P.A.T : un avis citoyen pour accélérer l’autonomie alimentaire

P.A.T : un avis citoyen pour accélérer l’autonomie alimentaire

Le PNR Livradois-Forez et le Grand Clermont sont des territoires complémentaires : schématiquement des espaces de productions  agricoles diversifiés d’un côté et un  bassin important de population de l’autre. Ensemble, ils portent un Projet  Alimentaire Territorial (PAT). Son objectif est de co-construire une stratégie alimentaire et un plan d’actions partagé par l’ensemble des acteurs concernés (agriculteurs, transformateurs, distributeurs, citoyens, consommateurs, acteurs  de la santé, acteurs de la restauration collective…). Sa finalité est de permettre  l’accès pour tous à des produits sains, de qualité, issus de circuits de proximité et in fine, d’accroitre le taux d’autosuffisance alimentaire du territoire. 

Un travail de longue haleine donc, au cœur du sujet de la transition et de la conduite d’un changement collectif et territorial. Démarré en 2018, il a mobilisé plus de 250 acteurs pour définir un futur souhaitable, des objectifs, une trajectoire et un plan d’actions à court et moyen terme. Car le sujet est complexe, dans son acception littérale « qui réunit plusieurs éléments différents ».

Une ambition : 50% d’autonomie sur le maraîchage, les fruits et les légumes d’ici 2050

L’objectif est ambitieux. Il faut agir sur plusieurs leviers et ce, quasi en même temps. L’enchaînement harmonieux des étapes huilera la machine. Et inversement. Car tout est lié : pour produire, il faut préserver et remobiliser des terres agricoles, il faut aussi accompagner les installations ou l’évolution des pratiques en faveur d’une agriculture respectueuse de l’environnement et rémunératrice. Mais ensuite, une fois la production installée, il faut qu’elle trouve des débouchés pérennes. Et chacun sait qu’il y a là beaucoup de challenges à relever. Notamment en matière d’organisation, de structuration de filières pour accéder à des circuits de commercialisation diversifiés. Et au bout du bout, il faut des mangeurs. Et donc tout un champ à investir pour créer les bonnes conditions d’un bon environnement alimentaire, stimulant les bons choix.

L’objet est bien de tisser une chaîne de valeur résistante dans laquelle chaque maillon est crucial et solidement noué. Pour le PAT qui a engagé beaucoup d’interactions avec les acteurs de la filière, il manquait un élément d’importance: le dernier maillon, le citoyen-consommateur.

L’avis citoyen : une démarche participative

On l’entend souvent, en particulier sur ces questions d’alimentation, c’est le client qui décide. Ce qui induit que c’est au consommateur d’envoyer les bons signaux et que le marché s’y adaptera en conséquence. Certes mais c’est faire peu de cas de la notion d’environnement alimentaire. C’est à dire le « contexte physique, économique, politique et socioculturel dans lequel les consommateurs entrent en contact avec le système alimentaire pour faire leurs choix concernant l’achat, la préparation et la consommation des aliments ».

Le Réseau Action Climat (RAC) a récemment publié une étude sur le rôle des supermarchés dans la transition vers une alimentation durable, en s’appuyant sur la notation des 8 principales enseignes en France. Et aïe … pas une n’obtient plus de la moyenne. Selon ce réseau d’associations engagées, l’environnement alimentaire est en réalité un des déterminants les plus forts de ce changement. L’offre alimentaire proposée, le marketing et la publicité déployés, la disponibilité des produit, leurs prix, … conditionnent les choix.

Le PAT a donc souhaité recueillir la parole de ces ‘clients’. Mais en leur soumettant une problématique à résoudre et en nourrissant leur réflexion. C’est cette démarche que Le Connecteur a accompagné, structuré, animé et raconté. Et dont nous partageons aujourd’hui les résultats et apprentissages.

Agir là où est le poids

D’abord, il faut un groupe. C’est Corinne Amblard, de Vetagro Sup, qui a assuré cette mission de recrutement. Il s’agissait de constituer un groupe d’une bonne trentaine individus, en variant les profils, les pratiques alimentaires et la localisation. Chose faite, le groupe s’est retrouvé pour la première fois en octobre 2022. Trois objectifs à cette première rencontre : faire connaissance, comprendre le contexte et les ambitions du PAT puis découvrir la problématique sur laquelle il leur était proposé de travailler.

