédigé avec Emmanuelle Collin, animatrice du Club Open Innovation.

À propos de Véronique Jal

Ma ligne guide depuis 15 ans, c'est le management de projets collectifs à fort "sens ajouté" : les fromages AOP, les hébergements touristiques, la démarche d'attractivité d'une région... et aujourd'hui l'innovation territoriale via un média associatif Toulousaine d'origine, j'ai découvert et choisi l'Auvergne que mon parcours pro m'a amenée à connaître sous plein de facettes. J'adore cette activité qui nous permet d'être en situation permanente de découverte.