Voyages inspirants #1 Silicon Valley (1/2)

Voyages inspirants #1 Silicon Valley (1/2)

NOUVEAU FORMAT

Connecter l’écosystème de l’innovation, c’est aussi partager les expériences et les sources d’inspiration. C’est la vocation de ce nouveau format, « Voyages inspirants », une interview-récit d’un learning trip.

On commence la série avec Emmanuelle Collin de retour de San Francisco et la mythique Silicon Valley.

Vous aussi vous avez un voyage à raconter ? Contactez-nous !

LA VOYAGEUSE


Emmanuelle Collin a toujours aimé découvrir de nouveaux univers … prof de français langue étrangère en Serbie, photographe, directrice de production et chef de projet web dans une agence digitale clermontoise puis plus récemment directrice marketing au Comité Régional de Tourisme d’Auvergne où elle a accéléré la transformation digitale, elle a cultivé le goût d’apprendre. Goût qui la conduit aujourd’hui à l’Em Lyon, où elle suit un Executive MBA spécialisation « Corporate entrepreneurship ». Pour valider son MBA, elle mènera d’ailleurs une mission de consulting pour GRDF qui donnera lieu à un mémoire sur l’open innovation et l’expérimentation du concept de living lab.

 

 

La thématique de ce premier voyage ? 

Intrapreneuriat & Open Innovation

Demander pardon plutôt que la permission

14 visites autour du management de l’innovation dans de grandes entreprises : profils, typologies de stratégie, leviers d’innovation, facteurs clés de succès, … autant d’angles de vue différents à adopter.  Emmanuelle Collin a sélectionné les approches les plus significatives ou les plus surprenantes en matière d’innovation, elle partage les pratiques de grands groupes en pleine mutation ou d’entreprises digital native en matière d’OpenLab, de management, de Venture Capital …

Emmanuelle, pour démarrer, ce learning trip était centré sur l’innovation, quelle(s) définition(s) en donnent les personnes rencontrées?

Plusieurs approches, en fait : Salesforce différencie 3 niveaux, tous drivés par l’amélioration de l’expérience client:

  • ‘Renovate’ : c’est l’amélioration continue ;
  • ‘Evolv’ : penser différemment en mettant le client au cœur du business pour créer une expérience extraordinaire ;
  • ‘Transcend’ : créer une nouvelle valeur pour le client, exploiter au maximum les opportunités offertes par les nouvelles technologies pour trouver « the job to be done ». La démarche est de se focaliser sur le résultat attendu plutôt que sur le produit, la solution envisagée.

Leur recette : casser les silos entre les commerciaux, le marketing et les différents services ; se mettre à l’écoute -en temps réel- du marché et des clients et être capable de changer rapidement ses plans pour faire évoluer son business modèle.

 

Luc Julia (co-inventeur de Siri, aujourd’hui VP innovation Samsung) a une définition beaucoup plus radicale. Selon lui, l’innovation incrémentale ce n’est pas de l’innovation ; Innover, c’est sortir de sa zone de confort, voire de son ‘core-business’. D’ailleurs, pour lui l’innovation dans les entreprises leaders n’existe pas vraiment « c’est très compliqué de se remettre en question quand tous les voyants sont au vert ».

A la D.School (voir plus bas), on parle carrément de  former des ‘terroristes’ qui vont hacker  les compagnies centenaires en disputant leurs marchés !

 

J’aime aussi beaucoup la vision d’Alain Fargeon Consultant en Innovation & formateur en Design Thinking à l’Em Lyon pour qui l’innovation « est un monde où les choses n’ont jamais été faites, un monde dont on ne sait rien, dont on ne peut prédire l’avenir, où tout est incertain et parsemé d’embuches ». Cette vision implique beaucoup d’humilité, d’écoute et d’empathie face aux problèmes des clients ainsi qu’une grande d’ouverture d’esprit. Face à l’innovation, il faut accepter d’avancer sans savoir où l’on va, de prendre des risques, de tester rapidement ses idées, même si tout n’est pas parfait et de se tromper… c’est comme ça que l’on apprend !»

Savoir tuer les projets

La clé de la réussite, c’est surtout de savoir tuer des projets… Luc Julia, qui partage cette vision,  nous a confié son taux de plantage… 93% !

