La Maison de l’innovation, un nouvel acteur dans le paysage auvergnat de la recherche partenariale.

La Maison de l’innovation, un nouvel acteur dans le paysage auvergnat de la recherche partenariale.

Le 7 avril dernier, dans le cadre de la Clermont Innovation Week, avait lieu un atelier participatif autour du projet de Maison de l’Innovation. L’occasion de faire le point sur ce nouvel outil dans le paysage scientifique auvergnat et de faire connaissance avec Jeremy Matias, chef de projet PUI*, au sein du Pôle Partenariats et Territoires de l’UCA, organisateur de l’événement, accompagné par Clermont Auvergne Innovation*.

Jeremy, rapidement, quel est votre parcours ?

Après des études à Toulouse et Lyon, je suis arrivé à Clermont en 2015 pour une thèse en Psychologie Cognitive au Laboratoire de Psychologie Sociale et Cognitive (LAPSCO). Financée par le Labex ImobS3 « Innovative Mobility: Smart and Sustainable Solutions » et le CEREMA pour partenaire, elle portait sur  « la distraction par des stimuli associés à une récompense et le contrôle attentionnel dans des tâches de recherche visuelle. »
En résumé, il s’agissait de décortiquer les mécanismes attentionnels : comment ils se fixent ou se laissent détourner (avec un article sur le rôle des smartphones dans la distraction, au volant notamment, lié au phénomène de FoMo – fear of Missing out, la peur de rater une information très ‘socialement enrichissante’). J’ai ensuite passé deux années de postdoc au sein de FactoLab (le laboratoire qui rassemble Michelin et pour l’UCA , le Lapsco, l’Institut Pascal, Acté, le LMBP et le Limos).
Au sein de FactoLab, mes travaux de recherche appliquée portaient sur l’étude de l’impact de l’utilisation de lunettes de réalité augmentée en usine. L’idée : accompagner l’opérateur avec des consignes pour gagner en rapidité, en efficacité, réduire le risque d’erreur, …tout en évaluant les risques potentiellement générés par l’usage de ces lunettes dans ce qu’elles peuvent entraver la perception des dangers réels. 
Ces années m’ont donné le goût de travailler à l’interface entre les deux mondes : académique et socioéconomique. J’apprécie de faire le lien, d’être capable de faire en sorte de se comprendre, de faire converger les intérêts. Ce qui m’a donné envie de me décentrer un peu du monde pur de la recherche et m’a conduit depuis novembre 2022 à devenir chef de projet PUI au Pôle Partenariats et Territoires.

Reprenons ensemble, qu’est ce que le PUI ?

PUI, pour Pôle Universitaire d’Innovation, baptisé CAP (Clermont Auvergne Projet) I-TERR (innovation & territoires), est une labellisation du Ministère de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur. L’Université Clermont Auvergne a été labellisée en 2021, en tant qu’un des 5 sites pilotes au niveau national  La philosophie de ce label, assorti de moyens financiers, est de “révéler le plein potentiel d’invention et d’innovation des acteurs de la recherche, de la formation, du transfert de technologie et de l’accompagnement des start-up […) puisque “partout dans le monde, l’innovation est le fruit d’écosystèmes portés par les sites universitaires et reposant sur un ensemble dense de connexions entre talents qu’il s’agisse d’étudiants, de chercheurs, d’entrepreneurs ou d’investisseurs.” (communiqué de  Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation)

Les ambitions

  • réunir les forces de tous ces acteurs autour de stratégies communes développer une offre globale, de compétences et de technologies, lisible et accessible, 
  • fluidifier les relations entre les acteurs dans toutes les dimensions du transfert 
  • renforcer la sensibilisation et la formation des étudiants à l’entrepreneuriat 
  • s’assurer que tous les projets innovants soient accompagnés au meilleur niveau.

C’est dans ce cadre qu’émerge la Maison de l’Innovation. Quelle sera sa fonction dans le paysage de la recherche ?

