5G Yannick Vigignol, EELV Clermont-Ferrand « On ne va pas arrêter le progrès technologique »

5G Yannick Vigignol, EELV Clermont-Ferrand  « On ne va pas arrêter le progrès technologique »

Yannick Vigignol est Conseiller municipal délégué à l’Ouverture des données. Il est aussi un élu EELV à la ville. Il partage avec nous sa vision du débat de la 5G qui fait couler beaucoup d’encre à Clermont-Ferrand.

On a appris qu’un nouveau vœu de moratoire avait été émis par EELV concernant les installations d’antennes 5 G dans le centre-ville de Clermont-Ferrand. Sachant que les communes ne sont pas décisionnaires, à quoi sert ce vœu ?

En effet, les opérateurs, lorsqu’ils déploient les antennes, doivent rendre compte à l’ARCEP afin qu’elle soit en capacité de localiser les antennes sur le territoire. 
Au niveau des mairies, les opérateurs sont soumis à des autorisations de travaux nécessaires à l’implantation. Elles n’ont pas de pouvoir réglementaire, mais le maire peut refuser les travaux d’implantation. 

Le vœu de moratoire, ce n’est pas un vote formel d’une délibération sur : pour ou contre des antennes.  Un vœu s’exprime à travers un texte soumis au vote du Conseil municipal qui vient exprimer une position, mais qui n’a pas d’effet réglementaire. 

Concernant le vœu de moratoire sur la 5 G à Clermont-Ferrand, à travers ce vote, nous avons voulu rappeler que l’on ne peut pas s’affranchir du débat public sur ce sujet. Le gouvernement a commandé une étude à l’Anses sur les effets de la 5 G notamment sur la santé. 
Pourtant, les enchères pour l’attribution des fréquences ont déjà eu lieu. Pourquoi demander un rapport et ne pas attendre les résultats avant de prendre une décision.
C’est ce paradoxe que nous avons voulu soulever. Le calendrier n’est pas cohérent.

Vous pointez du doigt un manque d’information et de débat sur certains points précis, pouvez-vous nous les préciser ?

Le déploiement de la 5 G va se faire en plusieurs étapes. Dans un premier temps, une nouvelle bande de fréquence autour de 3,5 GHz va être utilisée. Elle est très proche de celle de la 4G et donc à ce niveau, pas de souci particulier. Ensuite, ce sont deux nouvelles bandes fréquences qui vont être utilisées. 

À ce jour, aucune étude n’a mesuré l’impact de ces nouveaux faisceaux de micro-ondes. Les habitants de Clermont-Ferrand, lorsqu’ils voient une antenne 5 G se déployer à côté de chez eux, s’interrogent sur les risques sanitaires qu’ils courent. Il y a déjà des associations de victimes.
Ce que l’on demande tout simplement, c’est un espace de discussions sur les futures ondes.

Voilà le premier argument d’ordre sanitaire, quel est le deuxième ? 

On déploie une nouvelle technologie pour faire face à certaines situations. On sait que d’ici peu le réseau 4G va arriver à un niveau de saturation à Clermont-Ferrand notamment. La 5 G moins gourmande en énergie pour un même niveau de données est plus intéressante à ce niveau-là.

Pourtant, on le sait, ça s’est vérifié à chaque nouvelle génération. Il y a un effet démultiplicateur. Oui la 5 G est plus propre, mais son arrivée entraîne une augmentation de la consommation par utilisateur.
La démultiplication des terminaux et des nouvelles technologies va avoir un effet sur la consommation de données. Aujourd’hui, le numérique est responsable de 12 % de la consommation énergétique mondiale, ce n’est pas négligeable. 

Au moment des accords de Paris, le logement et les transports ont été identifiés comme leviers d’amélioration vers la neutralité carbone à horizon 2030. Le numérique n’y figurait pas. Pendant, longtemps, on a considéré que le numérique faisait partie de la solution et pas du problème.
Aujourd’hui, il est important de responsabiliser les opérateurs. Le numérique responsable devient un enjeu majeur. Ils doivent d’engager beaucoup plus et ne pas se contenter de déployer.

Aujourd’hui, le numérique est responsable de 12% de la consommation énergétique mondiale, ce n’est pas négligeable.

Le numérique responsable ? Ça veut dire quoi concrètement ?

Par exemple, la question des data centers est intéressante. Certaines options sont moins énergivores que d’autres.
Il est aussi important de sensibiliser les utilisateurs. Par exemple, l’installation par défaut d’une application sur l’impact carbone de trois heures passées sur les réseaux sociaux. Il faut rendre l’utilisation transparente. Si on veut regarder un film, il est bien plus judicieux en matière d’énergie de basculer sur la fibre plutôt que d’utiliser la 5 G.

Le sujet est plus large que cela, mais ce sont des pistes à creuser.

D’ailleurs le numérique responsable, c’est aussi la gestion des déchets. L’arrivée de la 5G, signifie le remplacement de tous les smartphones à terme. Ça va générer une quantité de déchets incroyable. Il faut que les opérateurs prennent des engagements clairs sur le traitement des déchets et la production de téléphones éco-conçus.
Aujourd’hui, les pouvoirs publics ne se saisissent pas du sujet. 

