Reportage / Nouvelles saisons au Club Open Innovation

Reportage / Nouvelles saisons au Club Open Innovation

Par Damien Caillard

Qu’est-ce qui a 28 pieds, 14 têtes, un cerveau connecté et qui aime le saint-nectaire ? Réponse : le Club Open Innovation Auvergne. Initié en juin 2018 par le Connecteur, ce groupe de 12 acteurs économiques locaux + deux animateurs a fait son petit bonhomme de chemin depuis cette date, se réunissant tous les mois et demi pour parler innovation ouverte. Jeudi dernier – le 23 janvier – a eu lieu la 10ème et dernière session de travail de leur “saison 1”. Place logiquement … à la “saison 2”, qui débute le 20 février. L’occasion de faire un point sur cette initiative originale de par son fonctionnement, sa composition et son ambition pour le territoire.

L’innovation, c’est encore meilleur quand c’est ouvert

Quelques fondamentaux pour bien commencer l’article : postulons que l’innovation est la faculté d’évoluer dans un univers en changement à peu près constant, en percevant ces changements comme des opportunités plus que comme des contraintes. On peut innover avec un service innovation, ou Recherche et Développement, derrière des portes opaques protégées par un badge d’accès et une série de brevets : ce modèle, dit d’innovation classique (ou “fermée” si on est un peu taquin) a fait ses preuves et peut très bien fonctionner dans certains secteurs économiques.

« C’est très inspirant (…) de mettre au service d’un membre du Club notre intelligence collective. » – Adeline Vitrolles, animatrice Territoires d’Auvergne pour Digital League

Mais il existe un autre modèle d’innovation. Vous l’aurez deviné : il s’agit de l’innovation “ouverte”. Au sein de ce modèle, on fait intervenir dans le processus d’innovation des publics “non dédiés”, que ce soit en interne – collaborateurs hors R&D – qu’en externe – clients, partenaires locaux, fournisseurs, et bien sûr autres entreprises. On réduit souvent l’innovation ouverte aux relations start-ups / grands groupes. Pourtant, l’open innovation, ça commence dans les têtes. Plus précisément, dans les “états d’esprit”, le fameux mindset qui se situe au niveau de l’ensemble des collaborateurs, au croisement de la culture d’entreprise, de l’organisation du travail et de la stratégie de développement.

Le Club Open Innovation Auvergne en octobre 2019 lors d’un atelier chez Accenture. En pleine pratique de la « spatialisation » (déplacement dans une pièce pour exprimer son positionnement interne face à une problématique)

Et, troisième poupée russe, la plus petite : il existe en France une douzaine de Clubs Open Innovation. Souvent dans des grandes villes comme Paris, Lyon, Toulouse … parfois au niveau d’une région comme la Normandie. Ces clubs réunissent des représentants de PME, ETI et grands groupes locaux – souvent des responsables ou chefs de projet innovation, parfois des dirigeants – et permettent l’échange de bonnes (ou de mauvaises) pratiques en la matière. A Clermont, c’est le Connecteur qui a pris l’initiative de monter le Club Open Innovation Auvergne, qui fête ses “à peu près” un an et demi d’existence.

Confiance et confidentialité

Ce Club est original à plus d’un titre. D’abord parce qu’il est ouvert à tous les acteurs économiques du territoire, quelle que soit leur taille et leur secteur d’activité. Eric Perrot, du cabinet 37.5, a participé à la première saison : “C’est le vrai endroit pour faire de l’innovation ouverte.” dit-il. “La diversité des profils, la capacité des gens à être innovants ensemble a montré tout l’intérêt de ce club en saison 1. Je ne connais pas d’équivalent aujourd’hui pour générer des idées innovantes très rapidement.”