L’objectif poursuivi par le PUI est globalement de fluidifier et intensifier les liens entre mondes académique et socio-économique. Il y a déjà beaucoup de mouvements engagés ces dernières années pour structurer l’innovation collaborative (lire l’interview de Yannick Izoard directeur de CAI en 2021) Ce projet a émergé dans la cadre du Contrat de Plan Etat Région 2015 2020 qui soutenait, dans le secteur de la recherche et de l’innovation, des projets immobiliers et d’équipements scientifiques contribuant à faciliter le transfert de technologie et l’innovation. 
Ce projet fait encore plus sens aujourd’hui avec la labellisation PUI. Ainsi, la Maison de l’Innovation, installée sur le campus des Cézeaux, fera figure de lieu totem de l’innovation pour l’Université Clermont Auvergne. Elle regroupera plusieurs services et structures d’intermédiation travaillant sur les liens entre les acteurs académiques et socioéconomiques.
A ce titre, la Maison de l’Innovation hébergera notamment le Pôle Partenariats et Territoires, la Direction de la Recherche et des Etudes Doctorales, Clermont Auvergne Innovation – CAI, filiale de valorisation et de transfert de l’UCA –, la fondation UCA. Elle réservera aussi des espaces aux étudiants entrepreneur (Clermont Auvergne PEPITE), et accueillera des ingénieurs transferts du CNRS et le pôle de compétitivité CIMES (le plus clermontois des pôles, acteur historique).

Une référence

Nous souhaitons qu’elle devienne la référence en tant que lieu ressource en matière de recherche partenariale en mettant notamment à disposition les différents dispositifs nécessaires à l’émergence de projets innovants et à leur maturation. Que ce soit à destination des chercheurs ou des acteurs socioéconomiques, quand ils ont un besoin, ils devront avoir le réflexe « Maison de l’innovation ». Charge à nous ensuite d’organiser le fonctionnement pour gagner en efficacité et en lisibilité.  
Ce sera donc un lieu de vie ouvert, avec des espaces communs, du coworking, une salle de conf, des salles de réunions et de formations, un show-room. Il faut que cette maison de l’innovation soit mobilisable pour tout l’écosystème et qu’elle incarne l’innovation localement.
Pour terminer, la Maison de l’Innovation s’inscrit également dans une ambition de « territorialiser » l’innovation et de densifier le maillage du territoire par l’intermédiaire d’un réseau d’annexes – les Maisons de l’Innovation Territoriales – qui seront déployées dans les départements Auvergnats.

Il y a déjà pas mal d’acteurs et de lieux, existants ou en devenir, comment envisagez-vous l’articulation ?

Nous ne souhaitons pas re créer ce qui existe déjà. Il n’y aura pas une pépinière ou un hôtel d’entreprises, pas d’hébergement physique de start up, mais les services d’accompagnement par Clermont Auvergne Innovation seront tous présents. Il n’y a pas non plus de volonté d’adopter une thématisation spécifique. La Maison de l’Innovation contribuera à la stratégie scientifique globale de l’université, labellisée I site et dont la signature porte sur “concevoir des modèles de vie et de production durables”. Son rôle sera de répondre aux besoins de partenariats, d’être à l’écoute des demandes à partir du moment où la recherche académique peut apporter quelque chose.

Connaître les besoins justement, c’était le but de l’atelier organisé récemment ?

Nous avons désormais plus de visibilité sur la livraison de la Maison de l’Innovation. Elle devrait être complètement fonctionnelle en juin 2023 et permettre aux différents services concernés de s’y installer dans le courant de l’été 2023. Elle sera donc opérationnelle pour la rentrée, le timing nous paraissait cohérent pour organiser cet atelier. Au-delà de la dimension “bâtiment”, elle a vocation à proposer une offre via l’accès à un catalogue de services en matière de propriété intellectuelle, d’accompagnement, d’accès aux plateaux techniques, … 
Plutôt que de définir cette offre nous-mêmes et surtout tout seul, nous avons eu envie de mener une expérience de design à partir d’un panel représentatif des futurs utilisateurs potentiels. Il y avait vingt contributeurs : des enseignants chercheurs, des personnels de recherche qui font le lien entre CAI et monde socio-économique, des collectivités, des industriels, des entrepreneurs, des chercheurs-entrepreneurs, un pôle de compétitivité, un incubateur…
L’objectif était de les faire réagir par rapport à l’appellation de ‘lieu totem de l’innovation”, le type de services qu’on imagine y trouver, quelles animations pour le faire vivre… En bref, quelles attentes suscitent ce nouveau lieu et à quels besoins il devrait répondre.