Du coup, c’est vous qui mettez le sujet sur la table. Pour certains, vous passez pour “des amishs verts”. La caricature vous choque ? 

Non. C’est une réaction humaine naturelle. Si d’un côté, on affirme qu’il n’y a pas de problème avec la 5 G et que c’est un progrès technologique, ceux qui disent le contraire sont forcément des technophobes et passéistes.
De notre point de vue, il faut être responsable et ça signifie reconnaître le problème et chercher des solutions.
D’ailleurs, c’est aussi le souhait de la convention citoyenne qui a émis des vœux dans ce sens-là.

Vous ne voyez pas en quoi la 5 G peut être un progrès technologique pour certains secteurs d’activité ?

D’abord ce que je constate, c’est que le déploiement va se faire principalement dans les grands centres urbains au détriment des zones rurales qui sont nombreuses encore à ne pas avoir la fibre. Cela amplifie la fracture numérique de ces territoires. 

On entend beaucoup parler de la 5 G pour des usages industriels. Je ne maîtrise pas assez le sujet pour me prononcer. Je me demande juste si d’autres alternatives ne sont pas possibles pour la voiture autonome par exemple.

Derrière le débat autour de la 5 G, ce sont deux récits qui s’opposent. Le progrès technologique comme solution pour répondre aux défis environnementaux et sociétaux et une autre qui dit stop et qui souhaite aller vers plus de sobriété. Comment débattre sans cliver à Clermont-Ferrand ?


Je crois beaucoup au clivage droite gauche. Aujourd’hui il y a un nouveau clivage qui se superpose sur la vision de la société que l’on veut pour nos enfants. D’un côté en effet, il y a une vision technologiste qui dit “certes, on a des difficultés, mais que la technologie viendra tout résoudre”.
Et de l’autre, et c’est celle que l’on partage, il y a une réflexion sur ce qu’est le progrès. Est-ce que l’on doit tout accepter. C’est une vraie rupture par rapport à la notion de progrès développée pendant le siècle des Lumières.

Un projet n’est jamais sans impact. Il faut prendre conscience de l’impact et pas seulement du gain qu’il représente. C’est vrai, que le débat est ici, ce sont deux visions de la société.
Dans un cas comme dans l’autre, il faut faire des choix radicaux parce que ce n’est pas le même chemin.

Et à quoi est-ce qu’il ressemble ce chemin alors ?

Il faut se demander si on n’est pas allé trop loin. Il faut penser relocalisation alimentaire, remettre de l’humain dans le travail pour devenir plus résilient. 

C’est aussi un état d’esprit : la meilleure des énergies, c’est celle que l’on ne consomme pas. Ça signifie des bâtiments isolés, des véhicules non-polluants; etc.
Par exemple aujourd’hui nous sommes à un moment carrefour concernant la production d’énergie. On est sur un schéma “tout nucléaire” qui date des années 60. La question est de savoir si l’on renouvelle tout le parc nucléaire français ou si on fait la place aux énergies renouvelables.
Nous sommes conscients que renouvelable ne veut pas forcément dire propre. Les éoliennes ou les panneaux solaires ont un impact et génèrent des déchets également. Il faut aussi réfléchir à cela. Le débat est dur mais nécessaire.

Si je vous dis que la Chine et les Etats-Unis s’affrontent déjà autour de la 6 G, est-ce que je vous achève ?

Haha non non. Le progrès technologique va continuer. Il y aura la 6 G puis la 7 G. Le modèle des trente glorieuses et du toujours plus n’est plus d’actualité. Aujourd’hui, les nouvelles générations, notamment, s’interrogent sur cette notion de toujours plus de progrès par rapport à toujours plus de bien-être.
Ce que nous souhaitons avant tout c’est que le citoyen aiguise son esprit critique et ne prenne pas tout pour argent comptant.

Dans la tête de Yannick Vigignol

Ta définition de l’innovation : une idée au service d’un idéal
Une belle idée de start-up : La coopérative des décarboné-es : conseil aux ménages pour réduire leur impact carbone, et partage des gains carbone entre les familles impliquées et la coopérative.
La start-up qui monte : Cyclôme
Où est-ce que tu vas à la pêche à l’info ? : 
Linkedin, Twitter,
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Une recommandation (livre, podcast, magazine, série) : https://www.arretsurimages.net/chroniques/le-matinaute/opendata-lantidote
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Quand vous voyez ça vous fait penser à quoi ?

On est dans quelque chose du domaine du fantasme technologique, de la déshumanisation. Le port, c’est aussi le symbole de l’hyper-consommation.

Un vœu pour 2021 : un portail Open data Clermont Métropole pour alimenter la concertation citoyenne sur la transition programmée en fin d’année.

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À propos de Pauline Rivière

Pauline Rivière est journaliste et rédactrice en chef du média en ligne le Connecteur. Elle est en charge du choix des dossiers spéciaux mensuels. Elle développe également des outils de datavisualisation à destination de l'écosystème de l'innovation et s'intéresse à l'innovation éditoriale. Avec sa société SmartVideo Academy, elle anime différentes formations à la réalisation de vidéos (au smartphone notamment) et à l’écriture audiovisuelle. Elle intervient également dans l'Enseignement Supérieur dans le cadre de projets pédagogiques digitaux, mêlant techniques de communication et sujets d'innovation.