De fait, on y trouve plutôt des représentants de grands groupes locaux ou extra-locaux – Michelin, Accenture, BNP Paribas, Crédit Agricole Centre-France, Enedis et GRDF – qui peuvent plus facilement y dédier un collaborateur sur 10 ateliers de 4 heures. Mais y sont également présents le groupe Centre-France La Montagne (ETI), PobRUN et le cabinet 37.5 (PME), Regards Mêlés (free-lance) … ainsi que le SMTC, seule entreprise publique du Club, et le cluster numérique Digital League. Comme le résume Raphaël Poughon qui représente Centre-France La Montagne : “L’intérêt du COI est de mixer des profils, d’avoir des postures différentes, des démarches hybrides, des regards et des histoires complémentaires qui viennent enrichir les points de vue sur les sujets.

Séance découverte du Club en juin 2018, où Fabien Marlin (Michelin) a pris la parole. La variété des membres – grands groupes, PME, ETI, acteurs publics – en fait sa richesse.

Le choix d’un groupe varié mais fermé a donc été fait. Fermé … pour de l’innovation ouverte ? Tout à fait, et cela s’explique : le mode “Club” permet à la fois une bonne connaissance des membres entre eux, et un degré de confidentialité des échanges. “Comme ils sont inter-entreprises, c’est une forme d’engagement.” explique Virginie Rossigneux, coach professionnel et co-animatrice du Club. “La confidentialité renforce leur engagement mutuel, et leur donne de la sécurité à pouvoir tester leurs idées, leurs projets. Il ne faut pas d’opportunisme ! La seule manière de construire durablement de la confiance est de se voir régulièrement avec le même format de rendez-vous.

« L’intérêt du COI est de mixer des profils, d’avoir des postures différentes, des démarches hybrides » – Raphaël Poughon, groupe Centre-France La Montagne

La force de ce Club – qui va être développée en saison 2 – consiste donc dans une forme de dévoilement de chacun, mais en toute sécurité au sein d’un groupe de paris bienveillants et constructifs. “Dans une entreprise, la confiance se construit au quotidien.” poursuit Virginie. “Dans le format du Club, où on se voit de temps en temps, il faut ce groupe fermé. Si trop de monde vient, ils parleront de l’innovation mais pas d’eux. Et ils ne pourront pas enrichir leur rôle interne.”

Atelier chez Enedis à Clermont, en mars 2019. Virginie Rossigneux (à gauche) a pour tâche principale de travailler sur le sentiment de confiance du groupe, permettant l’ouverture de chacun à ses pairs.

Un groupe de pollinisateurs

Les participants eux-mêmes sont – dans la grande majorité – des collaborateurs au sein de leur structure. Cela signifie qu’ils ont été choisis par leur hiérarchie pour participer au Club. Ce statut en fait de véritables pollinisateurs en interne, avec un rôle plus ou moins défini les poussant à convertir leurs petits camarades à l’innovation ouverte. Mais pour cela, comme disait Lénine, “que faire ?” *

« La seule manière de construire durablement de la confiance est de se voir régulièrement avec le même format de rendez-vous. » – Virginie Rossigneux, coach en intelligence émotionnelle et co-animatrice du Club

Le “livrable” le plus recherché par les participants reste les méthodologies employées pour faire émerger l’intelligence collective. “C’est très inspirant de découvrir ces méthodes de travail, de mettre au service d’un membre du Club notre intelligence collective.” résume Adeline Vitrolles, animatrice territoriale pour Digital League. “Puis, pour faire infuser de l’inno dans nos structures, nos projets, c’est très enrichissant !”.

En effet, pendant la saison 1, chaque membre du Club a pu mettre sur la table, le temps d’une séance, une problématique d’innovation interne ou externe. Celle-ci a alors été étudiée par l’ensemble du groupe, chacun apportant son point de vue. A la manoeuvre : Virginie, qui – par son travail de coach en intelligence émotionnelle – sait appliquer les bonnes méthodes pour travailler l’implication de chacun. Elle résume ainsi son rôle : “Je suis facilitatrice de l’intelligence collective du Club, de l’ensemble des participants. Je nourris les participants par différentes méthodes plus intuitives que cognitives pour réfléchir aux situations à travers la grille senti/ressenti”

Rencontre de membres du Club avec Waoup à Lyon, en septembre 2019. Des « voyages inspirants » sont proposés chaque semestre pour découvrir d’autres écosystèmes.

