La finance verte avec Pauline Maillard, Directrice Impact d’UI Investissement, Ex-Sofimac

La finance verte avec Pauline Maillard, Directrice Impact d’UI Investissement, Ex-Sofimac

Pauline Maillard est directrice Impact d’UI Investissement, ex-SOFIMAC. Elle aborde dans cet entretien la bascule qui s’opère aujourd’hui dans les critères de financements des entreprises avec l’arrivée des fonds « Impact ». A quoi ressemble la finance à impact et que va-t-elle modifier dans l’accompagnement et le financement des entreprises du territoires ?

Avant de parler de l’impact, Pauline Maillard, est-ce que vous pouvez nous raconter un peu votre parcours ?

Pauline Maillard : J’ai un parcours professionnel un peu atypique. Je suis originaire de Lorraine. J’ai fait un bac L, puis une licence de langues étrangères appliquées, et enfin, j’ai intégré l’ESC Clermont. J’ai fait différents métiers sans jamais réellement trouver ma place. J’ai travaillé dans le management de projets, dans le recrutement, les assurances, j’ai été même professeur d’éducation socio-culturel.

J’ai fini par faire un bilan de compétences et après avoir aidé mon mari dans la création de son entreprise, j’ai débuté au Conseil Régional en 2012 comme chargée de mission ingénierie financière.
C’était une mission passionnante qui avait pour objectif de comparer 13 initiatives européennes de dispositifs d’ingénierie financière cofinancées par les fonds européens. C’est à travers cette expérience que j’ai découvert l’importance de l’évaluation ou plutôt l’importance de développer des outils de mesure qui permettent l’évaluation.

C’est pendant cette période que vous étudiez le fonds JEREMIE 

Oui, c’était un fonds cofinancé par le Conseil Régional d’Auvergne et par des fonds FEDER. Un dispositif assez unique en France avec une enveloppe de 25,2 millions pour les PME en développement et les start-up innovantes.
A la fin de mon contrat au Conseil Régional, SOFIMAC m’a proposé de venir travailler sur JEREMIE. Du côté gestionnaire de fonds cette fois-ci.

Et donc quelles étaient vos nouvelles fonctions et missions chez SOFIMAC ?

J’ai participé à la création de JEREMIE Auvergne 2, avec, cette fois-ci une enveloppe de 54 millions d’euros. En 2018, j’ai senti qu’il y avait un tournant à prendre autour de la finance verte. J’ai travaillé pendant un an sur ce sujet qui n’a malheureusement pas vu le jour. On n’a pas su trouver les bons partenaires pour accompagner le projet.

Et c’est là que vous faites le grand saut. Vous devenez vous-même entrepreneure…

J’avais envie de me lancer dans cette nouvelle aventure. J’ai crée une agence de voyage. C’était un mix entre le trip-planning et le voyage expérientiel sur-mesure. Parallèlement à ma nouvelle activité, je gardais un œil sur ce qui se faisait en capital investissement. J’ai fait pivoter mon projet d’entreprise dans le tourisme durable pour qu’il ait plus de sens pour moi.

J’ai voulu présenter ce nouveau projet au président de SOFIMAC. Il m’a dit “oui, il est bien ton projet, mais ici, on a aussi un autre projet de grande envergure, et si tu souhaites revenir pour le mener à bien, on t’accueillera avec plaisir ».
C’est comme cela que je me suis lancée, avec un collègue à Aix-en-Provence, sur un projet de levées de fonds à impact environnemental et social.

Aujourd’hui, vous êtes Directrice Impact chez UI Investissement. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Depuis le 1er août, SOFIMAC a fusionné avec UI investissement. Notre mission n’a pas changé. Nous demeurons une société de gestion privée indépendante qui gère des fonds d’investissements. Des fonds à hauteur de 1,5 milliard d’euros qui vont financer des PME au niveau national.
Historiquement, SOFIMAC était plutôt présent dans le sud de la France avec son siège à Clermont-Ferrand tandis qu’UI Investissement rayonnait sur le nord. Avec la fusion, nous sommes désormais 70 collaborateurs sur 13 implantations régionales. 300 sociétés sont financées par nos deux sociétés réunies.

