L’automatisation au service d’une logistique 4.0 plus durable ? Cédric Tessier, Effidence

L’automatisation au service d’une logistique 4.0 plus durable ? Cédric Tessier, Effidence

En croisant ceux qui l’ont accompagné, on dit de Cédric Tessier qu’il est un entrepreneur visionnaire comprenant parfaitement les enjeux du secteur de la robotique. Il fonde Effidence en 2008, une entreprise innovante dans les véhicules intelligents.
Aujourd’hui, l’industrie se questionne sur la mondialisation et les dépendances qu’elle engendre. Si nous voulons relocaliser les productions, le robot autonome fait-il partie de la solution ? Éléments de réponse avec Cédric Tessier.

Cédric Tessier, avant de parler robotique et logistique 4.0 durable, pouvez- vous nous parler de votre parcours ? Je le trouve personnellement passionnant !

Cédric Tessier : Je suis né en Normandie, pas très loin d’Evreux. Après mon bac, j’ai suivi des études scientifiques en classes préparatoires à Rouen, en Physique et Sciences de l’ingénieur. J’ai ensuite passé le concours des écoles d’ingénieurs, ce qui m’a permis d’intégrer en 2001, l’ISIMA à Clermont-Ferrand, filière développement logiciel.

L’informatique m’a toujours passionné bien que je le considère avant tout comme un outil. J’avais besoin de le raccrocher à une thématique. Pour cette raison, j’ai continué avec un DEA traitement et analyse d’images, et données capteurs. Ce double cursus proposait des cours dispensés par des chercheurs de l’université Blaise Pascal.

J’ai pu réaliser deux stages en seconde et troisième année. J’ai eu la chance de faire le premier dans une start-up clermontoise, Soluscience. Il y a une ambiance particulière dans ce monde-là et également l’excitation d’avoir pas mal de projets à mener en même temps.
Lors du stage en 3e année au Cemagref, devenu l’INRAE depuis, j’ai commencé à faire de la robotique mobile. Concrètement, j’ai utilisé mes connaissances en informatique comme un outil au service du déplacement automatique de véhicules à roues.

Pour l’instant, c’est un parcours d’ingénieur assez “classique” ? Comment Cédric Tessier devient-il chef d’entreprise ?

Cédric Tessier : Entre 2004 et 2007, j’ai poursuivi avec une thèse sur la robotique, et plus précisément, sur le déplacement autonome de robots mobiles appliqué aux machines agricoles. Toujours au sein du Cemagref et grâce à un cofinancement avec la région Auvergne.

Le Cemagref était un EPIC, un Établissement Public à Caractère Industriel (l’INRAE l’est également.). Il noue des contrats avec des industriels. Et donc, forcément, il y a une forte volonté de valorisation des travaux de recherche et de transfert technologique avec une orientation recherches appliquées.

C’est suite à cette thèse que vous vous lancez dans l’entrepreneuriat. Ce n’est pas classique pour un ingénieur.

Je voulais continuer sur les thématiques robotiques. J’aurais pu intégrer une entreprise, mais je voulais être autonome de mon destin. Je voulais être acteur de mon orientation, avoir un lien avec le monde économique, participer à son développement. Je souhaitais mettre à profit mes compétences en créant une entreprise sur la thématique du véhicule intelligent.

En école d’ingénieurs, on ne nous apprend pas à être des chefs d’entreprise. Je me suis rapproché de l’Institut de la PME qui accompagne et forme tout type d’entrepreneur. En 2008, pendant un an, j’ai appris tous les aspects de la création d’entreprise innovante, le marketing, les RH, la propriété intellectuelle, le développement commercial. Nous avions des intervenants de très grande qualité qui nous ont apporté des connaissances pratiques. J’en garde un très bon souvenir.

Et c’est après cette formation que naît Effidence….

Oui. Le 23 janvier 2009 exactement. Je créé Effidence avec 4 actionnaires. Je suis actionnaire majoritaire, et des personnes avec qui j’ai collaboré pendant mes études et ma thèse m’ont rejoint.

Comment se passent les débuts d’un entrepreneur innovant en 2009 ? Est-ce que vous avez été accompagné ?

Cédric Tessier : Oui. J’ai eu l’opportunité de rencontrer des personnes qui m’ont aidé et ouvert des portes. En Auvergne, nous avons cette chance d’être une petite famille. Ainsi, on rentre par une porte et ensuite, on rencontre beaucoup d’acteurs : BPI France, Yannick Izoard, Nathalie Guichard, Virginie Squizzato….

J’ai pu déposer un dossier pour le concours du Ministère de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur qui s’appelle aujourd’hui I-Lab. Nous avons reçu en 2008 le financement pour les projets “Emergence” et une bourse de Clermont Communauté a permis de financer ma formation à l’Institut de la PME. 

Cédric Tessier, est-ce que vous pouvez nous pitcher Effidence

Nous proposons des chariots robotisés autonomes pour assurer les flux logistiques dans les entrepôts et dans les usines. Pour faire simple, on automatise le déplacement des contenants d’un point A à un point B. On peut le faire en intérieur et également à l’extérieur entre deux bâtiments.

De plus, nous proposons également des solutions pour la préparation de commandes. Dans la plupart des entrepôts, les préparateurs de commandes doivent arpenter les allées et pousser des chariots. Ils font souvent 15 km par jour. C’est fatiguant et sans valeur ajoutée. Avec nos robots, les préparateurs de commandes restent dans une allée et ce sont les robots qui se déplacent vers ces préparateurs pour récupérer les différentes marchandises. 

Néanmoins, lorsque l’on parle d’automatisation, on voit aussi des robots qui remplacent des humains, qui leur “prennent” leur travail. Quel est votre point de vue sur le sujet ? 