Résultat : des ateliers qui permettent à chaque membre de progresser à titre individuel, par le collectif, dans sa posture et son rôle vis-à-vis de son organisation. “C’est moins axé “solutions” et certitudes !” insiste Virginie. “Mais c’est très riche car il y a des pensées différentes, insoupçonnées, des prises de conscience …” Selon Christophe Vincent, un des “architectes” du Village by CA au Crédit Agricole Centre-France : “on échange sur des sujets terrain qui nous sont propres, et on y trouve [au Club] une bienveillance, car c’est de la co-construction. On n’est pas tout seul sur [notre] problématique ! On pourrait le faire chacun de son côté, mais tout le monde a décidé de se livrer, de partager ce qui lui est cher.”

« Le Club nous apporte également de la méthodologie de travail pour les réutiliser dans nos entreprises » – Philippe Métais, chargé de mission Innovation R&D chez GRDF

Si chacun “grandit” ainsi, c’est également en se familiarisant par la pratique à différentes techniques d’intelligence collaborative et émotionnelle. Co-développement, spatialisation, jeux de confiance … “Le Club nous apporte également de la méthodologie de travail pour les réutiliser dans nos entreprises, animer des ateliers de créativité, faire émerger des solutions à des problématiques que peuvent avoir des collègues” insiste Philippe Métais, chargé de mission GRDF en innovation. “Le but est de s’améliorer, mais aussi de façonner face à la problématique des autres ses propres convictions. C’est rarement fait dans les grands groupes !” reprend Mathieu Cambe, responsable Sustainability et Innovation chez Accenture.

***

Le 20 février sonnera le départ de la saison 2 pour le groupe pionnier … mais aussi une séance “découverte” pour un nouveau groupe en voie de constitution. Elle sera animée par Virginie Rossigneux et Pierre Gérard, journaliste et consultant, pour lequel « créer un deuxième groupe est une vraie opportunité pour les entreprises et les collectivités territoriales qui voudraient nous rejoindre. Ils bénéficieront de la dynamique des échanges, mais aussi de celle déjà tissée avec le premier groupe lors des Déj Open Inno. » **

En parallèle, le groupe pionnier évoluera sur l’année 2020 à travers six ateliers dédiés au travail sur le mindset, et deux en mode “think tank” pour étudier des problématiques d’acteurs du territoire. L’objectif du Club est bien désormais d’essaimer sur le territoire auvergnat, en ouvrant un nouveau groupe, en s’adressant à des structures tierces, et en préparant pour la fin de l’année un événement sur l’open innovation en Auvergne.

Note : Pierre, Virginie, et Damien (auteur de l’article et co-animateur du groupe pionnier) sont membres du C.A. du Connecteur.

*vous aurez noté la référence à Lénine dans un article sur l’open innovation. Encore une exclusivité Connecteur.
**les Déj Open Inno sont des cocktails déjeunatoires avec conférence inspirante sur l’Open Innovation. Ils ont lieu le jour même des ateliers des deux groupes, à Turing22. Ils sont ouvert à tous dans la limite des places disponibles, pour un forfait de 25 € TTC – il est nécessaire de s’inscrire ici. Le premier Déj Open Inno du 20 février portera sur un retour d’expérience en Open Innovation chez GRDF avec Philippe Métais et Emmanuelle Collin.


Pour en savoir plus, participer à la séance découverte gratuite du 20/2 matin ou vous inscrire à un Déj Open Inno (qui sont ouverts à tous) pour rencontrer les membres du Club : ça se passe sur le site du Club Open Innovation Auvergne
Voir aussi tous les articles (avec de nombreux entretiens) autour du Club sur notre site


À propos de Véronique Jal

Ma ligne guide depuis 15 ans, c'est le management de projets collectifs à fort "sens ajouté" : les fromages AOP, les hébergements touristiques, la démarche d'attractivité d'une région... et aujourd'hui l'innovation territoriale via un média associatif Toulousaine d'origine, j'ai découvert et choisi l'Auvergne que mon parcours pro m'a amenée à connaître sous plein de facettes. J'adore cette activité qui nous permet d'être en situation permanente de découverte.