Les concours d’éloquence en Auvergne : Se faire entendre, le défi de la démocratie

Les concours d’éloquence en Auvergne : Se faire entendre, le défi de la démocratie

Les nouveaux dispositifs de démocratie participative encouragent les citoyens à exprimer leurs points de vue et à co-construire le consensus. Pourtant, aujourd’hui, celle ou celui qui ne sait pas prendre la parole, ne peut faire entendre sa voix.
En Auvergne, trois concours d’éloquence ont été organisés depuis le début de l’année.

ELOQUENTIA

Eloquentia a été fondée en 2012 en Seine-Saint-Denis. Dès l’origine, l’association portait l’ambition de réduire la fracture du dialogue social en permettant à chacun de se former à la prise de parole peu importe son cursus. Depuis 2021, Eloquentia dispose d’une antenne à Clermont-Ferrand gérée par des bénévoles.

Pourquoi avoir décidé de créer l’antenne d’Eloquentia à Clermont-Ferrand en Auvergne ?

Emmie Allegretti : J’en ai entendu parler au lycée, et comme j’ai toujours aimé la prise de parole et le théâtre, j’ai eu envie de le développer ici en Auvergne. Il faut dire que je suis en seconde année de droit et que l’éloquence fait partie de notre cursus.

Adrien Delpiroux : C’est vrai qu’en droit, nous avons notre propre concours, mais il est consacré aux sujets juridiques. Avec Eloquentia, on propose des sujets plus généralistes et nous ciblons également beaucoup plus largement. Nous visons les moins de 30 ans, les étudiants, mais aussi les jeunes travailleurs.

Comment est-ce qu’Eloquentia accompagne les candidats ?

Adrien : On organise une soirée de lancement. Ensuite, celles et ceux qui souhaitent participer au concours bénéficient de masterclass avec des professionnels. On aborde différentes facettes de la prise de parole en public comme la gestion du stress, l’expression scénique, la rhétorique, etc… Nous voulons donner toutes les clés pour pouvoir développer une argumentation fondée claire et précise.

Nous avons organisé le premier concours à Clermont-Ferrand en avril 2022. Le gagnant de chaque antenne part au national pour la finale qui a lieu en août.

A Clermont-Ferrand, quels étaient les sujets et qui a concouru ?

Emmie : Nous avons eu une dizaine de candidats avec des profils variés : étudiant en école de commerce, en droit, une apprentie, etc..

Nous avons créé une liste de sujets, et ensuite, chaque candidat a pu en choisir un et le défendre à la négative ou à la positive. Par exemple : le meilleur est-il l’ennemi du bon ? Le sport est-il une réalité parallèle etc, etc.. Ils doivent ensuite construire leur argumentation en 7 ou 8 minutes.

Adrien : quant à la forme, elle est tout à fait libre : poésie, slam, chanson, danse, théâtre. On peut choisir n’importe quel mode d’expression corporelle et orale. Nous prônons la prise de parole sous toutes ses formes en fonction de ses aptitudes personnelles.

Qu’est-ce qui fait un bon discours ?

Emmie : pour la finale départementale nous avons imposé le thème : l’abnégation est-elle bienveillante ? Les candidats pouvaient le défendre à la positive ou à la négative. Un bon discours, c’est une argumentation proche des gens, que l’on peut raccrocher au quotidien. Un bon discours, c’est aussi un bon sujet. Le sujet doit être intemporel, on utilise l’histoire pour contextualiser, ensuite, on va se servir de l’actualité pour appuyer son approche.

Pourquoi est-ce important de valoriser l’oral ?

Emmie : au lycée, j’étais très réservée et très frustrée que l’on ne m’écoute pas. Le théâtre m’a libérée, j’ai appris à me connaître. Ça a été un révélateur.

Aujourd’hui, avec le grand oral du bac il y a une volonté de redonner de l’importance à l’oral. Néanmoins, il n’y a pas de formation sur l’expression scénique ou corporelle. Résultat, beaucoup de jeunes sont stressés, ont le nez collé sur leur feuille. Ça ne répond pas à l’objectif initial.

Adrien : il faut réapprendre à débattre et à argumenter ses prises de positions. Quand on regarde sur les réseaux sociaux, on constate que les gens veulent parler pour être entendus, sans pour autant accepter d’écouter les autres points de vue.

Emmie : Avec Eloquentia, nous avons une devise : écoute, respect, et bienveillance. La prise de parole n’est pas là pour attaquer ou blesser les gens. La prise de parole est là pour créer du lien. Il faut remettre la prise de parole à sa place. On peut échanger et discuter sans être en constante confrontation.