Et donc, quels sont les enseignements de cet atelier ?

Globalement, l’atelier a consolidé des ressentis que nous avions. Mais nous avons confirmation qu’ils font bien l’unanimité. Le fait que ce lieu soit vivant et qu’il ait une vie autour d’une programmation événementielle régulière est ressorti fortement. L’ambition est ainsi de mettre en avant les collaborations qui ont donnés lieu à de belles réussites, des événements thématiques pour valoriser les labos et comment ils peuvent être contributeurs à des questionnements d’impact environnemental, social, économique… Ou encore de faire connaître l’offre de plateaux techniques gérés par UCA Partner.

Ecouter le premier épisode de ‘Ecosystèmes avec un S‘ à la rencontre d’univers proches mais insuffisamment connus: 5 interviews et visites autour de UCA Partners. (actualisation Janvier 2024).

Il a montré l’intérêt manifeste pour une porte d’entrée unique vers les différentes ressources disponibles. On sait combien il peut être complexe de comprendre l’organisation et de connaître toutes les opportunités. L’idée est d’éviter à un acteur, qu’il soit chercheur ou entreprise, d’aller frapper à toutes les portes mais bien de prendre en charge son besoin pour lui proposer la bonne ressource. Il y a aussi un objectif de gain de temps, en regroupant les services concernés, on gagnera en efficacité et en réactivité. Le temps est un indicateur précieux (et un frein) pour un des publics auquel nous devons nous adresser, à savoir les PME. Pour ces profils, il y a un travail de fond de sensibilisation à mener, pour montrer l’accessibilité, contribuer à simplifier l’émergence et l’accompagnement des projets d’innovation…

Quels seront vos indicateurs de succès ?

Ce seront ceux du PUI. Nous allons suivre le nombre de création d’entreprises deeptech (issues de la Recherche), le nombre de laboratoires communs créés, des indicateurs en termes de propriété intellectuelle ou encore l’évolution du flux de projets collaboratifs et le nombre de contrats :  de collaboration, de valorisation, de prestations…

Quelle est la première chose que vous aurez envie de faire pour marquer l’ouverture officielle de la Maison de l’Innovation (à part la découpe de ruban !) ?

Partager une coupe de champagne avec tous les collègues qui se sont investis dans ce projet ! L’ouverture de la Maison de l’Innovation marquera une étape importante pour notre site. A l’instar du label PUI, c’est à la fois une récompense des efforts concédés par chacun pour porter cette bonne dynamique d’innovation, et un nouveau challenge pour aller encore plus loin et continuer à renforcer l’impact de la recherche sur notre territoire.

Ce que vous préférez dans ce projet ?

Travailler en coordination et en bonne intelligence avec l’ensemble des acteurs de notre écosystème d’innovation dans le but d’atteindre des objectifs communs, lesquels participeront à l’attractivité et au rayonnement du site Clermont Auvergne dans son ensemble. Cette Maison de l’Innovation, et plus largement le label PUI, sont perçus comme de formidables opportunités et ont permis de fédérer encore plus notre écosystème local.

L’instant carte blanche

Je tiens à remercier toutes les personnes qui ont participé à cet atelier et qui ont eu la volonté de nous aider à progresser concernant cette Maison de l’Innovation. Il y a eu un véritable engouement autour de cet atelier, avec des échanges particulièrement riches et constructifs pour nous. Certaines personnes qui n’ont pu être présentes le jour-J nous ont même recontactés par mail pour nous faire part de leurs réflexions ! Toute cette dynamique est très encourageante pour la suite et nous motive encore plus pour la mise en œuvre de ce projet.

À propos de Véronique Jal

Ma ligne guide depuis 15 ans, c'est le management de projets collectifs à fort "sens ajouté" : les fromages AOP, les hébergements touristiques, la démarche d'attractivité d'une région... et aujourd'hui l'innovation territoriale via un média associatif Toulousaine d'origine, j'ai découvert et choisi l'Auvergne que mon parcours pro m'a amenée à connaître sous plein de facettes. J'adore cette activité qui nous permet d'être en situation permanente de découverte.