Aujourd’hui, la plupart des entrepôts ne sont pas automatisés. Avec le redémarrage, suite au COVID19, les entreprises ont du mal à recruter. Il y a une pénurie de main d’œuvre. Les sites logistiques sont éloignés des bassins de vie, regroupés aux mêmes endroits, proches des aéroports. Il y a beaucoup de contrats d’intérim ou en CDD pour faire face aux périodes d’activités intenses très resserrées. 

Fort de ce constat, ce que nous proposons, ce n’est pas de remplacer l’humain, mais de l’assister. Finalement, il est plus pertinent de lui confier un travail à forte valeur ajoutée et de laisser les machines faire ce qui a moins de valeur et ainsi limiter la pénibilité du métier. 

Quels sont les enjeux à venir pour le marché des robots autonomes pour les prochaines années ? 

Cédric Tessier : C’est un marché très concurrentiel. Pour comprendre les enjeux à venir, il faut revenir un peu en arrière. C’est Amazon, dans les années 2000 qui a inventé la robotisation des entrepôts logistiques. Les préparateurs ne se déplacent pas, ce sont les étagères qui viennent à eux. La limite de ce modèle, vient du fait qu’il ne peut se déployer que sur les nouveaux entrepôts. Quid de ceux déjà existants. 

En 2016, apparaît la robotique collaborative qui se développe avec l’arrivée de l’usine 4.0.

Aujourd’hui, les industries manufacturières ont besoin de flexibilité dans leurs chaînes de production. Prenons l’exemple de l’industrie automobile : on customise de plus en plus, il y a de nombreuses options. Il faut de la flexibilité sur les flux logistiques à l’intérieur des bâtiments. Pour y répondre, il existe des robots intelligents.

Enfin, il y a désormais la logistique 4.0. Effidence contribue au développement du métier de préparateur de commandes. Moins d’erreurs, une meilleure traçabilité, plus d’efficacité, etc.

Vous venez d’annoncer un partenariat avec Manitou ? Pourquoi cette collaboration ? 

En effet, c’est un partenariat technique et commercial exclusif. Effidence est spécialisée dans le transport de bacs avec notre robot EffiBOT. Néanmoins, nous savons que nos clients ont également d’autres besoins.
À travers cette collaboration, nous allons pouvoir proposer une gamme complète de robots automatisés intelligents, notamment les chariots à fourche et tracteurs industriels Manitou, pour répondre à toutes les problématiques. Aujourd’hui Manitou intègre de l’IOT dans toutes ses machines. Elles communiquent entre elles et sont capables de faire de la maintenance prédictive.

Par ailleurs, on entend des critiques de plus en plus virulentes sur les flux de marchandises et l’impact carbone que la logistique mondialisée engendre. Comment est-ce que vous vous positionnez par rapport à ça ? 

Aujourd’hui, l’usine du monde reste la Chine et cela engendre des conséquences que l’on a découvertes avec la crise sanitaire. C’est ce qui créé une dépendance pour nos industries.
Par ailleurs, l’impact environnemental est important. Par exemple, pour fabriquer nos robots, nous avons besoin de composants qui viennent de Chine. Soit nous les faisons venir en Express par avion, ça coûte cher et c’est très polluant, soit nous utilisons le bateau, c’est très long et nous n’avons aucun contrôle sur les délais. Il n’existe pas de conditions idéales.

Dans ces conditions, quelles solutions pour une logistique 4.0 plus durable ? 

La bonne nouvelle, c’est que la tendance actuelle est plutôt de relocaliser les entreprises et les productions. Avec Effidence, nous essayons de prendre part à cela. Nos produits robotiques collaboratifs aident nos clients à améliorer leur productivité, tout en réduisant la pénibilité pour leurs employés. Il s’agit de solutions simples, flexibles et nous accompagnons nos clients dans leur croissance. Si l’industrie française parvient à relocaliser, nous pourrons obtenir des délais de livraison plus courts, moins faire appel à l’avion et redynamiser l’économie locale. Voilà l’enjeu pour une logistique 4.0 plus durable.

Dans la tête de Cédric Tessier :

Ta définition de l’innovation : Une solution originale et nouvelle à un problème client, que l’on peut packager dans une offre commerciale.

Une belle idée de start-up : Créez, entreprenez, fondez votre société avec passion et respect des hommes. Toutes les idées sont bonnes.

La start-up qui monte : Effidence. Nous montons parce que nous accompagnons nos clients sur le long terme, dans leur développement.

Où est-ce que tu vas à la pêche à l’info : La meilleure source d’information est dans le partage et la discussion avec n’importe quelle personne, quel que soit leur métier, activité, …

Une recommandation pour s’instruire (livre, podcast, magazine, série) : Wikipedia

Une recommandation pour rire (livre, podcast, magazine, série) :  Ecouter Elodie Poux

Une femme qui t’inspire/experte : Ma femme. C’est mon inspiration, c’est ma motivation, c’est mon soutien indéfectible dans tous les moments de mon entreprise : les bons comme les moins bons.

L’Auvergnat.e d’ici ou d’ailleurs avec qui tu aimerais bien boire un coup : Pauline Rivière, car elle a l’air très sympa et adorable.

À propos de Pauline Rivière

Pauline Rivière est journaliste et rédactrice en chef du média en ligne le Connecteur. Elle est en charge du choix des dossiers spéciaux mensuels. Elle développe également des outils de datavisualisation à destination de l'écosystème de l'innovation et s'intéresse à l'innovation éditoriale. Avec sa société SmartVideo Academy, elle anime différentes formations à la réalisation de vidéos (au smartphone notamment) et à l’écriture audiovisuelle. Elle intervient également dans l'Enseignement Supérieur dans le cadre de projets pédagogiques digitaux, mêlant techniques de communication et sujets d'innovation.