Le prochain concours aura lieu au premier semestre 2023.

LES ENGAGÉS

L’association “Les Engagés se présente comme un mouvement citoyen et apartisan. Un peu partout en France, elle propose des formats d’événements pour développer l’envie de s’engager chez les jeunes. La jeune antenne clermontoise a également vu le jour fin 2021.   

Pourquoi avoir décidé de créer une antenne sur Clermont-Ferrand en Auvergne ?

Clément Szabo : J’ai entendu parler des Engagés en 2020. Je m’intéresse à la politique avec un grand P depuis plusieurs années. Je voulais faire quelque chose pour que les jeunes, quelles que soient leurs opinions, puissent s’engager en politique. 

J’ai bien aimé les formats proposés par l’association avec des débats, des conférences, des afterworks sur l’actualité, etc.. Fin 2021, j’ai monté l’antenne Les Engagés 63 de Clermont-Ferrand.

Benjamin Chambefort : Il y a quelques années, j’ai eu envie d’agir pour faire bouger les choses et je me suis tourné vers la politique. Je trouvais que c’était important de porter la parole des jeunes. 

Je suis convaincu qu’il faut simplifier la parole politique pour la rendre accessible aux néophytes. Avec les engagés, je me retrouve dans un projet qui vient compléter un engagement personnel. Je défends un idéal qui cherche à regrouper tout le monde. Les engagés, c’est une association apartisane, mais qui n’est pas apolitique. 

Quel est l’objectif des Engagés ? 

Clément Szabo : en 2017, un petit groupe de jeunes de Bordeaux constate que le taux d’abstention des jeunes atteint 70% aux législatives. Pour eux, c’est un signal d’alarme. Sans vraiment avoir pensé le format, dès le lendemain, ils décident d’organiser des débats à destination des jeunes. Au départ, il y a 5 participants et rapidement, ces événements sont un succès. Ils décident de créer l’association au national en 2018. L’association a son siège à Bordeaux et il existe 7 antennes en France.

Quels types d’événements organisez-vous ? 

Clément : l’antenne est encore très jeune. Néanmoins, nous avons déjà proposé des débats sur l’IA et la défense nationale. Nous essayons différentes méthodes d’animation, comme le débat mouvant, pour que chacun puisse s’exprimer.

Par ailleurs, je suis étudiant à l’ISIMA, au mois de mars, dans le cadre de mon cursus, j’ai organisé un concours d’éloquence. Nous avons eu 8 candidats, sur un thème libre. Ça a vraiment bien fonctionné. Des entreprises comme Braincube et Sopra Steria nous ont soutenus.

Vous avez décidé de vous investir pour les élections législatives. Comment faites-vous pour intéresser les jeunes ? 

Benjamin : Les jeunes que l’on veut toucher ne viennent pas forcément aux soirées-débats politiques. Il faut aller là où ils sont, sur les réseaux sociaux. Nous avons décidé d’aller à la rencontre des candidats de Clermont-Ferrand pour réaliser des interviews vidéos. Nous avons ensuite diffusé les contenus sur nos réseaux. 

Quelles sont les prochaines étapes ?

Clément : je suis convaincu que pour intéresser les jeunes à la politique, il faut passer par l’engagement sous toutes ses formes. Un engagement entrepreneurial, associatif, ou solidaire, c’est un premier pas vers l’intérêt général. D’ailleurs, nous avons envie d’organiser une conférence sur l’entrepreneuriat à la rentrée.

Nous voulons également proposer une seconde édition du concours d’éloquence. Pour entendre la voix des jeunes, encore faut-il qu’ils osent prendre la parole, qu’ils se sentent légitimes pour exprimer leurs opinions. C’est l’objectif des Engagés 63.

À propos de Pauline Rivière

Pauline Rivière est journaliste et rédactrice en chef du média en ligne le Connecteur. Elle est en charge du choix des dossiers spéciaux mensuels. Elle développe également des outils de datavisualisation à destination de l'écosystème de l'innovation et s'intéresse à l'innovation éditoriale. Avec sa société SmartVideo Academy, elle anime différentes formations à la réalisation de vidéos (au smartphone notamment) et à l’écriture audiovisuelle. Elle intervient également dans l'Enseignement Supérieur dans le cadre de projets pédagogiques digitaux, mêlant techniques de communication et sujets d'innovation.