#TRANSITION- La mue des médias, entre responsabilité et acceptabilité

#TRANSITION- La mue des médias, entre responsabilité et acceptabilité

Le monde des médias est en pleine mue … Il voit, dans le même temps, naître foultitude de petits médias plutôt hyper spécialistes, voire militants, s’adressant à des communautés spécifiques et s’interroger les grands médias- dits Main Stream par ceux qui les charrient un peu- dont le spectre est bien plus large. Parmi les marqueurs de cette mue, la question du traitement des sujets « climat ».

En matière de transition écologique, l’été, puis la rentrée 2022, ont marqué des étapes.  Quelques coups de gueule, comme celui de Loup Espargilière, fondateur du média Vert, sur Twitter ou du présentateur météo de BFMTV, Marc Hay, ont déclenché ou rendu visibles la nécessité de nouvelles pratiques. On ne peut plus illustrer les vagues de chaleur par des images de plages.  Et globalement, il est temps d’engager un travail de fond sur la responsabilité des médias et des journalistes pour « cadrer et transmettre les informations sur le changement climatique ».

Une charte et des manifestes

Ce sera l’objet de la Charte pour un journalisme à la hauteur de l’urgence climatique parue mi-septembre et signée par des dizaines de médias, plutôt alternatifs type Reporterres, Basta Media, Médiapart, Bon Pote, Socialter, Blast, … De leurs côtés, les grands médias n’ont pas signé cette charte. Non qu’ils ne souhaitent pas s’engager sur le même chemin mais parce qu’ils veulent personnaliser leur réflexion et s’engager sur des promesses qui leur ressemblent. Ce que l’on a pu voir à la rentrée avec Le Tournant de RadioFrance qui publiait son Manifeste en distinguant ses engagements en tant que média de ceux pris en tant qu’entreprise.

Entre ces deux exemples, non exhaustifs évidemment, de fortes convergences, sur plusieurs thèmes majeurs : le fait d’abord de considérer les questions de transition comme transverses et non plus cantonnées à une rubrique, celui d’assumer une posture pédagogique entre la science et le citoyen, celui encore de permettre un débat « civilisé » ou encore de mettre la formation des journalistes au cœur du dispositif de restauration de la confiance.

TF1, Centre France La Montagne et le CLEMI : des rencontres de l’info « transition » à Clermont

Bref, on le voit, il y a du mouvement. Dans la même mouvance, le groupe TF1 déploie sa stratégie RSE en tant qu’entreprise mais également en tant que média. On retrouve dans sa feuille de route climat les mêmes grandes orientations : couverture éditoriale affirmée, orientation « solutions », pédagogie sur les grands enjeux et données scientifiques, formation des journalistes…  

Aussi quand on apprend que la rédaction de TF1 s’associe à celle de Centre France La Montagne pour organiser à Clermont les premières Rencontres de l’Info hors Paris, on s’y intéresse. D’autant plus que le thème annoncé est celui du traitement des sujets environnementaux dans les rendez-vous d’informations.

Le format de ces rencontres avec le public n’est pas nouveau pour TF1. Toutefois, le lieu, hors Paris, au cœur du centre R&D de Michelin à Ladoux l’est d’avantage, de même que le sujet. Pour ces rencontres, pour répondre aux  interrogations du public, Christelle Chiroux, Thierry Thullier Directeur Général Adjoint Information du Groupe TF1, l’incontournable Evelyne Dheliat, Chef du service météo de TF1,  engagée dans les problématiques de dérèglement climatique,  Julien Bonnefoy, Journaliste, chef des opérations spéciales Groupe Centre France Sylvia Amicone, journaliste, réalisatrice du podcast  « impact positif »  et  Jean-Baptiste BOUVET Chef du service Économie Rédaction de TF1.

Une démarche d’éducation média

Organisées en partenariat avec le CLEMI etl e Groupe Centre France La Montagne, la salle est remplie de près de 400 personnes, dont près de 300 collégiens et lycéens.  Pour Christelle Chiroux, Directrice adjointe de l’information en charge de la médiation et de la RSE, l’enjeu est double. Il s’inscrit dans les actions menées par le groupe en matière d’Education média, et il permet de « se nourrir des questions du public pour ne pas être à côté, en particulier des jeunes. Ils ne nous regardent pas à la télé mais nous sommes aussi très présents sur Instagram ou Tik Tok. A ce titre, ces contributions nous aident à orienter notre manière de traiter l’info. »

Prendre le pouls des téléspectateurs

C’est Apolline, élève de 4ème, qui lance la première question à propos du traitement des débats autour de la coupe du monde au Qatar, « entre super compétition et questionnements environnementaux, comment gérez-vous cette contradiction ? ».

Les questions se suivent et se ressemblent un peu. On voit là le résultat d’un travail de fond mené par les profs en classe pour faire émerger les questionnements des jeunes, structurer leur formulation, s’entraîner à les poser à l’oral. Les 6 intervenants rassemblés répondent en fonction de leur sensibilité. Ce n’est pas un débat, il n’y a pas de retours prévus sur les réponses apportées mais on voit tout de même se dessiner les grands sujets qui traversent le public et aussi la ligne de réponse des représentants des médias.