Ça semble énorme, mais ce sont ces échecs, ces projets stoppés, qui permettent d’apprendre, de rebondir, et de se concentrer sur les innovations à haute valeur ajoutée  qui sont source de fabuleuses innovations. C’est aussi la norme, chez Docu’Sign, 9 projets sur 10 sont tués… d’où l’importance dans un processus d’innovation, d’accompagner les employés à renoncer et tuer certains projets. C’est toute une culture, un mindset à développer !

Finalement, dans toutes les entreprises visités, le processus d’innovation est identique :

«Think Big, Test Small, Fail Fast and Learn Quick».

Une prise de risque oui, mais rapide et mesurée !

Tu as rencontré des entreprises mondiales, historiques, ou toutes jeunes, qu’est ce qui t’a le plus frappé ?

J’ai été frappée de voir qu’il y avait vraiment 2 typologies d’entreprises ; les ‘digital native’, celles qui sont nées ici il y a moins de 20 ans et les grandes entreprises ‘historiques’ qui installent ici une équipe, un labo, un centre R&D pour s’inspirer, trouver de nouvelles sources de revenus, de nouveaux marchés afin d’assurer leur avenir.  Elles ont des fonctionnements tout à fait différents.

CULTURE START UP CHEZ LES DIGITAL NATIVE

C’est bien la culture « start-up » le moteur principal de l’innovation, pas les process. Et pour  les ‘digital native’ d’une manière générale, l’innovation incrémentale c’est leur process spontané, le lien avec les clients est permanent, elles sont en mode agile naturellement.

Salesforce a été pour moi une des visites et des découvertes les plus inspirantes.

En 1999, ils ont révolutionné le marché du CRM en remplaçant les logiciels de bureau traditionnels par un CRM dans le cloud, accessible immédiatement, à tout moment et de n’importe où. Cette innovation et sa rapidité de pénétration du marché reposent sur 3 éléments majeurs :

  • L’apport d’une solution à un problème crucial que rencontrait les entreprises face à la complexité d’installation des logiciels à grande échelle.
  • Un business Model qui reposait sur un ‘freemium’ permettant aux forces de vente de tester le produit gratuitement avant de l’adopter.
  • La conviction que leur succès reposait sur le succès de leurs clients et l’apport de solution.
  • des méthodes de développement « test & learn » hyper agiles.

Mais pour Salesforce, les capacités d’innovation reposent avant sur la culture d’entreprise et l’état d’esprit des employés.

Tout le monde doit partager la vision, la mission et les valeurs de l’entreprise pour être capable de prendre rapidement les bonnes décisions. La vraie différenciation repose sur la diversité des profils (pour représenter la diversité de son écosystème) et la sécurité pyschologique (environnement sécurisant, droit à l’échec, ouverture aux idées nouvelles, motivation …) qui est essentielle pour encourager les équipes à porter des idées et accepter qu’elles échouent. Par exemple, pour encourager l’implication, chez Salesforce toujours, ce sont les managers qui présentent les nouveaux projets et les équipes tech qui choisissent et se positionnent sur les projets qui les motivent le plus.

Logique que l’on retrouve aussi chez SAMSUNG Innovation center qui manage par l’inconfort, c’est à dire par la création de contextes non maitrisés mais toujours dans un cadre de confiance rassurant.

Aujourd’hui encore, Salesforce a une ligne directrice très claire et s’efforce de fournir à ses clients des outils capables d’améliorer la productivité, la mobilité et l’intelligence des entreprises dans un contexte de transformation digitale. Difficile de trouver plus « customer centric »…

Autre source d’inspiration, leur conception du business, dont le rôle est d’améliorer l’état du monde en servant les intérêts de toutes les parties-prenantes. Ce qui veut dire les clients, les employés, les partenaires, les communautés, les actionnaires (aussi) et l’environnement.

