Faustin Falcon : La chasse ou l’allégorie de la division

Faustin Falcon : La chasse ou l’allégorie de la division

Au Connecteur, nous donnons la parole à celles et ceux qui souhaitent partager leurs opinions et leurs visions sur les grands enjeux de demain. Nous  sommes convaincus de la nécessité de réapprendre à écouter. C’est dans l’échange et le débats que l’on enrichit nos points de vue respectifs.
 » Communiquer, c’est accepter que nous venions tous de mondes différents »
Cette semaine, Faustin Falcon, administrateur du Connecteur, directeur général de Pecheur.com, chasseur et pêcheur bourbonnais nous partage cette  impression grandissante d’une stigmatisation des communautés de pratique telles que la chasse ou la pêche.

Faustin Falcon : La viande dans les menus des cantines. La chasse au gluau. La chasse à courre. La pêche au vif. Le cirque avec des animaux. Les sapins de noël sur les places de centre ville… 

La liste des interdictions dont débat la société française est longue. Mais l’objectif serait de basculer dans le monde post-moderne des héros sauveurs de l’humanité. Voire de la vie sur terre tout court…

Elle est longue mais aussi particulièrement difficile à raccrocher objectivement aux réelles urgences écologiques scientifiquement établies que l’humanité va devoir surmonter. Du moins, me semble-t-il, d’un bien faible impact sur l’ effondrement de la biodiversité, la baisse drastique de la ressource en eau potable,  les changements climatiques et phénomènes météorologiques extrêmes…

Faut-il sacrifier pour éveiller les consciences ?

En ce sens, à quoi sert-elle, cette liste ? Certains m’ont expliqué qu’il s’agirait d’une sorte d’éveil des consciences pour les générations futures afin de les sensibiliser à la préservation de l’environnement. Peut-être suis-je donc dans le déni.

Comprenez-moi bien, j’entends que la production de viande (et sa surconsommation) produit des gaz à effet de serre et est très consommatrice en eau. Mais qu’il faille apprendre à nos enfants à ne plus en manger…1 jour par semaine…pour la remplacer par un steak de soja produit en Amérique du Sud, je suis moins convaincu.

En revanche, ce que je constate, c’est que les débats autour de ces questions enflamment les médias et les réseaux sociaux sans produire pour autant beaucoup de lumières…

Ces questions me touchent, me heurtent et me bousculent également. Je pêche et je chasse ou plutôt, devrais-je dire, parce que je suis pêcheur et chasseur. Or, il semblerait que l’éveil des consciences passe aussi par l’abandon de ces pratiques ancestrales devenues, au mieux, ringardes et, au pire, barbares.

Faire l’expérience de la nature

En effet, je suis né dans une famille habitant un territoire rural. J’ai grandi et appris auprès de mes grands-pères des choses que l’on n’apprend pas à l’école. J’ai appris aussi, au contact de la nature, au travers des activités de pêche et de chasse.
Plus tard, j’ai modernisé ma pratique. J’ai rencontré d’autres pratiquants. J’ai créé des liens et des souvenirs, y compris avec des animaux.

Je sais faire la différence entre une empreinte de sanglier, de chevreuil, de cerf. Entre celles d’un lièvre et d’un lapin. Et vous ?
Je sais faire la différence entre un rotengle, un gardon et une ablette. Je sais où et quand les truites frayent dans nos cours d’eau. Et vous ?

Mes enfants de 7 et 11 ans le savent aussi. Tout comme ils font la différence entre un pigeon ramier et un pigeon biset et savent reconnaître une girolle ou un cèpe. Et vous ?
Tout cela est extrêmement basique et simple. Pour moi.

Une posture « écolos des villes » ?

Il est de bon ton à l’heure actuelle, dans les repas de famille ou les séminaires (distanciels), d’affirmer avoir vécu l’éveil de sa conscience « écolo ». Pour moi, être véritablement sensibles aux questions de protection de l’environnement et ne pas savoir répondre par la positive aux quelques questions qui précèdent, c’est incompatible. En effet, comment prétendre défendre quelque chose que l’on connaît ou que l’on côtoie si peu ?

Le rapport à la nature ne peut être conceptuel 

Le confinement vous a fait prendre du recul sur vous-même et vous avez décidé désormais d’établir un rapport charnel avec la nature et le vivant ? Peut-être vous êtes-vous mis à la randonnée récemment et avez commencé à faire des dons à la LPO. C’est pourquoi vous en faites désormais LE sujet de vos story Instagram 3 fois par jour. Mais s’agit-il d’une réelle prise de conscience ou de l’envie de se donner bonne conscience? 

Il semble que nous vivions une société invitée à désigner des coupables, faute de se mettre en marche pour produire des solutions. 

Faustin Falcon

Si mes enfants, eux, le savent ce n’est pas parce que la société a éveillé leurs consciences. C’est parce qu’il a existé un lien et une transmission intergénérationnelle. S’ils le savent, c’est parce que nous avons eu des moments de partage au travers de ces pratiques. S’ils le savent, c’est parce que la nature a bien voulu se dévoiler à eux après un peu d’apprentissage.

Cessons d’opposer et de stigmatiser

Je ne veux pas prétendre être plus vertueux que mon voisin. Je ne veux pas défendre une pratique, une communauté ou une tradition. Je veux défendre une identité, la mienne. Je veux pouvoir être celui que je suis. Comme tout le monde je souhaite être respecté. Comme tout le monde, je l’espère aussi,  j’écoute et évolue en conservant mon libre arbitre. Le sentiment de stigmatisation que j’éprouve, d’autres l’éprouvent également sur bien d’autres sujets.

La démocratie découle de la prise en compte de l’altérité à travers l’empathie, l’échange, le débat, la recherche du compromis.

Faustin Falcon

Prendre soin d’un bien précieux

Une société qui s’accommoderait d’un état qui légiférerait et interdirait au nom de l’éthique ou de l’éveil des consciences ne pourrait être compatible très longtemps avec la démocratie. Pour relever des grands défis au bénéfice du plus grand nombre, l’humanité n’a pas encore trouvé meilleur système que la démocratie.
C’est de cela dont il me semble prioritaire d’avoir conscience et de prendre soin.