Mohamed El Mokretar, entrepreneur des quartiers : « celui qui a peur ne fait jamais rien »

Mohamed El Mokretar, entrepreneur des quartiers : « celui qui a peur ne fait jamais rien »
 Photos : © Fanny Reynaud pour Le Connecteur

Mohamed El Mokretar est né à Riom il y a 38 ans. Il est arrivé à Clermont-Ferrand, il y a une dizaine d’années. Il y a deux ans il crée une société de pompes funèbres tournée vers la communauté musulmane. Il nous parle de son quotidien d’entrepreneur.

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Bonjour Mohamed, tu es dirigeant d’une société de pompes funèbres. Pourquoi décides-tu un jour de monter ton entreprise, et pourquoi avoir choisi ce secteur d’activité ?

Je pense que beaucoup de personnes ont envie de travailler à leur compte. Ça a été mon cas pendant des années.
Je n’ai pas choisi les pompes funèbres au hasard. Au sein de la communauté musulmane clermontoise, je faisais déjà des toilettes rituelles lorsqu’on me le demandait. C’est lors du décès de mon cousin, une personne dont j’étais très très proche, que j’ai eu le déclic. Je me suis dit “pourquoi ne pas monter une structure qui serait tournée vers la communauté musulmane”. Je connaissais les gestes et je savais que je pouvais apprendre le reste.

Comment devient-on un entrepreneur dans ce secteur ?

J’ai dû passer des diplômes. Un premier, en tant que conseiller funéraire. Ensuite, il a fallu que je fasse la formation obligatoire de dirigeant de pompes funèbres. 
C’est un concours de circonstances avant tout. Je n’étais pas destiné à faire ça. Avant, j’étais routier, donc ça n’a vraiment rien à voir. 

Tu as monté ton entreprise il y a deux ans. Tu as maintenant assez de recul pour faire un premier bilan. Qu’est-ce qui te rend le plus fier ?

C’est d’avoir sauté le pas. Au départ, c’était juste une idée dans ma tête et je me disais que c’était irréalisable. C’était vraiment un projet compliqué et j’étais seul à le mener. Pourtant, j’y suis arrivé. Je discutais de cela récemment avec quelqu’un qui hésitait à se lancer. Il ne voyait que les obstacles et les risques. Je lui ai dit que celui qui a peur ne fait jamais rien. Si j’avais raisonné de cette manière, je ne serais arrivé nulle part.

Photos : © Fanny Reynaud pour Le Connecteur 

Pourtant, il ne s’agit pas que de se lancer, ensuite, il faut gérer …

Oui, on ne s’improvise pas conseiller funéraire et on ne s’improvise pas non plus dirigeant de pompes funèbres.
Pendant le temps de création du projet, il a fallu que j’enfile le costume, que j’apprenne ce métier-là. Au-delà du diplôme, c’est quelque chose pour lequel il faut avoir une véritable vocation. J’ai appris à aimer ce métier.

Tu t’es lancé dans l’aventure entrepreneuriale. Est-ce que tu as été aidé ou accompagné ?

Pôle Emploi et la CCI m’ont proposé une formation pour choisir le statut juridique de l’entreprise. Pour le reste, malheureusement, j’ai trouvé que j’étais bien seul. Heureusement, j’ai été aidé par la communauté musulmane.
À un moment donné, j’avais presque décidé d’abandonner le projet. Financièrement, c’était compliqué de rassembler les sommes nécessaires. J’ai fait un appel à la communauté sur Clermont-Ferrand. Tout le monde a donné un coup de main, chacun a donné un petit peu. Ça m’a permis de relancer le projet.
Ensuite, j’ai pu faire appel à l’ADIE, une structure que je ne connaissais pas. J’ai découvert des gens très investis. Grâce à eux, j’ai pu aller au bout de mon projet.

Qu’est-ce que tu préfères dans ton quotidien ?

J’aime le fait d’être plutôt libre. De faire ce que je veux, de travailler comme je l’entends et de ne pas avoir de supérieurs. Auparavant, j’ai eu de gros problèmes avec l’autorité quand j’étais employé. Alors, n’avoir personne au-dessus, c’est génial. Dans mon domaine, je permets de soulager les familles, de leur enlever une épine du pied. C’est incroyable la reconnaissance qu’il y a derrière. Je le sens vraiment lorsque je croise ces familles dans Clermont-Ferrand. À chaque fois, je reçois un accueil chaleureux. 

Ce qu’il y a de plus en plus compliqué ?

Le plus compliqué, c’est lié à l’activité. On gère beaucoup de décès, alors on est obligé de se faire une carapace. On ne peut pas prendre les malheurs de tout le monde.
Pourtant, il y a des décès qui nous touchent énormément. Quand ce sont des enfants notamment, de l’âge des miens par exemple. Dans ce cas-là, c’est compliqué. Tout de suite, on se met à la place de la famille et c’est dur.

Quelles sont les prochaines étapes ? 

On vient de s’associer avec une nouvelle assurance qui se développe au niveau national. On va pouvoir proposer leurs offres. On vient de recevoir l’agrément au niveau de l’ORIAS qui est obligatoire pour pouvoir vendre des assurances. Ensuite concernant le service de pompes funèbres, à terme, le projet, c’est d’avoir un funérarium.

Photos : © Fanny Reynaud pour Le Connecteur 

Le Portrait chinois

musique : je n’écoute pas trop de musique.
livre : méditation sur la mort. C’est un livre qui fait peur comme ça, mais passionnant. C’est très lié à la religion.
paysage : la mer … la mer calme (j’ai le mal de mer).
couleur : noir, j’aime cette couleur depuis toujours, mais ça n’a rien à voir avec mon métier
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À propos de Pauline Rivière

Pauline Rivière est journaliste et rédactrice en chef du média en ligne le Connecteur. Elle est en charge du choix des dossiers spéciaux mensuels. Elle développe également des outils de datavisualisation à destination de l'écosystème de l'innovation et s'intéresse à l'innovation éditoriale. Avec sa société SmartVideo Academy, elle anime différentes formations à la réalisation de vidéos (au smartphone notamment) et à l’écriture audiovisuelle. Elle intervient également dans l'Enseignement Supérieur dans le cadre de projets pédagogiques digitaux, mêlant techniques de communication et sujets d'innovation.