Innovation en éducation : L’École de la Deuxième Chance qui permet aux jeunes de rebondir

Innovation en éducation : L’École de la Deuxième Chance qui permet aux jeunes de rebondir

La première École de la Deuxième Chance ouvre ses portes en 1998 à Marseille. Depuis, le concept a essaimé dans toute la France. Quant à l’antenne puydomoise, elle voit le jour en 2006 à Clermont-Ferrand. D’abord portée par le Conseil Régional, elle est désormais une composante de l’ESC Clermont Business School. En 2023, on compte cinquante-cinq E2C réparties sur le territoire métropolitain pour environ 15 000 jeunes accompagnés chaque année. Zoom sur une école pas comme les autres avec Christelle Lafarge, coordinatrice pédagogique pour le Puy-de-Dôme. 

Quelle est l’ambition derrière l’École de la 2ème chance du Puy-de-Dôme ?

La mission principale de l’E2C de Clermont-Ferrand est d’offrir une seconde chance aux jeunes de 16 à 25 ans, sans emploi ou éloignés de l’emploi. Elle leur permet de rebondir après un décrochage scolaire, une mauvaise orientation professionnelle ou des problèmes périphériques, tels que des problèmes sociaux ou de santé.

Les stagiaires de l’E2C suivent un programme basé sur trois piliers. D’abord, une remise à niveau, ensuite, des ateliers techniques de recherche d’emploi et enfin des périodes d’alternance en entreprise. L’école offre également des ateliers de développement personnel, pour favoriser l’équilibre de vie et l’insertion sociale et professionnelle de ses stagiaires.

Vous êtes coordinatrice pédagogique, pouvez-vous nous expliquer le fonctionnement assez particulier de votre structure ?

Oui bien sûr. Pour aider les jeunes à construire leur avenir, les équipes de l’E2C mettent en place un parcours individualisé. A son entrée en formation, le stagiaire effectue une première semaine de positionnement. Elle permet d’évaluer les besoins en formation. Ce temps permet également de fixer les premiers objectifs à atteindre au cours d’une première période d’intégration de 6 semaines. Le jeune s’engage ensuite, avec l’équipe pédagogique, dans un parcours prévisionnel de 6 mois.

Une semaine de travail préparatoire est également organisée. Ils sont familiarisés avec les outils nécessaires à leur recherche de stage et à leur future vie professionnelle (CV, lettres de motivation, etc.). C’est aussi pendant cette période que les formateurs les accompagnent pour commencer à élaborer leur projet professionnel.

Une des particularités de l’E2C est la place très importante accordée à l’alternance et à la découverte des métiers. Ainsi, des stages de deux semaines sont mis en place, permettant aux stagiaires de tester différentes pistes de projets. En effet, il n’est pas obligatoire d’avoir un projet professionnel clair en poussant la porte de l’École de la deuxième chance. On peut même explorer plusieurs voies. Cela permet de se faire une idée de la réalité des métiers, avant de valider un projet.

On entend beaucoup parler d’insertion professionnelle, mais qu’est ce que l’on met derrière ce terme ?

Le programme ne cherche pas à « faire rêver » les jeunes, mais plutôt à les orienter vers des projets réalistes et réalisables, adaptés à leurs aspirations et compétences. Les stagiaires ont le statut de stagiaires rémunérés de la formation professionnelle. Ils ne sont ni élèves, ni étudiants, bien que certains soient encore mineurs. C’est un statut responsabilisant qui les prépare à entrer dans le monde du travail. 

Pour qu’ils puissent trouver leur voie dans le monde professionnel, les entreprises partenaires jouent un rôle crucial. Elles proposent des stages et contribuent ainsi au développement des projets professionnels.

L’accompagnement est également personnalisé pour répondre aux besoins spécifiques de chaque stagiaire. Chaque stagiaire a un parcours de vie différent et des freins périphériques individuels à lever. 

Bien que le programme dure normalement six mois, des parcours plus longs peuvent être envisagés pour ceux dont l’élaboration du projet nécessite encore de l’expérience en entreprise, la mise en œuvre du plan d’actions pour une entrée en formation ou un accompagnement à une recherche active d’emploi.

Est-on plutôt sur de la formation ou de l’enseignement ?

L’entrée en préparation de diplômes comme le DAEU (Diplôme d’accès aux études universitaires, équivalent du baccalauréat) peut être préparée.