En synthèse, les questionnements des jeunes portent donc sur la gestion des contradictions, à l’image du traitement accordé à la Coupe du Monde du Quatar ou de l’acceptation de pubs « en contradiction avec les valeurs prônées ».  Ils interrogent aussi la « manipulation » des émotions comme dans les montages vidéos dramatisants dont ils doutent de l’efficacité. Ou encore l’équilibre à trouver entre question d’ordre environnemental et dimensions sociale et économique, les capacités de vulgarisation des données scientifiques ou la question de la formation des journalistes en particulier les nouvelles générations…

Pour répondre, les intervenants se succèdent et se complètent.

Une question d’équilibrisme

Vers les jeunes, le sujet est particulièrement touchy. « On sait bien qu’ils ne regardent pas la télé ou ne lisent pas la PQR. En revanche, ils sont sur les réseaux sociaux et nous nous devons d’y être aussi pour contrer la désinformation. TF1 est présente sur Tik Tok notamment, les discours peuvent y être plus tranchés que sur un journal dont l’audience est très large. Pour autant, TF1 comptabilise 1.4 Milliards vues vidéos sur tous les réseaux en 2022 ». Le Groupe Centre France La Montagne expérimente VOST, un social média en cours de test qui donne ‘enfin la parole aux jeunes’. Projet lui même issu d’une des démarches d’innovation menées en interne par le groupe, un Hackathon mené sous la houlette de la Compagnie Rotative.

Pour Thierry Thullier, c’est un exercice d’équilibriste que mènent les rédactions. Sur l’exemple du Qatar, il s’agit de couvrir à la fois les dysfonctionnements et les efforts consentis. Evelyne Dheliat relève que pour les questions de météo par exemple, ce qui est bon pour les uns peut être néfaste pour d’autres (les agriculteurs versus les marchands de glace) il faut l’avoir en tête pour mesurer ses propos.  Cette notion d’équilibre, Julien Bonnefoy – La Montagne – l’appréhende manière plus globale. Pour lui, il s’agit désormais de ne plus cantonner la question du climat à une rubrique dédiée, mais bien de s’imposer- en tant que journaliste- une analyse transversale pour traiter un sujet.

Miroir ou aiguillon

Finalement, les questions -et les réponses- tournent autour d’une même boucle : si les médias n’étaient qu’un miroir, ils devraient progresser au même rythme que leurs audiences, répondre à l’attente. Il faut plutôt que les grands médias traitent les constats mais valorisent aussi les comportements vertueux et les solutions mises en œuvre. Ils s’adressent au plus grand nombre et ne sont pas militants mais doivent faire leur job « Nous ne sommes que journalistes, le job reste le même : contextualiser, savoir trouver les bonnes expertises et savoir les vulgariser… »

En revanche, s’ils assument une responsabilité quant au niveau de connaissance, de conscience et d’engagement du grand public, ils doivent trouver les moyens de combiner pédagogie et acceptabilité. Sylvia Amicone décrit le dispositif mis en place pour TF1 avec un collectif de 10 scientifiques. Ils travaillent avec la rédaction, pour éclairer le contexte en s’appuyant sur un socle solide, qui permette de décortiquer les situations, mieux comprendre et in fine, dépassionner le débat. En complément, les moyens technologiques comme la 3D ou la réalité virtuelle, mobilisables par TF1, permettent d’illustrer visuellement des situations complexes dans un effort de pédagogie efficace.  

De nouveaux imaginaires

Il y est aussi beaucoup question, en creux, du changement des imaginaires du grand public. Un Shifter présent dans la salle interroge sur les perspectives à donner au-delà de la prise de conscience. « Prendre conscience c’est un début, mais au-delà les transformations majeures à venir nécessitent de se préparer. Comment un média peut, en profondeur, faire comprendre ce qui se passe et accompagner ces transitions ? » Et là encore, la recherche de l’équilibre est délicate.

Thierry Thullier « On va continuer de monter en puissance, et il est vrai qu’on est très à la bourre.  Mais le sujet n’est pas facile à amener. Si l’on prend l’exemple des bilans carbone de chaque français, en moyenne de 10 tonnes qui devraient être ramenés à 2, les propositions portées par JM Jancovici d’un passeport donnant droit à 2 vols long courrier par personne, dans une vie sont assez radicales. Et donc difficiles à amener sans braquer les français »

Christelle Chiroux explique que d’après les résultats d’un sondage, ce qui freine les changements de comportement on trouve en premier lieu les questions de pouvoirs d’achat, une réticence à moins consommer ou à renoncer à ses loisirs mais également la méconnaissance d’alternatives, d’initiatives positives à proximité ». Et là, tous les médias peuvent agir !

À propos de Véronique Jal

Ma ligne guide depuis 15 ans, c'est le management de projets collectifs à fort "sens ajouté" : les fromages AOP, les hébergements touristiques, la démarche d'attractivité d'une région... et aujourd'hui l'innovation territoriale via un média associatif Toulousaine d'origine, j'ai découvert et choisi l'Auvergne que mon parcours pro m'a amenée à connaître sous plein de facettes. J'adore cette activité qui nous permet d'être en situation permanente de découverte.