Même son de cloche, pour Jerôme Levadoux – VP Head of Signature Products chez DocuSign, la voix des clients et les méthodes Lean StartUp sont leurs leviers permanents et naturels, qui leur permettent de sortir régulièrement de nouveaux produits, de les tester et de décider de leur survie (on retrouve le même modèle chez Linkedin). Quelques chiffres pour prendre conscience de leur agilité : des améliorations tous les 15 jours, un nouveau produit tous les 3 mois… sachant que 9 projet sur 10 auront été tuées. Saisir les opportunités, prendre des risques et accepter l’échec fait aussi partie de la culture d’entreprise.

Autre exemple de l’importance de travailler en mode start-up avec Uber FREIGHT,  issue de Uber pourtant très culture start up, mais qui est une filiale totalement indépendante, pour préserver ses capacités d’innovation et son agilité.

  « KEEP LOOKING OUTSIDE » POUR LES HISTORIQUES

Pour les ‘historiques’, l’enjeu pour innover est surtout de faire évoluer la culture d’entreprise et l’état d’esprit des équipes.

Elles doivent à la fois innover pour maintenir et développer leur business traditionnel mais bien souvent, pour assurer leur pérennité, elles doivent trouver de nouvelles sources de revenus, de nouveaux marchés.

Elles actionnent plusieurs leviers : en interne pour l’innovation incrémentale, à l’externe, en open-innovation pour des innovations plus disruptives.

En amont bien entendu, chacune d’entre elle a identifié les grandes tendances, les secteurs porteurs à explorer pour développer ou infléchir son business…

On retrouve souvent les même leviers :

  • recherche et développement en interne,
  • programme et/ou dispositif intrapreneurial,
  • partenariat avec les universités et les centres de recherche,  
  • idéation en open lab avec leurs écosystèmes,
  • appel à projet auprès de start up,
  • programme d’incubation et d’accélération de startups,
  • venture capital…

Les leviers d’innovation chez BASF

Les leviers d’innovation chez Applied materials (CTO Playbook)

Créer des zones de risque et de liberté

On est plutôt sur de petites équipes légères, aiguillon de l’entreprise-mère ?

C’est plutôt la tendance en effet dans un contexte d’open innovation. Pour développer de nouveaux marchés et créer les conditions de l’innovation,  certaines entreprises vont s’inspirer et puiser des ressources au sein des écosystèmes innovants. Elles externalisent en quelque sorte cette mission en envoyant un ‘commando’ dans la Silicon Valley.

Elles sortent ces équipes du contexte figé de l’entreprise pour leur donner une latitude qu’elles n’auraient pas en interne : le ‘mindset’ est complètement différent ; dans ces cellules, on peut prendre des risques, se tromper, avoir des circuits décisionnels très courts, un délai de réaction rapide…

C’est le cas de BASF Venture Capital (filiale de BASF), de l’Atelier BNP Paribas ou du  Samsung Innovation Center au démarrage…

Mais il y a également l’approche consistant à développer l’intrapreneuriat, des équipes ‘aiguillon’ au sein même de l’entreprise. Ces approches ne s’excluent généralement pas.

C’est le cas de l’équipe de Bruno Aziza (Vice President AI) chez ORACLEentreprise très hiérarchique, pas très orientée clients et pas très agile selon ces propres aveux (à titre d’exemple, dans la Silicon Valley, un recrutement se fait en 48H et chez Oracle … en 2 semaines !). Oracle voulait exploiter le potentiel de données générées par leurs 500 000 clients. L’entreprise a  créé un département de data business analytics  pour engager  l’entreprise sur la voie de l’innovation. Son deuxième ‘geste’ a été le recrutement clé d’une personnalité issue de l’écosystème (Microsoft) et spécialisée dans l’analyse des datas. Sa mission : faire réussir la nouvelle business unit et faire évoluer Oracle.

Son mode de fonctionnement est plus proche du pirate ou du hacker, pour avancer, il cherche les failles, trouve le moyen de contourner… sa devise : éventuellement demander pardon mais jamais l’autorisation !

Chez Lindekin, l’intrapreneuriat est encouragé au travers d’une plateformes d’idéation ouvertes à tous les employés, de hackathon avec les ingénieurs, de journées de prototypage collectif qui servent de socle aux développements de nouveaux produits et des projets intrapreneuriaux.