Une des particularités d’UI Investissement est son ancrage local. Pour faire de l’investissement de proximité, il faut faire partie de l’écosystème. Il faut connaître les acteurs de l’innovation et du développement des entreprises. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous faisons partie du comité d’investissement du Village by CA Centre France
Sur la thématique de l’Impact, UI Investissement a de fortes ambitions, dont notamment celle de créer une plateforme dédiée aux investissements à impact. Cela s’inscrit dans une stratégie ESG plus globale, portée à l’échelle de toutes les participations.

Nous avons aujourd’hui la volonté de lever un Fonds qui va investir dans des PME qui ont un fort impact social et/ou environnemental sur leur territoire

Pauline Maillard

Mais alors comment est-ce que l’on crée un fonds d’investissement à impact ? 

Pauline Maillard : Dans une société de gestion, on ne parle pas de RSE, mais plutôt de ESG, Environnement Social Gouvernance. UI Investissement a développé une méthodologie pour accompagner les dirigeants sur ce sujet. 
Nous avons aujourd’hui la volonté de lever un Fonds qui va investir dans des PME qui ont un fort impact social et/ou environnemental sur leur territoire. Pendant mon aventure entrepreneuriale, j’avais fait plusieurs formations autour de l’économie circulaire, de la finance verte, de l’impact social et environnemental et des ODD. 

Avec l’appui de la Direction ESG, je vais m’occuper de l’accompagnement extra-financier des entreprises. C’est-à-dire les évaluer, puis les guider, les orienter, les challenger et enfin mesurer leur impact.

Mais comment est-ce que vous avez mis en place votre grille d’évaluation pour déterminer si une entreprise est à impact ou pas ? C’est assez abstrait non ?

Non. Nous avons un référentiel. Nous travaillons avec une agence de notation extra-financière. Grâce à ce référentiel, on va pouvoir évaluer l’entreprise. Ensuite, nous allons choisir 3 ou 4 indicateurs-clés et co-créer avec l’entreprise un business plan “Impact”. Il intégrera des indicateurs ESG ainsi que des objectifs à atteindre. Nous proposerons des incentives en cas d’atteinte de ces objectifs. Ce n’est, en aucun cas, punitif. 

Comment éviter l’effet d’aubaine ou l’impact washing ? Vous avez des garde-fous ? 

D’abord, nous ne financerons que des entreprises qui ont déjà mis en place des initiatives sociales et environnementales. Pour éviter l’impact washing, il y a tout un processus d’analyse, avec des critères bien établis. En premier lieu, on évalue si la solution a un impact bénéfique sur la société et son environnement. C’est la partie notation.
Ensuite, on poursuit l’analyse en interne pour regarder comment l’entreprise se positionne vis-à-vis des ODD dans la chaîne de valeur de son produit/service et on définit une théorie du changement.
Enfin, on va faire ce que l’on appelle de la mesure d’impact avec une évaluation. 

RSE, ESG, Impact… Comment s’y retrouver avec tous ces nouveaux termes ?

Pauline Maillard La RSE et l’ESG c’est la même chose. Dans la finance, on parle d’ESG. L’ESG, c’est avant tout de la collecte de données dans une situation précise avec des recommandations à la clé. C’est le socle de notre stratégie.

L’impact va plus loin, on contextualise ces données. De cette manière, on peut créer des objectifs et les mesurer. L’impact se joue aussi au niveau de l’activité de l’entreprise. Elle peut avoir une bonne politique RSE, mais pour autant, son activité n’évite pas les externalités négatives.

« La finance à impact est une stratégie d’investissement ou de financement qui vise à accélérer la transformation juste et durable de l’économie réelle. »

L’impact est à la mode. Est-ce que demain les entreprises devront toutes être “à impact positif » ? 

Non. Toutes les entreprises ne peuvent pas être “à impact”, mais à l’avenir, elles devront tendre vers l’impact. Une entreprise qui n’a aucun impact positif et uniquement des externalités négatives est amenée à disparaître.

D’ailleurs, ces entreprises vont devoir se rediriger. Ici, sur Clermont-Ferrand, il existe un master sur la redirection écologique. C’est assez novateur d’avoir créé ça et c’est essentiel. Il y a des entreprises qui ne se rendent pas compte que leur activité n’existera plus dans 20 ans. Aujourd’hui, on peut trouver des solutions, mais à un moment il sera trop tard pour se réinventer.