L’approche pédagogique est basée sur un référentiel de compétences professionnelles, plutôt que sur des disciplines académiques traditionnelles. Les évaluations ne sont pas basées sur des notes, mais sur l’autonomie du jeune sur la compétence dans différents domaines. Une attestation de compétences acquises est délivrée à la fin du programme.

Enfin, il est important de noter que les stagiaires de l’E2C sont rémunérés. La rémunération varie en fonction de l’âge et de la situation sociale du stagiaire, ajoutant un aspect financier à la formation qui peut être précieux pour ces jeunes souvent dans une situation précaire.

Vous proposez un type d’alternance novateur, composé de différents stages….

Oui. Les jeunes alternent entre les stages et la formation en fonction de leurs besoins. Les stages se déroulent généralement sur des périodes de deux semaines. 

Pour valider un projet professionnel, il faut que chaque jeune effectue au moins deux stages dans deux entreprises différentes avec des retours positifs. Plusieurs projets professionnels peuvent être explorés simultanément, et une fois qu’un projet est validé, un plan d’action est mis en place pour aider le jeune à accéder à l’emploi ou à la formation nécessaire.

Nous avons un partenariat resserré avec OI France et la verrerie de Puy-Guillaume dans le Puy-de-Dôme qui permet à des jeunes d’effectuer plusieurs stages au sein de l’entreprise pour découvrir une diversité de métiers et saisir des opportunités de formation en alternance.

Bien que nous ayons des entreprises partenaires, ce sont bien les jeunes qui doivent effectuer les démarches professionnelles, rédiger leur CV et leur lettre de motivation, prendre contact avec les entreprises. Ils sont accompagnés pour devenir acteurs de leur insertion professionnelle. 

Vous avez aussi des interventions de professionnels pour (re)donner confiance aux jeunes dans leur capacité à trouver un emploi.

En effet. Des professionnels animent des ateliers de développement personnel et de gestion du stress. Nous avons également une socio-esthéticienne qui intervient pour travailler sur l’image que les jeunes renvoient aux autres. Elle propose des conseils sur le dresscode pour un entretien professionnel, sur l’hygiène, le maquillage, le rasage, le soin de la peau, etc.

Enfin, une psychologue du travail intervient régulièrement pour aider les jeunes qui manquent de confiance en eux ou rencontrent des difficultés, que ce soit pendant leur stage ou durant le programme de formation. Elle est également spécialisée dans le domaine du handicap.

Témoignage de Cadija, Ecole de la 2ème chance Auvergne

Cadija est d’origine portugaise et est arrivée en France il y a quelques années, après un bac général, pour se construire un avenir meilleur. Elle a une volonté à toute épreuve et un rêve pour son avenir professionnel. Cadija voudrait travailler dans la mode, trouver un emploi dans un magasin de vêtements, et pourquoi pas plus tard, ouvrir le sien.

Aujourd’hui, ce qui la freine, c’est le français, qui n’est pas sa langue maternelle. Alors, en attendant de rejoindre le secteur qui lui plaît, elle est agent hospitalier de 16h00 à 21h00. Pour elle, dans la vie, Pour elle, dans la vie, “il ne faut pas attendre que l’on fasse les choses à notre place, c’est à nous de trouver des solutions pour réaliser ce qui nous plaît. Il faut que l’on réussisse à faire quelque chose de sa vie, sinon à quoi ça sert de vivre.”

Quand on lui demande ce qu’elle pense de l’école de la 2ème chance, Cadija répond “On ne vient pas ici pour gagner de l’argent, on vient pour travailler son projet professionnel. C’est l’opportunité de s’améliorer, de se poser les bonnes questions. Ce qui me plaît, c’est que l’on peut venir même si on n’a pas de projet clair. D’ailleurs, j’ai encouragé une amie à venir parce qu’elle est dans cette situation. Le meilleur souvenir que je garde de l’E2C, ce sont les personnes qui nous accompagnent et qui nous considèrent vraiment.”

À propos de Pauline Rivière

Pauline Rivière est journaliste et rédactrice en chef du média en ligne le Connecteur. Elle est en charge du choix des dossiers spéciaux mensuels. Elle développe également des outils de datavisualisation à destination de l'écosystème de l'innovation et s'intéresse à l'innovation éditoriale. Avec sa société SmartVideo Academy, elle anime différentes formations à la réalisation de vidéos (au smartphone notamment) et à l’écriture audiovisuelle. Elle intervient également dans l'Enseignement Supérieur dans le cadre de projets pédagogiques digitaux, mêlant techniques de communication et sujets d'innovation.