La question posée : « quels sont vos critères pour le développement plus juste et plus durable d’une production locale de légumes distribués en GMS? »

Lors de cette première séance, les questions ont fusé, notamment sur le sens des mots de la question et le choix d’une orientation exclusive vers les GMS (grandes et moyennes surfaces).

En effet, pourquoi seulement les GMS ? Parce que ce circuit de distribution représente 67% des achats alimentaires et que l’enjeu du projet revient à assurer les conditions pour boucler la boucle. Ce dernier point a d’ailleurs généré des départs. Une vraie divergence de vision, qui n’a pas pu être surmontée et c’est dommage.

Concernant le sens des mots, durable, juste, locale … et bien c’est tout l’objet des sessions suivantes: adopter collectivement une définition souhaitée pour ces mots et leur donner vie dans les rayons.

Émettre un avis et pas une opinion

C’est ensuite un petit marathon qui s’est engagé. Cinq autres rencontres pour se forger un avis. Pour des bénévoles, c’est quand même un engagement d’une trentaine d’heure minimum. Et à la fois, on a envie de dire, six rencontres ‘seulement’, tellement le thème est riche et la soif d’apprendre intense.

Cinq rencontres donc pour changer de chaussures. Aller visiter des exploitations et rencontrer des chefs de rayon ou responsables de grandes surfaces. Poser des questions, chercher à appréhender les contraintes, de part et d’autre. Et aussi pour auditionner des experts, deux à chaque séance, sur des sujets tels que la ressource en eau, la structuration des filières locales, la fixation du prix ou le rapport social à l’alimentation. Prendre une question et la regarder sous plusieurs angles, en distançant ses a priori.

Après ces deux séances immersives et intensives, nous avons observé une phase de doute s’installer parmi les participants en mode « suis-je bien légitime ? » Phase de doute qui nous rappelle la courbe de Dunning Kruger. Nous venions sans doute d’atteindre collectivement la vallée de l’humilité…

Les séances suivantes ont permis de mettre en commun, d’abord en sous groupes, puis de débattre et converger en groupe entier.

Poser les bonnes questions

Quels sens veut-on donner aux mots, quels leviers doit-on activer pour faire évoluer les environnements alimentaires et les comportements, quelles informations doivent être transmises aux consommateurs et comment ?

C’est à toutes ses questions que répond l’avis des citoyens-consommateurs engagés dans cette démarche participative initiée par le PAT. Il se présente sous la forme de cinq propositions, développées et contextualisées, adressées aux GMS et plus particulièrement à ceux qui, souvent dans l’ombre d’une profession à l’image endommagée , agissent de l’intérieur. Parce qu’il y en a toujours, dans tous les milieux, des explorateurs, des personnalités légèrement hors du moule, qui font avancer les choses, un peu cachés parfois, un peu décalés souvent et qui finissent par ouvrir des brèches. C’est à eux avant tout que s’adressent ces propositions.

  • Proposer des légumes qui soient « vraiment » de qualité et de proximité
  • Assurer une information transparente
  • Donner envie de choisir les légumes locaux de qualité et de créer des liens
  • Donner les clés pour valoriser une alimentation plus saine
  • Donner le goût de la cuisine, inspirer

Boucler la boucle

La restitution de l’avis finalisé aux partenaires avait lieu la semaine dernière. C’était un moment intéressant d’affirmation et de confrontation de points de vue. L’avis est exprimé, il doit maintenant vivre sa vie. C’est l’engagement du PAT que de le porter, le diffuser, l’utiliser pour faire bouger les lignes.

C’est aussi l’envie des citoyens, continuer à apprendre, partager leur expérience, faire réfléchir.

Et c’est aussi l’envie de certains responsables de GMS, comme l’équipe d’Auchan Nord, qui a bien envie de conduire des expérimentations…

Stay Tuned

Toutes les infos sur le PAT et la démarche citoyenne ici avec de magnifiques Carnet de Bord signés de Marie Pierre Demarty dedans !

À propos de Véronique Jal

Ma ligne guide depuis 15 ans, c'est le management de projets collectifs à fort "sens ajouté" : les fromages AOP, les hébergements touristiques, la démarche d'attractivité d'une région... et aujourd'hui l'innovation territoriale via un média associatif Toulousaine d'origine, j'ai découvert et choisi l'Auvergne que mon parcours pro m'a amenée à connaître sous plein de facettes. J'adore cette activité qui nous permet d'être en situation permanente de découverte.