Une autre option peut être de mener à son terme le Venture Capital, en intégrant les  technos et les équipes issues des acquisitions (Les fondateurs de ces starts up rachetées ne restent d’ailleurs pas forcément jusqu’au terme de l’aventure…  c’est fonction de leur capacité à écouter les conseils, à recruter les bons talents et à pivoter …)

 DES ENTREPRISES BOOSTÉES PAR L’ESPRIT SILICON VALLEY

Qu’elles soient née dans la Silicon valley, où qu’elles y viennent pour s’en inspirer, toutes ses entreprises rencontrées semblent bossée par l’esprit « Silicon Valley ».

Pour Luc Julia, la magie de la Silicon Valley, c’est l’esprit pionnier qui perdure, avec une vraie culture collaborative. Il raconte qu’à son arrivée, il a été invité à participer à un genre d’apéro tech et qu’en entrant dans la pièce, il a été sidéré d’y trouver toutes ses idoles, les pionniers de l’innovation, en train d’échanger sur leurs problématiques, les opportunités, les nouveautés tech … pas sur leurs propres projets de R&D quand même, mais dans une simplicité et une transparence incroyables ! C’est pour lui ce qui constitue la qualité première de la Silicon Valley et c’est tout l’enjeu de ce qui démarre en France avec la French Tech,  la culture de la coopétition : jouer et apprendre avec celui qui est à côté et développer sa différenciation.

A l’Europe d’inventer son modèle !

Pour Luc Julia, dans le match USA/Europe, les start up européennes auraient tout intérêt à tester leur business sur le marché US qui présente une homogénéité et une échelle sur lesquelles l’Europe ne peut pas rivaliser, il y a trop de disparités entre chaque état. Le marché US est parfait pour le ‘Scale Up.‘ En revanche, laisser l’ingénierie en Europe et profiter de la compétence des ingénieurs et de leur culture mathématique constitue un pari gagnant avec des équipes plus stables…

Mais la Silicon Valley n’est sans doute pas l’unique modèle d’innovation et de réussite. Sanjeev Rao, fondateur de Mi-Shift et intervenant à l’EM Lyon, comparait les modèles d’innovation symbolisés par la Silicon Valley d’une part et Bangalore en Inde d’autre part. Pour lui, l’innovation à l’américaine est formatée par l’abondance des ressources (le temps, les financements, les ressources humaines, …) c’est le More with More,  alors que celle de l’Inde serait plutôt orientée More with Less… L’innovation frugale, c’est une autre vision dont on devrait s’inspirer… et pourquoi pas le thème d’un prochain voyage !

 

Lire la suite … Focus Open Lab, Venture Capital et Centre d’innovation 

Les lieux visités et personnalités rencontrées

  • SALESFORCE.
    Simon Mulcahy – Executive Vice President & Chief Innovation Officer of Salesforce
  • UBER FREIGHT
    Olivier Causse – Uber, Manager of Strategy & Business Development at Uber Freight
  • ORACLE
    Bruno Aziza – Vice President AI ORACLE
  • PLUG and PLAY
    Keith Lee – Partnerships Manager, Brand & Retail
  • AppHAUS – SAP
    Eliad Goldwasser – Head of SAP AppHous
  • LINKEDIN
    Erez Schanin AMER Regional Solutions Teams Manager Linkedin
  • DocuSign
    Jerome Levadoux – VP Head of Signature Products at DocuSign
  • BASF Venture Capital
    Laurie Menoud – Investment Manager at BASF, with a focus on digital technologies
  • APPLIED MATERIALS
    Dr. Omkaram (Om) Nalamasu is senior VP and chief technology officer (CTO) for Applied Materials.
  • SAMSUNG Innovation Center
    Dr. Luc Julia – VP Innovation.




 

 

 

À propos de Véronique Jal

Ma ligne guide depuis 15 ans, c'est le management de projets collectifs à fort "sens ajouté" : les fromages AOP, les hébergements touristiques, la démarche d'attractivité d'une région... et aujourd'hui l'innovation territoriale via un média associatif Toulousaine d'origine, j'ai découvert et choisi l'Auvergne que mon parcours pro m'a amenée à connaître sous plein de facettes. J'adore cette activité qui nous permet d'être en situation permanente de découverte.