Donc l’avenir de la planète et de l’humanité est entre les mains des entreprises ?

Personnellement, je suis convaincue que pour changer les choses, il faut le faire au niveau territorial. Certains mouvements pensent que la solution viendra des citoyens, d’autres des entreprises, d’autres encore de la sphère publique. Je pense que les réponses émergeront grâce à une combinaison de dynamiques entre citoyens, entreprises et pouvoirs publics.

C’est l’instant carte blanche, quelque chose à ajouter ? 

Pauline Maillard : Oui. Il existe aujourd’hui une définition de l’investissement à impact : « La finance à impact est une stratégie d’investissement ou de financement qui vise à accélérer la transformation juste et durable de l’économie réelle. »

Cette définition s’appuie sur trois piliers : 

  • Le premier pilier : l’intentionnalité. Il faut trouver le juste équilibre entre rentabilité financière et impact positif environnemental et social. On ne va pas privilégier l’un par rapport à l’autre.
  • Le second pilier : l’additionnalité. En quoi la contribution de la société de gestion va modifier le comportement de l’entreprise et lui apporter quelque chose en plus
  • Le troisième pilier, c’est la mesure d’impact.

Si l’investisseur recherche ces trois points, alors on peut dire que c’est de l’investissement à impact. C’est un consensus pour tous les financeurs. On essaie de coller au maximum au référentiel et aux définitions pour que le monde économique s’y retrouve. 

Et donc ce fonds, c’est pour quand ?

Le fonds sera opérationnel début 2022. Nous irons chercher des entreprises, mais elles pourront également venir à nous ! 

Question bonus. Vous êtes vraiment une personnalité atypique. Vous êtes depuis peu une écrivaine publiée par les éditions Revoir. Encore une nouvelle aventure qui commence ? Vous n’allez pas laisser tomber l’impact, hein ?

Bien sûr que non ! J’adore mon métier. Tous les jours, j’apprends et je réfléchis à comment mettre en place des mesures pour accompagner la transition. C’est riche, passionnant, nourrissant et cela a un sens important pour moi.
Mais il est vrai que j’ai découvert l’écriture et des lecteurs que j’ai su captiver par mes mots. C’est une formidable aventure que je vais poursuivre en parallèle.

Dans la tête de Pauline Maillard

Ta définition de l’innovation : penser l’infini dans un monde aux ressources finies.

Une belle idée de start-up : C’est une question à laquelle il ne faut surtout pas que je réponde, ça risquerait de me donner des idées 😉

La start-up qui monte : Je suis depuis un moment déjà la start-up Zei, j’aime beaucoup ce qu’ils font et la manière dont ils le font. Je vous laisse découvrir !

Où est-ce que tu vas à la pêche à l’info : J’ai un bon réseau sur LinkedIn et cela me permet de me rediriger vers toutes sortes de sources d’information, c’est inépuisable !

Une recommandation pour s’instruire sur l’impact (livre, podcast, magazine, série) : je recommande vivement d’aller sur le site de Bon Pote et de le suivre sur les réseaux sociaux. Il est très engagé et fait un travail formidable de sensibilisation.

Une recommandation pour rire (livre, podcast, magazine, série) : J’aime beaucoup la série Working Mums, j’adore l’une des actrices, qui est aussi la productrice, qui me fait beaucoup rire. Mais soyons clair, c’est une série de filles ! 

L’Auvergnat.e d’ici ou d’ailleurs avec qui tu aimerais bien boire un coup : Je recherche justement une célébrité qui lirait, aimerait mon livre et ferait le relais. Faites-moi un signe si jamais !

À propos de Pauline Rivière

Pauline Rivière est journaliste et rédactrice en chef du média en ligne le Connecteur. Elle est en charge du choix des dossiers spéciaux mensuels. Elle développe également des outils de datavisualisation à destination de l'écosystème de l'innovation et s'intéresse à l'innovation éditoriale. Avec sa société SmartVideo Academy, elle anime différentes formations à la réalisation de vidéos (au smartphone notamment) et à l’écriture audiovisuelle. Elle intervient également dans l'Enseignement Supérieur dans le cadre de projets pédagogiques digitaux, mêlant techniques de communication et sujets d'innovation.